La Corée du Nord et la Corée du Sud peuvent-elles unir leurs forces face à la méfiance envers la Chine ?

Loyauté June 22, 2018 07:08

Le sommet sans précédent entre le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un à Singapour le 12 juin a été un grand pas en avant pour MM. Trump et Kim, et un début important pour la paix dans la péninsule coréenne.

Si l’on considère le problème plus large de la péninsule coréenne, ce n’est qu’un début modeste, car les deux dirigeants des États-Unis et de la Corée du Nord n’ont signé aucun traité de paix pour mettre fin légalement à la guerre de Corée – qui n’a pris fin qu’en 1953.

De gauche à droite : le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, le président sud-coréen Moon Jae-in et le président chinois Xi Jinping. Crédit photo : Getty et Nupi.

C'est çaDéclaration Trump-KimIl a donné peu de détails sur le moment et la manière de parvenir à une « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne » – la priorité absolue de la politique de l’administration Trump envers la Corée du Nord.

Mais l'événement du 12 juin reste précieux, comme le dit un dicton populaire en Chine : « Un voyage de mille kilomètres commence par un premier pas. » Ce sommet est un petit pas vers un grand pas vers une paix durable en Asie du Nord-Est. En ce sens, les deux dirigeants ont voyagé, se sont rencontrés et ont écrit l'histoire.

La relation complexe entre la Chine et la péninsule coréenne

La Chine et la Corée du Nord entretiennent une relation particulière, et les gens seront donc très intéressés par l’impact de ce sommet historique sur la Chine.

Avant l'événement du 12 juin, M. Kim Jong-un s'était rendu à deux reprises en Chine pour rencontrer le président Xi Jinping. Autre signe évident du rôle important de la Chine dans le sommet entre les États-Unis et la Corée du Nord : M. Kim s'est rendu à Singapour à bord d'un Boeing 747 d'Air China.

Il est important de replacer cette conférence dans le contexte historique de la relation complexe entre la Chine et la péninsule coréenne.

Pour de nombreux Chinois, les souvenirs des relations sino-nord-coréennes remontent peut-être aux immenses sacrifices consentis par la Chine pendant la guerre de Corée, puis (depuis la fin de cette guerre) à son aide économique massive et à son soutien diplomatique quasi inconditionnel à Pyongyang. Il est donc naturel d'attendre de la Corée du Nord qu'elle réponde à la « générosité » et à l'amitié de la Chine par sa gratitude et sa loyauté.

Mais pour de nombreux Coréens du Nord et du Sud (des deux côtés de la zone démilitarisée), les souvenirs de la Chine remontent à une période antérieure à la guerre de Corée. Pendant des siècles, la péninsule coréenne fut un État vassal de l'empire chinois. Elle se trouvait alors fermement sous l'emprise de la Chine, jusqu'en 1895, date à laquelle celle-ci renonça officiellement à son autorité sur la péninsule après sa défaite lors de la guerre sino-japonaise de 1894.

Sentiment anti-chinois dans la péninsule coréenne

La profonde influence culturelle et politique de la Chine a nourri, depuis des générations, un profond ressentiment envers la Chine parmi les Coréens. Ce sentiment antichinois a entraîné la montée d'un nationalisme antichinois. La création de l'alphabet coréen, appelé hangeul, en est une illustration flagrante, symbole de la volonté d'éradiquer l'influence culturelle chinoise.

Un autre signe des mauvaises relations entre Pékin et Pyongyang depuis les années 1940 est que Kim Jong-un, devenu le dirigeant suprême de la Corée du Nord en 2011, ne s'est rendu en Chine qu'en mars 2018.

Les tensions entre Pékin et le nationalisme nord-coréen s'étendent au-delà de la Corée du Nord, jusqu'en Corée du Sud. Des souvenirs historiques désagréables de la Chine pourraient avoir joué un rôle dans la décision du président sud-coréen Moon Jae-in de rencontrer Kim Jong-un à deux reprises cette année.

En 2016, lorsque la présidente sud-coréenne Park Geun-hye a décidé d'installer le système américain de défense antimissile haute altitude (THAAD) en réponse aux essais de missiles nord-coréens, Pékin a vivement protesté contre la Corée du Sud. Le bras de fer diplomatique tendu entre la Chine et la Corée du Sud au sujet du THAAD a porté leurs relations diplomatiques à leur plus bas niveau depuis 1992, année de l'établissement de leurs relations diplomatiques. Le boycott national des entreprises sud-coréennes en Chine, qui s'est traduit par une forte baisse du nombre de touristes chinois à Séoul, a porté un coup dur à l'économie sud-coréenne.

De nombreux Sud-Coréens voient dans la réponse de Pékin une forme de coercition diplomatique et économique, ainsi qu’un rappel brutal de la domination historique de la Chine.

Le président sud-coréen Moon Jae-in, élu peu après la controverse sur le THAAD, pourrait avoir d'autres raisons de promouvoir les relations avec le dirigeant nord-coréen. Une péninsule coréenne unifiée augmenterait certainement les chances d'indépendance de la péninsule vis-à-vis de la Chine.

La possibilité d'une unification de la Corée du Nord et de la Corée du Sud pour faire face à la Chine

Les sanctions occidentales ont rendu la Corée du Nord presque entièrement dépendante de Pékin, une dépendance qui, selon beaucoup en Chine, exerce une influence stratégique sans égale sur Pyongyang.

Mais cette dépendance, combinée aux souvenirs historiques de la domination chinoise, a engendré du ressentiment plutôt que de la gratitude. Il n'est pas étonnant qu'un éminent historien chinois ait affirmé que la Corée du Nord « n'est pas en sécurité avec la Chine et nourrit un esprit de revanche ».

La Chine n'est peut-être pas la grande perdante, mais elle n'est pas non plus la grande gagnante du sommet entre les États-Unis et la Corée du Nord. Pour Washington, sa détente avec Pyongyang réduit considérablement la valeur stratégique de Pékin.

La « réconciliation » entre les États-Unis et la Corée du Nord forcera la Chine à revoir sa politique envers Pyongyang et Séoul.

Si Pékin continue d’ignorer le pouvoir du nationalisme pour unifier les deux péninsules coréennes, la Chine pourrait se retrouver face à une péninsule coréenne unifiée alliée aux États-Unis.


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