À quel point la situation sera-t-elle difficile pour l’Ukraine sans les renseignements américains ?
La décision des États-Unis de cesser de partager des renseignements militaires avec l’Ukraine affaiblira les capacités offensives et défensives de Kiev contre les forces russes et augmentera la pression sur l’Ukraine pour qu’elle accepte un accord de paix proposé par l’administration Trump.
En début de semaine, les États-Unis ont suspendu leurs livraisons d'armes – un coup dur, mais les experts estiment que l'Ukraine peut encore tenir le coup pendant au moins quelques mois. Cependant, la suspension du partage de renseignements a un impact plus immédiat : elle perturbe la capacité de l'Ukraine à traquer et à attaquer les troupes, les chars et les navires russes ; tandis que les autres alliés de l'Ukraine n'ont pas les ressources nécessaires pour combler ce vide.
Pourquoi les États-Unis ont-ils cessé de partager des renseignements avec l’Ukraine ?
La décision de mettre fin au partage de renseignements – et à l’aide militaire – intervient après une visite tendue à la Maison Blanche la semaine dernière du président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Le président américain Donald Trump et le vice-président JD Vance souhaitent que M. Zelensky accepte rapidement un cessez-le-feu avec la Russie – qui contrôle désormais un cinquième du territoire ukrainien – et cède d’importants droits miniers aux États-Unis en échange d’un soutien futur.
L’administration Trump estime que l’Ukraine n’a pas fait preuve de suffisamment de bonne volonté dans la recherche de la paix avec la Russie, et les États-Unis ont tenu des pourparlers séparés avec Moscou pour tenter de mettre fin à la guerre.
Des responsables américains ont déclaré le 5 mars que le retrait du partage de renseignements pourrait n'être qu'une mesure temporaire pour promouvoir les pourparlers de cessez-le-feu, et ont déclaré que les discussions depuis la réunion tendue à la Maison Blanche ont été plus positives.
« Nous réexaminons et suspendons tous les aspects de cette relation », a déclaré le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Mike Waltz, le 5 mars. Le directeur de la CIA, John Ratcliffe, a qualifié cette suspension de « pause ».
Le président Zelensky a déclaré à plusieurs reprises qu'il était prêt à discuter de la paix, mais que tout accord devait garantir une sécurité adéquate à l'Ukraine. Il a également exprimé publiquement ses regrets concernant la réunion tendue, retransmise en direct à la Maison-Blanche.
Les responsables de l'administration Trump affirment que l'accord sur les minéraux contribuera à renforcer les relations entre les États-Unis et l'Ukraine et incitera le président russe Vladimir Poutine à réfléchir à deux fois avant de prendre de nouvelles mesures contre l'Ukraine.
Quel sera l’impact du manque de renseignements de la part des États-Unis sur l’Ukraine ?
La Maison Blanche n'a pas précisé quels aspects du partage de renseignements sont suspendus. Mais sans l'aide des États-Unis, notamment en ce qui concerne les données cruciales collectées par le système satellitaire Starlink d'Elon Musk, la capacité de l'Ukraine à frapper des armes et d'autres cibles en Russie serait gravement compromise.
Les attaques ukrainiennes contre le territoire russe – qui s'appuient sur des armes à longue portée fournies par les États-Unis – ont été un facteur clé de l'entrave aux capacités et à l'élan de la Russie. L'Ukraine s'appuie sur les renseignements américains pour exploiter le HIMARS et le système de missiles tactiques de l'armée américaine (ATACMS).
L'Ukraine avait également besoin des renseignements américains pour assurer une alerte précoce et une défense contre les attaques de missiles et de drones russes à longue portée. Au début de la guerre, ces renseignements ont permis à l'Ukraine de contrecarrer l'objectif russe d'une victoire rapide.
Avant l’imposition des nouvelles restrictions américaines, le rythme des attaques ukrainiennes sur le territoire russe – comme contre les dépôts de munitions – avait contribué à alléger la pression sur les forces ukrainiennes sur les lignes de front, ce qui, selon les analystes, est l’une des raisons pour lesquelles l’avancée de la Russie dans l’est de l’Ukraine a ralenti ces dernières semaines.
Les États-Unis peuvent-ils à nouveau partager des renseignements avec l’Ukraine ?
Dans une interview accordée à Fox News, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Waltz, a déclaré que la suspension du partage de renseignements pourrait être annulée si M. Zelensky montrait au président Trump qu'il était prêt à négocier la paix avec la Russie selon les conditions de M. Trump.
Le président Zelensky a déclaré vouloir « réparer les relations » avec M. Trump, mais cela n’a pas suffi à faire changer d’avis les États-Unis, principal soutien militaire de l’Ukraine depuis le début du conflit russo-ukrainien en février 2022.
Des responsables ukrainiens et américains devraient tenir des pourparlers la semaine prochaine en Arabie saoudite, a déclaré M. Zelensky dans la soirée du 6 mars.
Pendant ce temps, Zelensky cherche le soutien de l'Europe, où la plupart des dirigeants ont exprimé leur déception face à la décision de l'administration Trump de réduire l'aide à un allié clé des États-Unis dans la lutte contre la Russie.
Le 6 mars, les dirigeants de l'Union européenne ont tenu une réunion d'urgence pour renforcer la sécurité du bloc et garantir que l'Ukraine reste protégée.
Il n’est pas encore clair si la suspension américaine affectera les relations de partage de renseignements entre l’Ukraine et d’autres puissances occidentales, y compris les quatre membres restants du groupe Five Eyes – une alliance de partage de renseignements entre les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, a déclaré lors d'une interview radiophonique le 6 mars que la France continuerait de fournir des renseignements militaires à l'Ukraine. Parallèlement, le président français Emmanuel Macron a déclaré qu'il discuterait avec les dirigeants européens de la possibilité d'utiliser la dissuasion nucléaire française pour protéger l'Europe des menaces russes.