Alain Juppé : la star de retour en politique française
(Baonghean) - Beaucoup pourraient penser qu'Alain Juppé est un politicien ennuyeux. En réalité, l'ancien Premier ministre français mène la course à la présidence l'année prochaine. Il pourrait bloquer le retour de l'ancien président Nicolas Sarkozy à l'Élysée et contraindre l'actuel président François Hollande à se retirer.
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L'ancien président Nicolas Sarkozy affrontera Alain Juppé pour l'investiture présidentielle l'année prochaine. Photo : Telegraph. |
Le retour sans précédent
Il n'y a pas si longtemps, un matin d'été, Alain Juppé rendait visite à Roger André, le boucher de Perpignan, pour goûter le pâté. Chaque fois qu'il mettait une tranche de pâté dans sa bouche, Juppé ne cachait pas sa satisfaction et félicitait le commerçant d'un hochement de tête approbateur.
Mais le plus remarquable, c'est que le thermomètre affichait 30 degrés Celsius et que l'ancien Premier ministre français portait un costume sombre et une cravate courte. Il était accompagné d'une équipe de conseillers et d'élus locaux, tous très bien habillés. Ils étaient en déplacement dans le département des Pyrénées-Orientales, à l'extrémité sud de la France, à la frontière avec l'Espagne. La visite du marché figurait au programme de la journée, même s'il se trouvait juste à côté d'un commissariat de police. Peu de touristes s'y rendaient, et la délégation de Juppé était au centre de l'attention.
La visite d'Alain Juppé sur un petit marché d'une province reculée était-elle un coup médiatique excessif ? La réponse est non. Il s'agissait simplement d'un signe de la volonté de l'ancien Premier ministre français de revenir au poste le plus puissant du pays l'année prochaine.
Alain Juppé, actuel maire de Bordeaux, est un candidat prometteur des Républicains à la prochaine élection présidentielle. Cet homme politique de 70 ans est déterminé à remporter la primaire, un pari qu'il a souvent échoué lors des primaires de novembre. Après près d'un demi-siècle de carrière politique, le moment semble lui être favorable.
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L'ancien président Jacques Chirac, prédécesseur de Juppé, le soutiendra lors de la prochaine campagne électorale. Photo : france24. |
« Le meilleur d’entre nous »
Le boucher Roger André secoua la tête tandis que Juppé et sa délégation partaient. « Il ne nous sauvera pas, et il ne nous aidera pas », commenta André à propos du nouveau visiteur. « Il fait partie de la vieille garde. Ce dont ce pays a besoin, c'est que la jeune génération prenne les rênes. » C'était le sentiment du citoyen moyen à l'égard d'un homme politique ayant occupé les plus hautes fonctions.
Alain Juppé a été élu Premier ministre et président du parti. Il a également dirigé les ministères des Affaires étrangères, du Trésor et de l'Environnement. Mais il y a une chose qu'il n'a jamais obtenue : un soutien public absolu. Diplômé des meilleures écoles françaises, Alain Juppé a toujours été considéré comme exceptionnellement intelligent et étonnamment arrogant. Son ancien professeur, Jacques Chirac, l'a un jour qualifié de « meilleur d'entre nous ».
Pourtant, malgré ses chances de se présenter aux élections de l'année prochaine, les faiblesses d'Alain Juppé demeurent évidentes. Bien qu'en tête des sondages nationaux pendant des mois, Juppé est toujours perçu comme un homme du passé. Cela rappelle les difficultés de la France à se réinventer, et celles des élites. Son ascension est révélatrice. Émergé à la fin des années 1970 au service de l'ancien Premier ministre Jacques Chirac, Juppé accède d'abord au poste de ministre en 1986, puis à celui de Premier ministre en 1995. Mais en 1997, il est contraint de démissionner face à la réaction négative de l'opinion publique à ses réformes. Depuis, il est considéré comme l'un des Premiers ministres les moins populaires de la Ve République.
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Alain Juppé (deuxième à partir de la droite) lorsqu'il était assistant de l'ancien président Jacques Chirac. Photo : Lepoint. |
Avantages de la stratégie électorale
La cote de popularité de Juppé reste faible. Heureusement pour lui, ses rivaux à la prochaine élection présidentielle ne lui offrent pas de meilleures options. Le président sortant, François Hollander, a peu de chances d'être réélu. Il est encore moins populaire que son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, lors de son éviction en 2012. Hollander et Sarkozy aimeraient tant se retrouver face à face. Tous deux estiment que l'opinion publique se déteste plus qu'eux. La principale bénéficiaire d'une telle confrontation serait Marine Le Pen, la cheffe du Front national.
En termes de programme, Alain Juppé a plus de chances que Sarkozy de remporter l'investiture républicaine. Ses priorités sont jugées beaucoup plus raisonnables, se concentrant sur des problèmes que les citoyens souhaitent depuis longtemps voir résolus. Il souhaite un État plus petit, avec moins de dépenses. Il souhaite que la semaine de travail française soit allongée de 35 à 39 heures et que l'âge de la retraite soit relevé à 65 ans au lieu de 62 ans. Il promet également d'alléger les charges pesant sur les entreprises en diminuant les coûts non salariaux.
Dans une récente interview sur ses projets pour la France s'il était élu, Alain Juppé est apparu comme un candidat très professionnel. Il a exprimé ses opinions avec douceur, contrastant avec le style fougueux et passionné, voire agressif, de Sarkozy. « Je veux restaurer la confiance en la France. Les Français seront à nouveau fiers d'être Français », a déclaré Juppé. Il a évoqué trois objectifs qu'il devrait atteindre s'il était président : une meilleure éducation pour les jeunes, un gouvernement plus fort et plus déterminé, notamment sur les questions de sécurité, et enfin, plus d'emplois. Les déclarations de Juppé, même sur le papier, ont suscité un certain espoir chez les électeurs français, lassés des nombreux problèmes du pays.
Thanh Son