Accord historique UE-Turquie : le « un pour un » est-il la solution ?

March 21, 2016 15:09

(Baonghean) - Le week-end dernier, après une réunion extrêmement tendue et éprouvante, contrairement aux prévisions des observateurs qui estimaient qu'aucun accord ne serait trouvé entre l'Union européenne et la Turquie, les parties ont convenu d'une nouvelle solution considérée comme une avancée décisive et historique. Cependant, il reste difficile de savoir si le calcul du « un pour un » apportera une solution satisfaisante, répondant aux attentes en matière de limitation du flux d'immigrants en Europe.

L'Europe ravale son amertume

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Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu (à droite) et le président français François Hollande (à gauche) assistent à une réunion sur les réfugiés à Bruxelles, en Belgique, le 18 mars 2016. Photo : Reuters

Selon un accord décisif récemment conclu entre l'Union européenne et la Turquie, tous les migrants syriens irréguliers et illégaux arrivés en Grèce depuis la Turquie seront renvoyés en Turquie à partir d'hier - 20 mars.

Plus précisément, pour chaque migrant syrien illégal renvoyé en Turquie depuis la Grèce, l’Union européenne accueillera et réinstallera directement un réfugié syrien ayant légalement demandé l’asile en Turquie.

Le processus de réinstallation dans ces pays de l'UE débutera le 4 avril. Du point de vue européen, il s'agit d'un examen approfondi. Ce nouvel accord vise également à fermer la principale voie maritime traversant la mer Égée, entre la Grèce et la Turquie. Cette route dangereuse a été empruntée par plus d'un million de migrants pour entrer en Europe depuis l'année dernière.

Cependant, parallèlement à cet accord « un pour un », l’Union européenne a dû s’engager à doubler son soutien financier à la Turquie à 6 milliards d’euros ; notamment pour accélérer le processus de négociation de l’adhésion de la Turquie à l’UE et envisager une exemption de visa pour 78 millions de citoyens turcs lorsqu’ils se rendent dans les pays de l’UE.

On dit donc qu'un accord a été conclu, mais au vu des termes précis, on constate aisément que l'Europe est clairement « désavantagée » et « en position de faiblesse » par rapport à la Turquie. Certains affirment même que l'accord avec la Turquie illustre le « compromis douloureux » de l'Union européenne. Dans ce contexte, la Turquie a pris le dessus, « en position de force », forçant l'Europe à acquiescer aux demandes d'Ankara de coopérer pour endiguer l'afflux de réfugiés qui continue d'affluer chaque jour en Grèce.

Le début est-il fluide ?

Face à des conditions quelque peu excessives de la part de la Turquie, la mise en œuvre de la solution du « un pour un » comme l'espérait l'Union européenne est une autre question. En réalité, cette solution est proposée depuis plusieurs jours, mais elle a suscité de vives objections de la part des organisations de défense des droits humains. Tant qu'elle ne fera pas l'objet d'un consensus entre les parties, ces objections persisteront.

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L'accord « un pour un » récemment conclu avec la Turquie Kois ne peut constituer une solution complète à la crise des réfugiés dans l'Union européenne. Photo : AFP

Dans sa dernière déclaration, Amnesty International a déclaré qu'il s'agissait d'un coup dur pour l'histoire des droits humains dans le monde. L'organisation a également déclaré : « Le renvoi de réfugiés par l'Europe ne témoigne pas d'un respect sérieux du droit international. La Turquie n'est pas un pays sûr pour les réfugiés et les migrants ; leur renvoi est donc illégal et immoral. » Au sein même de l'Union européenne, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a également exprimé ses inquiétudes quant à la légalité de ce renvoi de réfugiés.

Outre les questions juridiques et de droits humains, la faisabilité de cette solution constitue également une question cruciale. Par exemple, en Grèce, mener des entretiens et établir des profils de demandeurs d'asile illégaux en vue de leur renvoi constituera assurément un défi. En raison de l'épuisement de l'économie, de la faiblesse des ressources humaines et du laxisme du système judiciaire, Athènes aura du mal à gérer cette énorme charge de travail, malgré l'aide de l'Union européenne.

En attendant, pour la Turquie, expulser une personne et accueillir un autre réfugié en retour ne change rien. Il s'agit simplement d'un « marchandage » nécessaire avec l'Union européenne qu'Ankara doit accepter. En réalité, la mise en œuvre de l'accord n'est pas une priorité pour le gouvernement du président Tayyip Erdogan pour l'instant. Bien sûr, elle passera après la répression de l'insurrection kurde ou la gestion de la crise chez son voisin syrien, qui se profile toujours de l'autre côté de la frontière.

Pendant ce temps, de retour à l'Union européenne, l'une des conditions posées à la Turquie est l'accélération du processus d'adhésion d'Ankara, longtemps retardé. Rien ne garantit que cette condition sera respectée comme promis par l'Europe, car de nombreux pays, notamment Chypre, restent fermement opposés à l'ouverture à la Turquie. La liste des désaccords et des conditions que la Turquie doit remplir pour se conformer aux normes européennes est également longue.

Avant même les négociations, le président du Parlement européen (PE), Martin Schulz, avait averti le 17 mars que les négociations visant à parvenir à un accord final ne pouvaient être liées aux efforts d'adhésion d'Ankara à l'UE. Comme l'a également souligné le Premier ministre belge Charles Michel, mieux vaut l'absence d'accord qu'un mauvais document qui « trahit » les valeurs européennes.

Il est donc clair que derrière l'accord « un pour un » récemment conclu entre l'Union européenne et la Turquie subsistent de nombreux désaccords et tensions. Aux yeux des analystes, il s'agit toujours d'une solution rapide et désorientante de la part de l'Europe pour sauver la crise actuelle des réfugiés. Or, une révision complète, une amélioration globale des réglementations et une réponse aux causes profondes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord constituent les solutions complètes. Bien entendu, ce processus ne peut s'arrêter avec le récent accord « un pour un » quelque peu précipité.

Phuong Hoa

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