Le dernier « pari » du président français Hollande
(Baonghean) - Sans avoir besoin de l'approbation de l'Assemblée nationale, le gouvernement français a décidé de promulguer par décret la loi controversée sur le travail. Cette mesure, considérée comme décisive par le président François Hollande et le gouvernement, présente néanmoins le risque d'une levée de confiance du gouvernement, et M. Hollande lui-même pourrait avoir du mal à se présenter au prochain mandat présidentiel.
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Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé la décision de présenter le projet de loi sans passer par l'Assemblée nationale. Photo : Reuters. |
« Ignorer » le Congrès
Le gouvernement français a appliqué l'article 49.3 de la Constitution, qui permet la promulgation d'une loi sans passer par l'Assemblée nationale. Ainsi, le Président de la République peut promulguer le projet de loi susmentionné sans attendre son approbation par l'Assemblée nationale.
La mesure de « raccourci » du gouvernement français vise à surmonter l'opposition massive actuelle de l'opinion publique française au projet de loi sur le travail, considéré comme l'une des réformes les plus importantes du mandat de quatre ans du président français François Hollande.
Cette décision montre que le président Hollande a maintenu sa déclaration précédente selon laquelle le gouvernement ne retirerait pas le nouveau projet de loi sur le travail malgré la pression exercée par les fortes manifestations qui ont eu lieu récemment à travers la France.
Le nouveau projet de loi travail français, rédigé par la ministre du Travail Myriam El Khomri, comprend des dispositions telles que permettre aux employeurs de licencier des travailleurs s'ils sont contraints de restructurer pour sauver l'entreprise ; fixer une limite maximale d'indemnisation pour les employés équivalente à 15 mois de salaire même s'ils ont travaillé dans l'entreprise pendant 20 ans au maximum ; étendre la semaine de travail à 46 heures au lieu des 35 heures actuelles sur la base du principe de consensus entre employeurs et employés ; proposer d'augmenter les taxes sur les contrats à durée déterminée pour encourager les organisations et les entreprises à embaucher des travailleurs à long terme, etc.
Le nouveau projet de loi sur le travail a suscité un tollé général peu après sa présentation le 18 février. Une série de manifestations a eu lieu à travers la France, culminant avec une manifestation le 31 mars qui a vu 390 000 personnes descendre dans la rue, provoquant de violents affrontements.
Suite à cet incident, le gouvernement français a fait quelques concessions, notamment en supprimant le plafond d'indemnisation en cas de licenciement. Cependant, ces changements n'ont toujours pas satisfait les revendications des syndicats, ce qui a donné lieu à une importante manifestation fin avril, qui a rassemblé jusqu'à 170 000 personnes et a ensuite dégénéré en violences.
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Des Français manifestent contre la décision du gouvernement à Toulouse. Photo : Getty. |
Les avantages à court terme entrent en conflit avec les objectifs à long terme
La vive réaction de l'opinion publique française s'explique par le fait que les impacts de la nouvelle loi sur le travail sont perçus sous deux angles opposés. Le président français François Hollande estime qu'assouplir le droit du travail, jusqu'alors rigide, permettra de « délier » les entreprises et de les encourager à embaucher. Cela contribuera à réduire le taux de chômage en forte hausse depuis deux ans (actuellement à 10,6 %).
De leur côté, les syndicats estiment que les dispositions du projet de loi sont trop sévères pour les travailleurs. Cette réaction est compréhensible, la France étant l'un des pays de l'Union européenne où les niveaux de sécurité sociale et d'emploi sont les plus élevés.
Un autre problème du projet de loi sur le travail est l'incitation qu'ont les organisations et les entreprises à embaucher des personnes sous contrat à long terme. Le gouvernement estime que l'embauche sous contrat à long terme créera de la stabilité pour les travailleurs.
Cependant, les jeunes Français estiment que l'efficacité à long terme de cette réglementation est incertaine et qu'à court terme, elle les plongera dans une situation de plus en plus précaire. En effet, les jeunes sont actuellement la cible de contrats à durée déterminée de la part des entreprises, et pour eux, la signature du premier contrat constitue le principal obstacle à l'entrée sur le marché du travail, qu'il soit à court ou à long terme.
Il convient de rappeler qu'en France, 25 % des jeunes de 18 à 24 ans sont au chômage, soit deux fois la moyenne nationale. C'est pourquoi les jeunes ont toujours représenté une part importante des forces vives des manifestations antigouvernementales ces dernières années.
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Le président François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls après l'annonce de la décision du gouvernement. Photo : AFP. |
Le « pari » du président Hollande
Des centaines de manifestants se sont rassemblés devant l'Assemblée nationale après la décision du gouvernement d'adopter un nouveau projet de loi sur le travail sans passer par le Parlement. Ils ont exigé le retrait du projet de loi et la démission du président Hollande.
Les experts prédisent qu'il ne s'agit là que du début d'une vague de fortes protestations qui se poursuivra prochainement. Cependant, le gouvernement français reste déterminé à maintenir son ambition de mener une « réforme radicale », considérant la modification du Code du travail comme une « mesure de restructuration » visant à améliorer le marché du travail.
L'opinion publique attend désormais de voir comment le gouvernement français et le président François Hollande affronteront sa colère. Si le risque pour le gouvernement français est une motion de censure aujourd'hui (12 mai) pour avoir « ignoré » l'Assemblée nationale, le risque pour M. Hollande est de perdre sa capacité à briguer un second mandat.
Depuis son élection à la présidence, M. Hollande a déclaré qu'il n'envisagerait de se représenter en 2017 que s'il parvenait à inverser la tendance du chômage en France. Durant les quatre années sous la présidence de Hollande, le taux de chômage en France n'a pas seulement stagné, mais a même augmenté, notamment chez les jeunes.
Le seul espoir qui reste à M. Hollande est-il désormais une nouvelle loi sur le travail qui puisse l'aider à tenir ses engagements d'ici février 2017 ? Le gouvernement français va-t-il « s'effondrer à mi-chemin » ? Il s'agit véritablement d'un pari à 50-50 pour le président français François Hollande, en cette fin de mandat.
Thuy Ngoc