La Corée du Sud organise des élections anticipées : qui succédera à Yoon Suk Yeol ?
Après des mois de troubles politiques, la Corée du Sud organisera une élection présidentielle anticipée le 3 juin pour choisir un successeur à Yoon Suk Yeol, le dirigeant conservateur qui a été évincé après un décret choquant de loi martiale en décembre dernier.

Les récents sondages d'opinion donnent une large avance au candidat libéral Lee Jae-myung. M. Lee devrait l'emporter grâce à la frustration de l'opinion publique face à l'invocation de la loi martiale par M. Yoon.
Pendant ce temps, le principal candidat conservateur, Kim Moon Soo, tente de revenir. Cependant, les observateurs affirment que le refus de Kim de critiquer directement Yoon l'empêche de combler l'écart avec son rival, Lee.
Le vainqueur de l'élection sera investi président le 4 juin, sans la période de transition habituelle de deux mois. Le nouveau dirigeant devra s'atteler à plusieurs tâches urgentes, notamment apaiser les profondes divisions qui ont marqué le pays après les agissements de Yoon, se concentrer sur la politique « America First » du président américain Donald Trump et sur le programme nucléaire nord-coréen.
Qui sont les principaux candidats ?
M. Lee Jae-myung, représentant le Parti démocrate libéral (PD), est actuellement le candidat le plus prometteur.
M. Lee a perdu de justesse face à M. Yoon lors des élections de 2022 et a mené deux votes parlementaires pour annuler le décret de la loi martiale et destituer M. Yoon, avant que la Cour constitutionnelle ne destitue officiellement M. Yoon de ses fonctions en avril.
Les vives critiques de M. Lee à l'encontre des conservateurs et ses appels à punir ceux impliqués dans l'imposition de la loi martiale ont suscité des inquiétudes au sein de l'opposition quant au fait que sa victoire pourrait polariser davantage la société sud-coréenne.
Kim Moon Soo, ancien ministre du Travail sous Yoon et candidat du Parti du pouvoir populaire (PPP), au pouvoir, se retrouve confronté à une bataille difficile. Son opposition à la destitution de Yoon et sa réticence à critiquer le dirigeant déchu lui auraient coûté le soutien des électeurs modérés, selon les analystes.
Quatre autres hommes politiques sont également en lice, dont Lee Jun-seok, du Parti de la Nouvelle Réforme, conservateur. Lee Jun-seok a catégoriquement rejeté la proposition de Kim Moon-soo de fusionner les candidats afin d'éviter de diviser les voix conservatrices.
Les enjeux clés de l'élection
Au cours de cette campagne électorale, les candidats ont fait des déclarations préjudiciables, lancé des attaques personnelles et même utilisé un langage sexuellement sensible sans présenter une vision claire à long terme pour la Corée du Sud.
Lors d'un débat télévisé la semaine dernière, Lee Jae-myung a qualifié Kim Moon Soo de « clone de Yoon Suk Yeol », tandis que Kim a accusé Lee d'être « le précurseur d'une politique monstrueuse et dictatoriale ».
Contrairement aux élections précédentes, le programme nucléaire de la Corée du Nord n’est pas devenu un sujet brûlant, ce qui suggère que la plupart des candidats partagent l’opinion selon laquelle la Corée du Sud a peu de mesures immédiates pour persuader la Corée du Nord d’abandonner ses armes nucléaires.
La gestion des politiques tarifaires strictes du président américain Donald Trump n’a pas non plus été un sujet de division majeur entre les candidats pendant la campagne.
Au lieu de cela, M. Kim Moon Soo s'est concentré sur l'attaque de M. Lee Jae-myung, le décrivant comme un dirigeant dangereux capable d'abuser de son pouvoir en plaçant le pouvoir judiciaire sous son contrôle et en modifiant la loi pour empêcher les procès criminels l'impliquant.
De son côté, M. Lee Jae-myung a remis en question à plusieurs reprises les liens de M. Kim avec l'ancien président Yoon.
Les défis qui attendent le nouveau leader
Le nouveau président sud-coréen disposera de peu de temps pour négocier avec les États-Unis avant l'expiration, le 9 juillet, de la trêve tarifaire mondiale de 90 jours décidée par le président Trump, qui pourrait exposer les produits sud-coréens à des droits de douane de 25 %. Bien qu'un tribunal fédéral américain ait récemment statué que Trump n'avait pas le pouvoir d'imposer ces droits de douane, la Maison-Blanche a fait appel, laissant l'issue à long terme incertaine.
L'administration sortante de la Corée du Sud tente de finaliser un accord global avec les États-Unis d'ici début juillet afin de minimiser l'impact négatif sur l'économie du pays, dépendante du commerce.
Lee Jae-myung a accusé les responsables gouvernementaux de se précipiter dans les négociations pour des gains politiques à court terme et a déclaré que mettre trop l'accent sur un accord rapide avec Washington ne servirait pas l'intérêt national.
En revanche, M. Kim Moon Soo a annoncé qu’il donnerait la priorité à une rencontre avec le président Trump dès que possible pour résoudre les problèmes commerciaux.
Le prochain gouvernement à Séoul pourrait également avoir du mal à apaiser les tensions sécuritaires liées au programme d'armes nucléaires avancé de la Corée du Nord, qui a été compliqué par le soutien de Pyongyang à la guerre de la Russie en Ukraine.
Lee Jae-myung a exprimé sa volonté d'améliorer les relations avec la Corée du Nord, tout en reconnaissant qu'un sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un était peu probable dans un avenir proche. Il a déclaré qu'il soutiendrait les efforts du président Trump pour relancer la diplomatie nucléaire avec Pyongyang.
Dans le même temps, M. Kim Moon Soo a promis de renforcer les capacités militaires de la Corée du Sud et d'obtenir un soutien plus fort en matière de sécurité de la part des États-Unis, indiquant qu'il maintiendrait l'approche intransigeante de M. Yoon envers la Corée du Nord.
Le nouveau gouvernement pourra-t-il apaiser les divisions ?
Le problème intérieur le plus urgent auquel sera confronté le nouveau président sera un pays profondément divisé, où des millions de personnes sont descendues dans la rue pendant des mois pour soutenir ou s’opposer à M. Yoon.
L'ancien président Yoon a un jour qualifié le parti de M. Lee d'« anti-État », l'accusant d'abuser de sa majorité législative pour contrecarrer son programme. Il a également propagé des théories du complot non prouvées selon lesquelles les progressistes auraient bénéficié de fraudes électorales.
Lee Jae-myung a adressé un message d'unité et s'est engagé à ne pas chercher de représailles politiques contre ses adversaires s'il était élu. Mais ses détracteurs sont sceptiques, craignant que Lee n'utilise les enquêtes sur le décret de loi martiale de Yoon comme un moyen de réprimer ses adversaires.
L'affaire judiciaire de M. Yoon risque d'éclipser les premiers mois du nouveau gouvernement à Séoul, alors que l'ancien président continue d'être jugé pour de graves accusations de sédition, passibles de la peine de mort ou de la prison à vie.