Visite du président turc aux États-Unis : le défi de « l'amitié »
(Baonghean) - La rencontre entre le président américain Donald Trump et le président turc Tayyip Erdogan à la Maison Blanche a véritablement attiré l'attention de l'opinion publique internationale. M. Erdogan a en effet pris la décision courageuse de se rendre aux États-Unis, alors que la quasi-totalité des États-Unis lui étaient hostiles. Seul le président américain Donald Trump l'a toujours qualifié de « bon ami », et chacun attend de voir comment cette « amitié » contribuera à surmonter la crise des relations américano-turques.
Un accueil glacial
M. Tayyip Erdogan a peut-être été accueilli sur un tapis rouge à la Maison Blanche et a peut-être reçu une chaleureuse poignée de main du président américain Donald Trump. Cependant, ce sera peut-être le seul accueil chaleureux qu'il recevra aux États-Unis, car hors de la Maison Blanche, les politiciens américains et de nombreux Américains ne voient pas d'un bon œil cette visite. L'atmosphère glaciale qui a régné lors de la visite de M. Tayyip Erdogan aux États-Unis rappelle à beaucoup sa dernière visite en 2017, lorsque des foules de manifestants étaient descendues dans la rue pour protester contre M. Erdogan, provoquant même des échauffourées entre ses gardes du corps et des manifestants américains.
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M. Tayyip Erdogan et son épouse sont en route pour les États-Unis. Photo : DW - Washington Post |
Le fait que les politiciens américains et le peuple américain n’accueillent pas favorablement M. Erdogan est la manifestation la plus claire du déclin des relations entre les deux pays, qui étaient autrefois de proches alliés, résultant des politiques étrangères mutuellement impopulaires des deux parties.
Le point culminant des conflits et des désaccords a été la décision de la Turquie de lancer l'opération militaire « Source de Paix » dans le nord-est de la Syrie pour chasser les forces kurdes de la région. Cette décision a suscité une vague d'indignation au Congrès américain, qui a déclaré que M. Erdogan était « débridé » en étant prêt à tirer sur les forces que les États-Unis « soutenaient » en Syrie. La Chambre des représentants américaine a adopté un ensemble de sanctions contre la Turquie, bien qu'il ait été bloqué par le Sénat américain, avec une écrasante majorité de Républicains.
L'insistance de la Turquie à acquérir le système de défense antimissile russe S-400, malgré tous les avertissements américains, explique également la vague de critiques dont M. Erdogan fait l'objet aux États-Unis, contrairement à la déclaration américaine selon laquelle « le S-400 n'est autorisé dans aucun pays de l'OTAN ». Juste avant la visite de M. Erdogan aux États-Unis, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Robert O'Brien, a déclaré que si la Turquie ne changeait pas d'avis sur la question du S-400, des sanctions américaines pourraient entrer en vigueur à tout moment.
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L'attaque de l'armée turque contre les Kurdes en Syrie a suscité l'indignation du Congrès américain. Photo : Getty Images/EPA |
Attaquer les Kurdes, s'allier à la Russie en Syrie et acheter des S-400 malgré son exclusion du programme américain d'acquisition d'avions de combat F-35 ne sont pas les seules actions de M. Tayyip Erdogan qui ont provoqué la colère des États-Unis. M. Erdogan poursuit également une série d'autres politiques étrangères qui « jettent de l'huile sur le feu », comme le forage pétrolier dans les eaux contestées au large de Chypre, malgré la ferme opposition des États-Unis et de l'Europe, l'aide au Venezuela pour « blanchir de l'argent » afin de contourner les sanctions américaines, et le maintien d'une relation amicale avec l'Iran, contraire à la politique américaine…
Les actions de M. Erdogan constituent un défi direct à la politique étrangère de l'administration américaine, fondée sur le pari que l'Amérique a plus besoin de la Turquie que la Turquie n'a besoin de l'Amérique. Il n'est donc pas étonnant que M. Erdogan ait reçu un accueil glacial lorsqu'il a décidé de se rendre aux États-Unis à cette période.
Un lien brillant
Selon les analystes, les relations entre les États-Unis et la Turquie traversent une période difficile, la confiance entre les deux agences gouvernementales s'érodant, et le seul point positif étant la relation personnelle entre les présidents Donald Trump et Tayip Erdogan. Souvenez-vous, lors de la cérémonie d'inauguration de la Trump Tower à Istanbul en 2012, M. Donald Trump, alors magnat de l'immobilier, avait loué M. Tayyip Erdogan, le qualifiant de « dirigeant mondial respecté ». Jusqu'à son élection, M. Donald Trump n'a cessé de qualifier M. Erdogan de « bon ami ».
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M. Tayyip Erdogan a pris de nombreuses décisions qui ont remis en cause la politique étrangère américaine. Photo : K2 Radio |
Cependant, la rencontre d'aujourd'hui entre les « deux amis » n'est pas un lieu de bavardage et de confidences. Il est essentiel que les deux amis abordent ouvertement les questions les plus épineuses afin de prouver que la relation personnelle entre les deux dirigeants est véritablement essentielle pour éviter un effondrement total des relations entre les deux pays. Avant la visite, M. Erdogan a également annoncé partager le point de vue du président Donald Trump sur la nécessité de résoudre les problèmes, dans un contexte de brouillard glacial entourant les relations américano-turques. Bien entendu, la principale préoccupation de cette rencontre entre M. Donald Trump et M. Tayyip Erdogan réside dans la manière dont les deux dirigeants gèrent les deux dossiers les plus importants : la politique dans le nord-est de la Syrie et l'achat par la Turquie de S-400 à la Russie. Selon les analystes, il est quasiment impossible pour les États-Unis de contraindre la Turquie à revenir sur ses décisions. M. Trump peut au contraire formuler des propositions pour le bien commun.
Pour atténuer la gravité de la décision antérieure de la Turquie de lancer une attaque militaire contre le nord-est de la Syrie, les États-Unis et la Turquie pourraient aborder la question de l'engagement de la Turquie à maintenir un cessez-le-feu durable, à ne pas porter atteinte aux forces kurdes soutenues par les États-Unis et à continuer de soutenir les objectifs américains visant à prévenir la résurgence de l'État islamique (EI) autoproclamé en Syrie. Avec l'achat par la Turquie du système de défense antimissile russe S-400, les États-Unis pourraient « faire marche arrière », sans demander à la Turquie d'annuler le contrat, mais en exigeant de la Turquie l'assurance qu'elle ne déploiera pas le S-400 et qu'elle ne lui permettra pas d'accéder à des systèmes de défense capables de contrer le F-35. En contrepartie, les États-Unis pourraient autoriser la Turquie à réintégrer le programme d'acquisition du F-35 et, parallèlement, lui faire des propositions économiques « généreuses », comme la signature d'un accord commercial de 100 milliards de dollars.
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Le défi des deux dirigeants est de remettre sur les rails les relations américano-turques. Photo : DW |
Par ailleurs, les États-Unis pourraient également envisager une coopération avec la Turquie pour exploiter les gisements pétroliers qu'ils « protègent » dans l'est de la Syrie. Ces gisements pourraient résoudre le problème économique des forces kurdes soutenues par les États-Unis dans la région et rapporter à la Turquie des milliards de dollars de taxes lors de l'exportation de ces cargaisons pétrolières à travers la frontière turque.
Le défi de la rencontre entre les « deux amis » Donald Trump et Tayyip Erdogan est de savoir comment minimiser les impacts négatifs tout en renforçant les aspects positifs dans la relation tumultueuse entre les États-Unis et la Turquie.
On peut dire que les États-Unis et la Turquie ont encore de nombreux points d'insatisfaction dans leurs politiques étrangères respectives. Mais après tout, perdre un allié en ce moment n'est bénéfique ni pour les États-Unis ni pour la Turquie. Par conséquent, même si la visite de M. Tayyip Erdogan ne résoudra peut-être pas complètement le désaccord, elle témoigne de la volonté politique des deux parties de rétablir progressivement leurs relations.