COP30 : Un appel urgent de l’Amazonie


En choisissant Belém, « porte d’entrée de l’Amazonie », comme lieu de rencontre, le Brésil souhaite envoyer un message fort, plaçant les poumons verts de la planète et les communautés autochtones au cœur des négociations. Mais l’appel urgent de l’Amazonie se heurte à une réalité inquiétante : l’indifférence et le déclin de la volonté politique à travers le monde.
De nombreux dirigeants sont absents.

Alors que le Brésil entame les trois semaines de préparation à la COP30 (6-7 novembre), l'optimisme n'est pas de mise ; le contraste entre ambition symbolique et sombres réalités géopolitiques est frappant. Des événements parallèles, comme un sommet de chefs d'entreprise à São Paulo et un sommet de dirigeants locaux à Rio de Janeiro, se poursuivent. Force est de constater que la COP30 s'annonce comme l'un des sommets sur le climat les moins fréquentés de ces dernières années.
Les chiffres sont éloquents : le week-end dernier, « moins de 60 » dirigeants mondiaux avaient confirmé leur présence au sommet de Belém. Cela représente une baisse spectaculaire par rapport aux plus de 80 dirigeants qui avaient participé à la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan, l’an dernier, et aux plus de 100 présents aux trois conférences précédentes. Le nombre total d’inscriptions aux négociations officielles (du 10 au 21 novembre) est également alarmant. Selon les données préliminaires de l’agence des Nations Unies pour le climat, seulement 12 200 personnes environ s’étaient inscrites au 8 octobre, contre 54 000 à Bakou l’an dernier.
Une partie du problème réside dans la logistique. Le choix de Belém, bien que symbolique, s'est révélé un véritable casse-tête organisationnel. La capacité hôtelière limitée et la flambée des prix des chambres ont engendré des mois d'inquiétude. De nombreux pays, notamment les pays en développement aux budgets serrés, envisagent enfin de réduire leurs délégations. Mais les difficultés logistiques ne sont que superficielles. La cause profonde de ce manque de volonté est le contexte mondial. Comme le souligne Reuters, « la coopération internationale est au point mort en raison des tensions géopolitiques et des multiples conflits ». À cela s'ajoutent l'incertitude économique, les revirements de la politique américaine en matière d'énergies propres et de climatologie, et les nombreux pays confrontés à des objectifs concurrents tels que la sécurité alimentaire. Le monde est tout simplement distrait, et le prix de cette distraction est qu'un sommet symbolique risque d'échouer faute de participation pleine et entière.
3 points de débat à Belém

L'absence des dirigeants alourdit la tâche des négociateurs, qui devront faire face à un ordre du jour conflictuel. Trois points majeurs risquent d'envenimer les discussions à Belém.Le premier,Ce sont là les promesses en matière d'émissions. La COP30 marque le dixième anniversaire de l'Accord de Paris, et tous les cinq ans, les pays sont tenus de soumettre des objectifs de réduction des gaz à effet de serre (CDN) plus ambitieux pour 2035. L'échéance est fixée à février 2025, et la plupart des pays ne l'ont pas respectée. Début novembre, seuls 65 pays environ avaient soumis des plans révisés. Parmi eux, très peu ont marqué les esprits. L'objectif de la Chine est considéré comme bien inférieur aux attentes. Mais l'exemple le plus frappant de ce manque de volonté vient du bloc qui se prétend chef de file mondial en matière de climat : l'Union européenne (UE). Selon Reuters, le 4 novembre, à peine 48 heures avant le sommet de Belém, les ministres européens du Climat tenaient encore une réunion de la dernière chance pour tenter de s'entendre sur un nouvel objectif climatique. Ils risquent fort de se rendre au Brésil les mains vides, ce qui porterait un coup dur à la crédibilité du bloc et compromettrait son leadership lors des négociations. Parallèlement, l'Inde, autre grand émetteur, n'a toujours pas respecté ses engagements. La dure réalité est que le monde n'est pas en voie d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, et aucune fanfare à Belém ne saurait le masquer.
Lundi,C’est une question de financement. C’est le point de désaccord le plus persistant et le plus aigu entre pays riches et pays pauvres. L’année dernière, lors de la COP29, après des semaines de négociations, les pays développés se sont engagés à fournir 300 milliards de dollars par an pour le financement de la lutte contre le changement climatique d’ici 2035 – un montant que les pays en développement ont jugé largement insuffisant au regard des besoins. Désormais, ces derniers se rendront à Belém avec une demande claire : obtenir des précisions sur un objectif plus ambitieux qui permettrait de mobiliser 1 300 milliards de dollars par an d’ici 2035, provenant de sources publiques et privées. En particulier, le manque de financement pour l’adaptation – qui aide les pays vulnérables à protéger leurs populations des impacts du changement climatique, notamment par la construction de digues – sera un point central des discussions.

Mardi,La forêt est l'atout majeur du Brésil, pays hôte. Afin d'attirer l'attention du monde entier sur le rôle vital des forêts tropicales, le Brésil lancera un nouveau fonds mondial, le « Forever Rainforest Fund » (TFFF). Ce fonds vise à collecter jusqu'à 25 milliards de dollars auprès des pays donateurs et 100 milliards de dollars auprès du secteur privé. Les fonds seront investis sur les marchés financiers et les bénéfices serviront à récompenser les pays possédant un important couvert forestier et qui ont su préserver leurs forêts. C'est une idée novatrice, mais paradoxalement, elle arrive à un moment critique. Selon Global Forest Watch, la destruction des forêts tropicales primaires a atteint un niveau record en 2024. Chaque minute, la superficie forestière mondiale équivaut à 18 terrains de football. Le TFFF constituera-t-il un « pas en avant pour la protection des forêts tropicales », comme l'espère Greenpeace, ou sera-t-il insuffisant et trop tardif ?
Il y a trente-trois ans, le monde se réunissait à Rio autour d'un accord fondateur et porteur d'espoir. Trente-trois ans plus tard, le monde se réunit à Belém, divisé et épuisé. La COP30 révèle une triste réalité : alors que les menaces climatiques se font plus pressantes, la solidarité multilatérale pour y faire face se désagrège. L'appel de l'Amazonie est fort et urgent, mais la question cruciale est de savoir si les dirigeants mondiaux, même absents de la région, sont prêts à l'entendre.


