Qu'enregistre la boîte noire d'un avion ?

Au milieu des années 1950, alors qu'il enquêtait sur une série d'accidents mystérieux impliquant le de Havilland Comet - le premier avion de ligne commercial au monde -, le jeune scientifique David Warren a eu une idée audacieuse : construire un appareil capable d'enregistrer toutes les données de vol.

Il imagine un appareil capable de stocker des paramètres tels que la vitesse, l'altitude et surtout les sons du cockpit pour savoir ce que le pilote a dit et comment il a réagi juste avant l'accident.

Warren avait 28 ans à l'époque et travaillait au Laboratoire de recherche aéronautique de Melbourne, en Australie. Bien que l'idée n'ait pas été largement acceptée au départ, la boîte noire a jeté les bases de l'un des outils les plus importants de l'aviation moderne.

Depuis lors, la boîte noire est devenue un outil indispensable dans toute enquête sur un accident d'aviation, qu'il s'agisse d'avions commerciaux ou d'hélicoptères. Mais que contient réellement cette boîte noire ?

Boîte noireQu'est-ce que c'est?

L'enregistreur de vol, communément appelé « boîte noire », se compose en fait de deux appareils distincts, un enregistreur de données de vol (FDR) et un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR).

Si le FDR raconte ce qui s'est passé, le CVR permet d'en révéler les causes, explique David Esser, scientifique aéronautique à l'Université Embry-Riddle en Floride. C'est la combinaison des données techniques et de l'audio du poste de pilotage qui est devenue un outil essentiel pour décrypter les accidents aériens.

En règle générale, l'enregistreur de données est situé dans la queue de l'avion, une zone plus susceptible de survivre à un crash, tandis que l'enregistreur vocal est situé dans le cockpit pour enregistrer les conversations entre les pilotes ainsi que les sons inhabituels tels que les avertissements du système ou le bruit du moteur.

Les deux appareils sont équipés de balises de localisation sous-marines, qui permettent de localiser rapidement les avions qui s'écrasent en mer.

Bien qu'appelés « boîtes noires », les appareils sont peints en orange vif pour les rendre facilement identifiables dans les décombres.

Concernant la durabilité, Abdalla Elazaly, ingénieur systèmes avancés chez Honeywell, qui fabrique des boîtes noires pour des entreprises comme Boeing et Airbus, a déclaré que les appareils sont conçus pour résister aux chocs violents, aux températures extrêmes, aux explosions et à la pression des eaux profondes. Les boîtiers sont généralement en titane ou en acier inoxydable, des matériaux extrêmement durables utilisés dans l'industrie aéronautique.

Mais rien n'est infaillible. Dans des situations extrêmes, comme une panne de courant totale, un accident à grande vitesse ou une immersion prolongée en eau profonde, même les boîtes noires peuvent être endommagées ou irrécupérables, a déclaré Elazaly. Malgré cela, elles sont essentielles aux enquêtes post-accident.

Qu'est-ce que la boîte noire enregistre ?

Selon le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, de nombreux enregistreurs de données de vol modernes peuvent stocker au moins 88 paramètres importants sur le fonctionnement de l'avion, du temps de vol, de l'altitude, de la vitesse du vent à des milliers d'autres détails techniques, enregistrés en continu pendant les 25 dernières heures de vol.

Certains appareils avancés peuvent même suivre plus de 1 000 points de données à l’intérieur d’un avion, permettant ainsi une analyse approfondie lors des enquêtes sur les accidents.

Par exemple, la machine peut enregistrer si et quand une alarme incendie s'est déclenchée, la position précise des volets ou le moment où l'avion est passé en pilotage automatique. Ces informations aident les experts à reconstituer le parcours exact du vol avant l'accident.

L'enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) capture les sons et les bruits dans le cockpit, du bruit des moteurs au bruit du train d'atterrissage, en passant par les interrupteurs, les avertissements sonores et les conversations des pilotes. Cet appareil est généralement relié à un microphone fixé au plafond, placé entre les deux pilotes, garantissant ainsi la capture de tous les sons importants.

Conformément à la réglementation de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, tous les avions commerciaux doivent être équipés d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage capable d'enregistrer en continu au moins 25 heures de vol, ce qui permet de garantir que les données sont toujours disponibles pour les enquêtes et d'améliorer la sécurité des vols.

Lorsqu'un accident d'avion se produit, les enregistreurs de vol deviennent une clé précieuse pour les experts qui cherchent à déterminer la cause de l'incident. Cependant, seuls les membres des équipes d'enquête officielles, telles que le NTSB, la FAA et d'autres autorités compétentes, sont autorisés à accéder aux données collectées par ces appareils.

Selon l'ingénieur électricien Houbing Song de l'Université du Maryland (États-Unis), qui a participé au développement du système d'enregistrement pour la FAA, l'analyse des données de la boîte noire n'est « pas différente d'une enquête criminelle », où chaque détail peut être une preuve vitale.

Contrairement aux générations plus anciennes qui utilisaient des bandes magnétiques, les enregistreurs de vol modernes stockent les données sur des cartes mémoire à semi-conducteurs, similaires aux cartes mémoire des ordinateurs portables ou des téléphones.

La première phase du processus de récupération consiste à vérifier l'intégrité de la carte mémoire, puis à sauvegarder tout son contenu pour analyse. Selon la gravité et la complexité de l'accident, l'enquête peut durer de quelques semaines à plusieurs années.

Outre leur utilisation dans les enquêtes post-accident, les enregistreurs de données de vol apportent également une valeur ajoutée significative aux opérations quotidiennes. De nombreuses compagnies aériennes commerciales participent à un programme volontaire appelé Flight Operations Quality Assurance (FOQA), qui collabore avec la FAA pour télécharger des portions de leurs données de vol à des fins d'analyse, de surveillance et d'amélioration des performances.

Par exemple, la FAA pourrait utiliser ces données pour détecter des problèmes de consommation de carburant, des pannes de moteur potentielles ou d’autres comportements de fonctionnement inefficaces.

« L’idée est de détecter et de traiter les tendances dangereuses avant qu’elles ne conduisent à des incidents graves », explique l’expert David Esser.

Cependant, l'une des principales faiblesses de la boîte noire est qu'elle n'est accessible qu'après le vol. Si l'appareil est gravement endommagé ou introuvable, la récupération des données peut devenir impossible.

Pour surmonter cette limitation, des initiatives visent désormais à transmettre les données en temps réel des enregistreurs de vol au sol. « La technologie existe. Il ne reste plus qu'à décider quand nous la mettrons en œuvre », a déclaré Esser.

Phan Van Hoa