Élections parlementaires turques : un coup dur pour le parti au pouvoir
(Baonghean) - Selon les résultats de plus de 99 % des voix aux élections générales du 7 juin, comme le prédisaient les analystes mais contrairement aux attentes du président turc Tayyip Erdogan, le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, a perdu sa majorité à l'Assemblée nationale, malgré le plus fort pourcentage de voix. Ce résultat porte un coup dur à la plateforme du parti au pouvoir, en place depuis 13 ans, ainsi qu'à l'ambition d'accroître le pouvoir que nourrit le président Erdogan.
Pour la première fois en 13 ans de pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdogan n'a pas réussi à obtenir la majorité au Parlement. Avec plus de 99 % des voix dépouillées lors des élections générales du 7 juin, on s'attend à ce qu'avec 258 sièges remportés, soit 41 % des voix, M. Erdogan ne soit pas en mesure de former un gouvernement à parti unique comme lors des élections précédentes. De plus, le nombre de voix pour ce parti a diminué de 10 % cette année par rapport aux élections précédentes de 2011. Parallèlement, le Parti démocratique du peuple (HDP), pro-kurde, a obtenu pour la première fois un résultat spectaculaire de 25 % des voix, dépassant le seuil de 10 % nécessaire pour être représenté comme parti d'opposition au Parlement.
![]() |
Le président turc Recep Tayyip Erdogan. Source : Internet |
En réalité, selon les analystes, le Parti démocratique du peuple (HDP) a réussi à remporter autant de voix de manière planifiée. Afin de s'opposer aux récentes politiques du président Erdogan, jugées erronées, les partis d'opposition turcs ont cherché à s'unir et à rassembler des voix pour le HDP, réduisant ainsi le soutien des électeurs au Parti de la justice et du développement. Plusieurs problèmes, tels que les politiques autoritaires, la dissimulation de la corruption ou le gaspillage dans la construction du palais présidentiel, ont été pointés du doigt par les partis d'opposition contre le président Erdogan.
Outre les questions intérieures, la politique étrangère de M. Erdogan et du Parti de la justice et du développement (JPDD) au pouvoir a également été vivement critiquée récemment. L'administration Erdogan est ainsi accusée de mener une politique sectaire dans la région, soutenant l'islam sunnite en Irak et au Yémen, tout en détériorant les relations avec l'Iran et la Syrie. Outre son hostilité envers le président égyptien Al-Sissi, M. Erdogan inciterait la Turquie à s'éloigner de plus en plus de ses partenaires et alliés occidentaux traditionnels, ainsi que de la région et du monde.
En effet, ces dernières années, le soutien des électeurs turcs au gouvernement du président Erdogan a rapidement diminué. L'année dernière, notamment, a été marquée par la révélation du scandale de corruption impliquant de nombreux hauts fonctionnaires, dont le fils d'Erdogan lorsqu'il était Premier ministre. De plus, le déclin économique explique également la perte de confiance du public envers le gouvernement. Ainsi, les résultats préliminaires annoncés témoignent clairement de la réaction du peuple à la stratégie du parti au pouvoir et du président Erdogan lui-même. On comprend également que les électeurs turcs ont officiellement rejeté le projet de modification de la Constitution du président Erdogan, visant à passer d'un système parlementaire à un système présidentiel avec une concentration du pouvoir entre les mains du chef de l'État.
Les résultats des élections montrent également que non seulement il est impossible de concrétiser le plan visant à remporter les deux tiers des 550 sièges du Parlement, mais que le Parti de la justice et du développement de M. Erdogan devra même se préparer à former un gouvernement de coalition pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en 2002, ou à former un gouvernement minoritaire temporaire et à organiser des élections anticipées. À l'heure actuelle, le président Tayyip Erdogan, après 13 ans au pouvoir, a peut-être plus que jamais besoin de revoir l'ensemble de sa politique de gouvernance du pays, qui n'a reçu le soutien ni de la population ni des factions. Et s'il ne veut pas que le chemin politique épineux qui l'attend soit semé d'embûches, la prudence et un ajustement harmonieux des politiques intérieure et extérieure sont absolument nécessaires. À ce moment-là, non seulement le président Erdogan sera maintenu, mais l'image et la position de la Turquie dans la région pourront être restaurées.
Phuong Hoa