Héros chevaleresque ou invité indésirable ?
(Baonghean) - Mercredi 24 septembre, les Nations Unies ont tenu une réunion pour discuter des mesures à prendre contre l'organisation extrémiste islamiste EI. Les frappes aériennes des États-Unis et de cinq alliés arabes en Syrie ont soulevé une nouvelle question, un nouveau contexte quant à la légalité des interventions régionales et internationales.
(Baonghean) - Mercredi 24 septembre, les Nations Unies ont tenu une réunion pour discuter des mesures à prendre contre l'organisation extrémiste islamiste EI. Les frappes aériennes des États-Unis et de cinq alliés arabes en Syrie ont soulevé une nouvelle question, un nouveau contexte quant à la légalité des interventions régionales et internationales.
Dans la nuit du 22 au 23 septembre, les États-Unis et cinq pays arabes alliés ont mené des frappes aériennes contre des cibles de l'EI en Syrie. Dotée d'une puissante puissance de feu, cette attaque était considérée comme une « frappe préventive » contre l'EI, éliminant les capacités et les éléments clés du fonctionnement de l'organisation, tels que le commandement, le contrôle, la formation et les renforts. Bien sûr, ce n'est pas la première fois que des avions américains décollent au Moyen-Orient : les États-Unis ont mené une série de frappes aériennes contre l'EI en Irak, et la France s'est ensuite jointe à l'attaque. Le problème est que les contextes politiques irakien et syrien sont différents, ce qui conduit à la même intervention militaire, mais dont le sens, la nature et même la légalité diffèrent.
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L'US Air Force dans un port du golfe Persique. |
En Irak, le gouvernement de Bagdad est reconnu internationalement, et ses droits, obligations et sa légitimité ne rencontrent aucun obstacle, tant intérieur qu'extérieur. Ainsi, lorsque le président irakien Haider al-Abadi a appelé la communauté internationale à l'aider dans la lutte contre le groupe terroriste qui sévit et occupe le territoire irakien, la voie légale a été ouverte à une intervention militaire étrangère.
La communauté internationale a également reçu un appel similaire de la part de la Coalition nationale syrienne. Mais la question est : s’agit-il d’un représentant légitime du pays et de son peuple ? La guerre civile en Syrie dure depuis plus de trois ans et n’est pas encore terminée. L’État syrien, le gouvernement de Bachar el-Assad, est toujours théoriquement un État légitime. Que cela plaise ou non, personne ne peut le nier complètement, ni affirmer que l’appel de la Coalition nationale syrienne constitue un passeport pour une intervention dans ce pays. De fait, le gouvernement d’al-Assad a rejeté l’idée d’une intervention militaire étrangère. En réponse, les États-Unis ont exclu à plusieurs reprises la possibilité de recevoir le soutien de Bachar el-Assad. On comprend aisément pourquoi les États-Unis et l’Europe soutiennent l’opposition dans la guerre civile en Syrie.
Il ne reste donc qu'une seule option pour intervenir en Syrie : accepter la mission du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette dernière option est bloquée par la Russie depuis 2011. Les États-Unis et leurs alliés n'ont d'autre choix que d'interpréter la campagne militaire en Syrie comme une extension, une continuation de la campagne en Irak : une justification maladroite et peu convaincante. Les États-Unis tentent peut-être de jouer le rôle d'un sauveur généreux et enthousiaste, en déclarant que, les principales bases de l'EI étant situées en territoire syrien, ils organisent une campagne militaire en Syrie simplement pour compléter la mission confiée par l'Irak. Dans une interview accordée à la chaîne de télévision américaine ABC, l'ambassadrice des États-Unis auprès des Nations Unies, Samantha Power, a également affirmé que l'Irak appelle à l'intervention de la communauté internationale « non seulement en Irak, mais aussi dans les repaires de l'EI dans d'autres pays ». Si tel est bien le cas, l'Irak est l'invité « indécent » et l'Amérique ne fait que « le suivre aveuglément »…
Est-ce si simple ? En repensant aux frappes aériennes en Syrie, on constate que les États-Unis n'ont pas seulement visé l'EI, mais bien d'autres cibles. Le New York Times a rapporté que les États-Unis ont également visé Khorasan, une organisation djihadiste liée à Al-Qaïda. Ainsi, le véritable objectif de cette frappe aérienne était peut-être de détruire les germes de menaces pour la sécurité des États-Unis et de l'Europe, et non pas simplement de protéger l'Irak, comme les États-Unis l'ont généreusement déclaré.
Les États-Unis ont également envisagé d'utiliser la menace posée par l'EI comme excuse pour justifier leurs actions. Dans leur lettre explicative aux Nations Unies, ils ont cité l'article 51 de la Charte des Nations Unies, qui autorise une intervention militaire « face à une menace immédiate et présente ». La question est de savoir qui est menacé. Les États-Unis ne sont pas un pays directement situé dans la sphère d'influence de l'EI ; en revanche, l'article 51 de la Charte des Nations Unies pourrait légitimer une intervention militaire de pays limitrophes du territoire de l'EI, comme la Jordanie.
Enfin, les raisons humanitaires – une bouée de sauvetage souvent invoquée pour préserver la légalité d'une action controversée. Les États-Unis peuvent invoquer la « responsabilité de protéger » la communauté syrienne contre la brutalité de l'EI, une responsabilité qui dépasse clairement les capacités du régime d'Assad. Mais permettez-moi de vous demander, après trois ans et demi de guerre civile dans ce pays, pourquoi personne n'a-t-il pris la parole pour protéger les civils syriens ? De plus, sans le consentement de l'État hôte, il est nécessaire d'avoir un mandat de l'ONU pour intervenir de cette manière.
Voilà pourquoi, outre les pays arabes, les alliés occidentaux des États-Unis sont toujours déterminés à s'arrêter à la frontière syrienne dans leur lutte contre l'État islamique. La France, pionnière dans la lutte contre l'État islamique, a également annoncé qu'elle ne participerait qu'à des frappes aériennes en Irak, affirmant qu'aucun contexte politique ou juridique ne légitime une intervention militaire en Syrie. Les Britanniques sont même si prudents que ce n'est que le vendredi 26 septembre que leur participation à des frappes aériennes en Irak a été approuvée. Cependant, il est impossible de prédire à l'avance si les dirigeants occidentaux changeront d'avis sur la question syrienne. Quant à la France, cela mérite réflexion, car le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius lui-même a annoncé « analyser l'acte de légitime défense au nom de l'article 51 de la Charte des Nations Unies ». La mort de l'otage français Hervé Gourdel, conjuguée aux pressions de l'opposition, pourrait bien pousser la France de l'autre côté de la frontière syrienne. L'Amérique sera peut-être la plus satisfaite, car agir seul peut être une erreur, mais la majorité a toujours raison…
Ganoderma
(D'après Le Monde, CNN)