Les baguettes dans la vie des Thaïlandais
(Baonghean) - Depuis l'Antiquité, les Thaïlandais alternent riziculture humide et culture sur brûlis. Après avoir récolté le riz de montagne et l'avoir transformé en riz blanc, ils utilisent des cuiseurs à vapeur pour préparer le riz gluant et le conserver dans un « eep khau ». Cet eep khau possède une structure particulière, composée de deux compartiments de taille presque identique, qui s'emboîtent parfaitement pour conserver le riz gluant à la bonne température. Chaque compartiment est tressé avec deux couches de rotin distinctes, créant ainsi un espace d'air, empêchant la chaleur de s'échapper, conservant le riz gluant au chaud longtemps et permettant à la vapeur de circuler, évitant ainsi qu'il ne se transforme rapidement en bouillie. Pour déguster le riz gluant, on le presse par poignées et on le trempe dans du « cheo », un sel de sésame spécial fabriqué par les Thaïlandais. Il existe également de nombreuses variétés de « cheo ».
Cependant, l'utilisation des baguettes n'est pas étrangère aux Thaïlandais. Dans les proverbes et chansons folkloriques vietnamiens, on trouve des proverbes à leur sujet : « Ramasse des baguettes en une poignée », « Baguettes moisies sur un plateau rouge », « Compare un tas de baguettes et choisis un mât de drapeau »… Pour les Thaïlandais, les baguettes ne sont pas seulement des ustensiles pour manger et boire, elles représentent aussi un aspect spirituel de la vie quotidienne et des croyances culturelles de la communauté.
De nos jours, les Thaïlandais ont beaucoup changé dans l'architecture des maisons, les vêtements et même… l'utilisation des baguettes sur le plateau. La maison sur pilotis est toujours considérée comme un élément culturel traditionnel et s'efforce de la préserver, mais elle ne convient qu'à une partie de la population aisée. Les vêtements tissés industriellement sont plus pratiques et durables que les robes en coton cultivé et tissé artisanalement. Quant aux baguettes sur le plateau, la plupart sont fabriquées à la machine. Cependant, celles taillées par les personnes âgées et vendues au marché sont encore consommées régulièrement. De nos jours, les Thaïlandais cultivent également du riz toute l'année et l'utilisent comme les Kinh ; sur le plateau, on trouve toujours des soupes, des sautés… et l'utilisation des baguettes est devenue une évidence.
Le proverbe « Baguettes moisies sur un plateau rouge » illustre la différence et la gêne des relations conjugales entre hommes et femmes. L'image d'une paire de baguettes (moisies) est critiquée, car elle est incompatible avec un beau plateau. Dans les paroles exprimant les sentiments des hommes thaïlandais, les baguettes servent à comparer et à glorifier la beauté de leur amoureuse. Écoutez ce qu'ils chantent la nuit de la cour, « Quam púc xoa » (réveiller l'amant) : « Ta peau est comme un œuf écalé / Comme une fleur de pamplemousse Muong Thanh / Ta silhouette est comme une paire de baguettes d'ivoire ou de jade / Incrustées d'or et d'argent, scintillantes… ».
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Le chaman « lance un sort », |
Lors des fêtes, sur le plateau d'offrande ancestral, lors de la cérémonie d'attache des poignets (hang van), ou même lors des cérémonies « xang khan » ou « xen ban, xen muong », les chamans ou sorciers qui officient ne doivent pas omettre les paroles de culte suivantes en hommage aux précieuses baguettes choisies pour être utilisées sur le plateau d'offrande : « Mi tang thu may hia may hang pong bang / Thù may hoc may xang pong nen pong xu ». Traduction approximative : « Ces baguettes sont taillées dans un bambou à la belle forme tubulaire, / Écrit en may hoc, may xang (famille du bambou) aux tubes droits et fins. »
En particulier, le plateau d'offrande étant attaché par un cordon au poignet d'une personne spécifique, les baguettes déposées sur le plateau sont choisies au hasard (une seule fois) par des proches, comme le père/la mère, l'épouse/le mari, les frères et sœurs… Si le nombre de baguettes n'est pas impair, la cérémonie d'offrande peut avoir lieu ; sinon, un autre proche doit venir choisir jusqu'à ce que le nombre soit égal. Choisir un nombre de baguettes non impair est considéré comme la manifestation d'un « message mystérieux » de l'âme, indiquant que l'âme de la personne offerte est prête à participer à la cérémonie d'offrande.
Dans les contes de fées, on trouve toujours des histoires de sorciers avec des baguettes magiques… Les chamans thaïlandais, lorsqu'ils accomplissent des rituels, possèdent au moins une douzaine de paires de baguettes magiques. En réalité, ce sont leurs baguettes « magiques ». Plus petites et plus longues que les baguettes classiques, ces baguettes sont faites d'ébène, de corne ou d'autres matériaux précieux (ces matériaux ont parfois une nature mystérieuse et peuvent chasser les mauvais esprits). Les chamans les utilisent pour accomplir leurs rituels chamaniques, les aidant à « décoder » les informations liées à ces rituels, mais ils ne les utilisent jamais pour manger ou boire… Lors des rituels chamaniques, lorsqu'il s'agit de saisir les souhaits des dieux, le chaman secoue le tube de baguettes magiques, en choisit une partie au hasard, puis tient chaque paire entre ses doigts. Après plusieurs répétitions, selon ses propres calculs, le chaman connaîtra les souhaits des dieux ou les résultats de la taupe. Si elle n'est pas complète, la prière doit être relue, les offrandes manquantes ajoutées, ou le nombre d'offrandes existantes augmenté, ou etc., jusqu'à ce que la taupe soit considérée comme complète, alors le chaman donnera son verdict.
Lors des funérailles, le bol de riz offert au défunt est placé juste au-dessus du cercueil, une seule paire de baguettes étant plantée verticalement au milieu. Un plateau d'offrande séparé, destiné au défunt, mais non encore déposé dans la lignée familiale, n'utilise lui aussi qu'une seule paire de baguettes. Ainsi, dans une famille thaïlandaise, pour servir du riz à quelqu'un, même s'il n'y a qu'une seule personne assise, il faut deux bols et au moins deux paires de baguettes sur le plateau, afin d'éviter les tabous.
À bien y réfléchir, l'utilisation familiale de simples baguettes, ainsi que la manière d'en associer la signification dans les chants d'amour, les cérémonies religieuses et les activités spirituelles des Thaïlandais, témoignent de la vision d'une communauté sur la vie et l'univers ; c'est un trait culturel transmis de génération en génération et qui perdure dans la vie quotidienne des Thaïlandais. Les caractéristiques uniques des coutumes d'une communauté (dont les Thaïlandais) nous aideront à trouver la meilleure façon de nous intégrer à nos compatriotes, de promouvoir les aspects positifs, d'éliminer les aspects négatifs et de contribuer à une vie paisible et prospère dans les villages.
Sam Van Binh
(Yen Luom, Chau Quang, Quy Hop)