Comment les États-Unis modifient-ils leur approche au Moyen-Orient ?
(Baonghean) - Les États-Unis tentent de remodeler leurs alliances au Moyen-Orient et de renforcer la stabilité à long terme de la région grâce à une nouvelle approche. La tournée du secrétaire d'État Mike Pompeo dans plusieurs pays du Moyen-Orient cette semaine s'inscrit dans cette stratégie.
RÉINVENTER L'ALLIANCE
La visite du secrétaire d'État américain dans plusieurs pays arabes intervient alors que la présence américaine dans la région se renforce. M. Pompeo doit quitter les États-Unis le 23 août pour se rendre en Israël, à Bahreïn, à Oman, aux Émirats arabes unis (EAU) et au Soudan. Cet itinéraire est encore incomplet, le secrétaire d'État américain souhaitant également se rendre au Qatar pour rencontrer des représentants des talibans et discuter du lancement de négociations de paix intra-afghanes.
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Le secrétaire d'État Mike Pompeo (à gauche) visite Israël et plusieurs pays arabes à partir du 23 août. Photo : Getty |
Cet événement diplomatique s'inscrit dans un contexte où les États-Unis viennent de marquer des points positifs grâce à leur rôle de médiateur, aidant deux alliés importants, Israël et les Émirats arabes unis, à conclure un accord de paix historique. La plupart des alliés des États-Unis dans la région ont salué cette initiative, la considérant comme le début d'une nouvelle ère entre l'État hébreu et le monde arabe, propice à la paix et à la prospérité commune. Ce sujet figure donc à l'ordre du jour du voyage de M. Pompeo. Le programme immédiat prévoit une cérémonie de signature solennelle à la Roseraie de la Maison-Blanche, conformément aux intentions du président Donald Trump.
Par ailleurs, le voyage du secrétaire d'État américain a une mission plus vaste : organiser et remodeler les relations d'alliance de Washington. En tant que « bâtisseurs de ponts », les États-Unis non seulement relient Israël aux Émirats arabes unis, mais espèrent aussi aller plus loin. Les Émirats arabes unis sont le troisième pays arabe à établir des relations diplomatiques avec Israël, après l'Égypte en 1978 et la Jordanie en 1994. De nombreux diplomates prédisent que Bahreïn et Oman seront les deux prochains pays à « surmonter la malédiction » et à accepter la normalisation avec le pays juif.
C'est pourquoi les deux pays figurent au programme de Mike Pompeo et de Jared Kushner, alors conseiller à la Maison-Blanche et considéré comme l'architecte du plan de paix de Trump pour le Moyen-Orient, lors d'une visite fin août. Encourager davantage de pays arabes à faire la paix avec Israël montre que les États-Unis accélèrent leur stratégie de réalignement de leurs alliés autour d'une nouvelle approche. L'objectif de ce plan est à la fois de renforcer le rôle à long terme des États-Unis et de mobiliser des forces pour isoler et traiter avec l'Iran.
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Le président américain Donald Trump a annoncé qu'Israël et les Émirats arabes unis normaliseraient leurs relations sous la médiation des États-Unis. Photo : Reuters |
L'administration Trump a récemment pris une décision ferme en décidant d'activer le « mécanisme d'inversion » pour réimposer des sanctions internationales contre Téhéran. Cette mesure non seulement exerce une pression sur l'Iran, mais témoigne également de la tentative désespérée des États-Unis d'annuler l'accord nucléaire de 2015, conformément à la promesse faite par Trump lors de son élection. Les observateurs affirment que les États-Unis ont un besoin urgent d'un front commun et uni au Moyen-Orient face à l'Iran. Mobiliser Israël et les pays arabes pour qu'ils défendent ce front est le thème que le chef de la diplomatie américaine a apporté lors de son voyage.
CONSTRUIRE UNE NOUVELLE STRATÉGIE
Malgré leurs divergences politiques, les administrations américaines, qu'elles soient démocrates ou républicaines, du président George W. Bush à Barack Obama en passant par Donald Trump, ont peiné à concilier l'évolution des objectifs de sécurité au Moyen-Orient. Ces objectifs politiques visent non seulement à réduire le risque d'attentat terroriste sur le sol américain, mais aussi à détruire Al-Qaïda et l'État islamique partout où ils s'implantent ; non seulement à réduire l'influence iranienne dans des zones stratégiquement importantes, mais aussi à contraindre le régime iranien à changer.
On constate que les administrations américaines de différentes époques ont adopté diverses approches politiques dans cette région. Après que la guerre lancée par l'administration Bush en Irak en 2003 n'eut guère de résultats, devenant même un véritable bourbier causant pertes humaines et financières, les décideurs politiques américains ont adopté une autre approche : la délégation de pouvoir à des organisations mandataires.
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Depuis des décennies, les États-Unis maintiennent une présence au Moyen-Orient en y envoyant des troupes. Photo : AFP |
Les guerres en Syrie, en Libye ou au Yémen en sont des exemples typiques : les États-Unis ne souhaitent pas participer directement aux guerres, mais sont prêts à soutenir, former, fournir des armes et des renseignements aux forces combattant dans ces pays. Cependant, ces guerres par procuration n'ont pas atteint les objectifs stratégiques des États-Unis ; dans certains cas, elles ont même eu l'effet inverse. Le rôle de l'Iran dans la région n'a pas seulement diminué, mais s'est considérablement accru, devenant une force incontournable sur l'échiquier politique de la Syrie ou du Yémen. Une telle perception réaliste oblige les États-Unis à envisager une stratégie différente s'ils veulent maintenir leur présence et leur influence au Moyen-Orient.
L'envoi de diplomates et de conseillers de haut rang au Moyen-Orient à cette occasion témoigne de la nouvelle approche politique du président Donald Trump envers cette région. Israël est un maillon important de la stratégie américaine au Moyen-Orient. En mobilisant le monde arabe aux côtés d'Israël, le président Trump concentre l'attention et les préoccupations des pays arabes sur les questions de sécurité et l'Iran, plutôt que sur les préoccupations israéliennes ou la protection de la Palestine comme auparavant.
Pour l'instant, ces calculs servent l'objectif de M. Trump : briguer un second mandat. Car, grâce à ses actions actuelles, M. Trump peut facilement gagner la sympathie des électeurs juifs ou issus de la communauté juive aux États-Unis – ceux qui exercent une grande influence sur la politique américaine, en dominant l'élaboration des politiques, notamment les élections présidentielles, et les électeurs qui adoptent une position ferme et « faucon » sur l'Iran. De plus, ce sera la stratégie à long terme de l'administration Trump, qui posera les bases de la mise en œuvre du « grand plan pour la paix au Moyen-Orient » en cas de victoire après les élections de novembre prochain.
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Les États-Unis ont notifié aux Nations Unies, le 20 août, l'activation du régime de sanctions internationales contre l'Iran. Photo : USA Today |