L’Egypte dans la tourmente après la condamnation à mort de l’ancien président Morsi ?
(Baonghean) - Après la condamnation à mort par un tribunal égyptien de l'ancien président Mohamed Morsi et de plus de 100 accusés pour évasions et attaques contre la police lors du soulèvement de 2011, des partisans de M. Morsi et des Frères musulmans ont attaqué des tribunaux et assassiné un juge dans la péninsule du Sinaï. Selon les analystes, avec ce verdict sévère, le gouvernement égyptien souhaite prévenir toute montée des islamistes. Mais cela signifie aussi écraser ce groupe, laissant entendre que les actions extrémistes risquent de déstabiliser l'Égypte.
Aux côtés de l'ancien président Mohamed Morsi, 106 partisans des Frères musulmans ont été condamnés à mort par la Cour pénale du Caire. Le tribunal les accusait d'avoir organisé des évasions, des attaques et des enlèvements de membres des forces de sécurité pendant le « Printemps arabe » qui a renversé le gouvernement d'Hosni Moubarak en 2011. Ce verdict du gouvernement égyptien n'a rien de surprenant pour l'opinion publique internationale. En effet, depuis le coup d'État de juillet 2013, M. Morsi et les Frères musulmans ont été accusés et condamnés à de nombreuses reprises pour des chefs d'accusation variés.
Le 25 novembre 2013, le mouvement des Frères musulmans a été classé comme « organisation terroriste » par l'administration du président al-Sissi. Mi-avril, l'ancien président Morsi a été condamné à 20 ans de prison pour des crimes liés au meurtre de manifestants en 2012. La dernière condamnation, la plus sévère, a été la peine de mort prononcée contre M. Morsi et plus de 100 accusés islamistes.
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L'ancien président égyptien Mohamed Morsi. Source : AFP |
Selon les analystes, l'alourdissement progressif des peines infligées à l'ancien président Morsi et aux membres des Frères musulmans constitue essentiellement une tentative de sonder l'opinion publique égyptienne et internationale ces dernières années. Car le président actuel a peu d'options. D'une part, ce gouvernement doit affirmer que le coup d'État de 2013 était la bonne voie ; d'autre part, il doit également faire preuve d'un régime social démocratique, laïc et non religieux, et éviter de reproduire les échecs du gouvernement précédent. Dans un contexte où la société égyptienne est encore instable depuis le déferlement du Printemps arabe en 2011 jusqu'au coup d'État de 2013, chaque action ou décision du gouvernement actuel est surveillée de près par la population.
Bien que prudent à chaque étape, le président al-Sissi semble ne pas avoir anticipé la réaction de l'opinion publique lorsque le verdict le plus sévère a été rendu contre M. Morsi. L'opinion publique égyptienne, bien que ne soutenant pas les islamistes, estime également que la peine de mort pour évasion est trop lourde. Du côté des partisans de M. Morsi, la colère a immédiatement éclaté, au moins trois tribunaux égyptiens ayant été attaqués et incendiés. Le plus grave a été l'assassinat d'un juge dans la péninsule du Sinaï. Le ministère égyptien de l'Intérieur a immédiatement dû relever le niveau d'alerte dans les lieux publics du pays. Selon les médias, une forte augmentation des violences est attendue dans de nombreuses régions au cours des prochains jours.
Hors d'Égypte, l'opinion publique internationale a immédiatement réagi avec force. La haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, a souligné que la peine de mort était incompatible avec les engagements internationaux de l'Égypte.
Parallèlement, le porte-parole du département d'État américain, Jeff Rathke, a déclaré que la condamnation à mort de M. Morsi était « injuste et sapait la confiance dans l'État de droit ». En réponse aux avertissements fermes de son proche allié, les États-Unis, le ministère égyptien des Affaires étrangères a qualifié cette ingérence inacceptable dans les affaires intérieures du pays. Mais pour un jeune gouvernement dans le contexte instable actuel, ignorer ces avertissements ne semble pas être la décision la plus judicieuse, surtout au moment où l'Égypte doit réaffirmer sa position et son rôle dans la région et sur la scène internationale.
Il semble donc qu'avec la condamnation à mort de M. Morsi, le président al-Sissi se trouve dans une position délicate face à l'opinion publique, tant en Égypte qu'à l'étranger. Selon la loi égyptienne, cette sentence sera soumise au Grand Mufti – la plus haute organisation religieuse d'Égypte – pour examen avant toute décision finale. Cependant, les décisions de cette organisation ne sont généralement pas contraignantes pour le tribunal. Ce dernier devrait rendre sa décision finale le 2 juin.
D'ici là, l'opinion publique attendra les mesures prises par le président al-Sissi pour apaiser la situation et gérer d'éventuelles évolutions négatives. Une vague de résistance des islamistes n'est pas à exclure. Cependant, certains estiment que la décision du président al-Sissi est nécessaire. Car, à l'heure actuelle, seule une attitude décisive et l'acceptation des risques immédiats permettront d'avancer vers l'objectif à long terme de maintien d'un régime social démocratique, laïc et non religieux, proposé par le général al-Sissi.
Phuong Hoa