L'Europe entre dans la crise du Covid-19 comme un somnambule

Subjectif ou trop confiant ?

Ces perspectives optimistes contrastent avec la pénurie de masques et d’équipements médicaux qui a suivi quelques semaines plus tard, lorsque la Commission européenne a estimé que la demande dans l’Union européenne était 10 fois supérieure à la normale.

Des militaires portant des masques se tiennent devant la cathédrale du Duomo, fermée en raison de la pandémie de Covid-19 à Milan, en Italie, le 24 février. Photo : Reuters.

Bien que la pénurie d’équipements soit en grande partie due à une demande mondiale rapide, des documents internes et publics consultés par Reuters montrent que les gouvernements de l’UE ont peut-être aggravé la situation en surestimant leurs propres capacités de réponse.

Selon le compte rendu de la réunion, après avoir reçu les déclarations des délégations, un responsable de l’UE a affirmé : « Dans les États membres dotés d’un niveau de préparation élevé, la plupart ont mis en place des mesures de réponse. »

C'était seulement deux semaines avant l'apparition des premières victimes du coronavirus en Italie, où 12 428 personnes sont mortes du Covid-19, soit environ quatre fois le nombre de morts en Chine, où la maladie est apparue pour la première fois.

Interrogé sur le fait de savoir si les documents consultés par Reuters montraient que la réponse de l'Europe avait été trop lente, un porte-parole de l'exécutif européen a déclaré : « Depuis janvier, la Commission européenne offre la possibilité d'aider les États membres. »

Les gouvernements de l’UE ont commencé à prendre conscience de la gravité de la situation en mars, mais au lieu de se concentrer sur une action collective, de nombreux pays ont opté pour des mesures protectionnistes, en élevant des barrières commerciales et en entravant l’exportation de matériel médical vers les pays voisins.

L'Italie ne dispose encore que d'une fraction des 90 millions de masques dont ses professionnels de santé ont besoin chaque mois, la France a commandé plus d'un milliard de masques la semaine dernière et les fabricants convertissent leurs lignes de production pour fabriquer des respirateurs.

Les cercueils de deux patients décédés du Covid-19 lors d'une cérémonie commémorative dans une petite ville d'Italie, le 30 mars. Photo : Reuters

« Capacité disponible » ?

L'analyse optimiste présentée par le responsable de la Commission européenne le 5 février découlait d'une série de réunions avec des experts de la santé des États membres de l'UE. Lors d'une réunion tenue le 31 janvier, des délégués des ministères nationaux de la Santé ont déclaré à la Commission européenne qu'ils ne contribueraient pas à l'obtention de matériel médical, selon le compte rendu.

Le compte rendu montre que seuls quatre pays non nommés ont averti qu’ils pourraient avoir besoin d’équipements de protection si la situation empirait en Europe, et « aucun pays n’a demandé de soutien pour des mesures de réponse supplémentaires ».

Le 28 février, un mois après avoir proposé son aide pour la première fois et après avoir exhorté les gouvernements à clarifier leurs besoins lors d’au moins deux autres réunions, la Commission a lancé un programme d’achat conjoint de masques et d’autres équipements de protection.

L'appel d'offres initial lancé au nom de 25 États membres n'a donné lieu à aucune offre. Les États membres de l'UE évaluent actuellement les offres du deuxième appel d'offres, mais aucun contrat n'a encore été signé et les livraisons n'interviendront que dans quelques semaines, selon les estimations de la Commission européenne.

Les gouvernements de l'UE ont assuré à Bruxelles que leurs professionnels de santé étaient pleinement informés sur la manière de traiter les patients atteints de Covid-19, mais l'Italie n'a exigé du personnel médical qu'à partir du 24 février qu'il porte un masque lorsqu'il s'occupe de cas suspects.

Selon les chiffres officiels, près de 10 000 professionnels de santé italiens ont été infectés, ce qui représente plus de 9 % des cas positifs en Italie.

« Les capacités de diagnostic sont disponibles et certains pays ont déjà commencé à effectuer des tests », ont déclaré des experts nationaux de la santé lors d'une réunion de l'UE le 4 février. Mais les pays de l'UE sont désormais confrontés à une grave pénurie de kits de test et ont lancé un programme d'achat collectif le 18 mars.

Le risque de saturation des systèmes de santé était autrefois évalué comme « faible à modéré » par les agences de contrôle des maladies de l'UE, sur la base des évaluations des États membres. Un mois plus tard, elles ont révisé cette évaluation, affirmant qu'à la mi-avril, aucun pays ne disposait de suffisamment de lits de soins intensifs.