Envoyé spécial Zalmay Khalilzad - L'espoir de paix en Afghanistan

Envoyé spécial… « buvant du thé »

Depuis plus d'un an, M. Zalmay Khalizad fréquente les clubs de luxe et les plus beaux hôtels 5 étoiles de Doha, la capitale du Qatar. L'image d'un homme âgé aux cheveux gris brillants, élégant dans un costume sombre, assis et buvant du thé sous une luxueuse fenêtre cintrée donnant sur le golfe Persique : telle est Zalmay Khalilzad. Avec ces tasses de thé qui semblent interminables, Zalmay Khalilzad accomplit l'une des missions les plus importantes de sa carrière diplomatique : expliquer, persuader, voire réconforter les plus hauts gradés des forces armées en Afghanistan, afin qu'ils puissent signer ensemble des accords historiques avec la guerre qui dure depuis près de deux décennies dans ce pays d'Asie du Sud.

M. Zalmay Khalilzad devrait apporter la paix en Afghanistan. Photo : Anadolu

Zalmay Khalilzad a été recommandé par le secrétaire d'État américain Mike Pompeo au président américain Donald Trump pour occuper le poste d'envoyé spécial pour l'Afghanistan en septembre 2018. Depuis lors, beaucoup ont commenté que peu de personnes ont réuni des qualités plus appropriées que Zalmay Khalilzad pour occuper ce poste.

Zalmay Khalizad a la sagesse et le tact d'un diplomate expérimenté, une compréhension de la situation régionale et surtout un désir ardent d'apporter la paix là où il est né : l'Afghanistan.

Né en 1951 à Mazar-i-Sharif, en Afghanistan, Zalmay Khalilzad a fait partie de la première génération à étudier aux États-Unis dans le cadre d'un échange universitaire, puis à y rester. Après avoir obtenu un doctorat à l'Université de Californie, Zalmay Khalilzad a rejoint le Département d'État américain en 1984 et s'est rapidement hissé au rang des musulmans les plus haut placés au sein de l'administration. Sous quatre présidents : Ronald Reagan, George Bush père, George Bush fils et, aujourd'hui, Donald Trump, Zalmay Khalilzad a occupé de nombreux postes importants, notamment celui d'ambassadeur en Afghanistan de 2003 à 2005 et celui d'ambassadeur en Irak de 2005 à 2007.

Négociations entre M. Zalmay Khalilzad et les talibans à Doha, au Qatar. Photo : Al Jazeera

En 2017, il a été pressenti pour le poste de secrétaire d'État sous la présidence de Donald Trump, mais il a été choisi comme envoyé spécial des États-Unis en Afghanistan un an plus tard. Nombreux sont ceux en Afghanistan qui se souviennent encore du rôle clé de Zalmay Khalilzad dans l'accession au pouvoir d'Hamid Karzaï après les attentats du 11 septembre 2001.

D'origine afghane, Zalmay Khalilzad compte de nombreux amis et soutiens, et entretient des relations étroites avec l'élite afghane. Il parle plusieurs langues tribales d'Afghanistan et comprend les aspirations des forces d'opposition du pays, notamment les talibans. C'est pourquoi, un mois seulement après sa nomination comme envoyé spécial des États-Unis en Afghanistan, Zalmay Khalilzad s'est immédiatement lancé dans sa mission de « boire du thé », avec des vols aller-retour entre les États-Unis et Doha, au Qatar.

Jeu 50-50

Après les premiers pourparlers de l'automne 2018, Zalmay Khalilzad a convaincu les parties d'accepter la feuille de route prévoyant que les talibans négocieront d'abord avec les États-Unis, convenant des conditions d'un cessez-le-feu et du retrait des troupes, avant que les forces internes afghanes puissent discuter de l'avenir du pays. Dans l'immédiat, les talibans se sont engagés à réduire la violence pendant sept jours, ouvrant ainsi la voie à la signature d'un accord de paix plus global par les deux parties d'ici fin février. Selon certaines sources, Zalmay Khalilzad est très confiant et a identifié un lieu pour la cérémonie de signature.

La force de M. Zalmay Khalilzad réside dans ses relations avec de nombreux hauts responsables des différentes forces armées en Afghanistan. Photo : Al Jazeera

C'est pourtant ce que les États-Unis et les Taliban ont annoncé publiquement. Pour ceux qui connaissent les négociations entre les États-Unis et les Taliban, la clé du succès de la mission de Zalmay Khalilzad réside dans les annexes secrètes. La première annexe concerne le nombre de soldats américains qui resteront en Afghanistan. Il est peu probable que les Taliban annoncent officiellement publiquement qu'ils autoriseront les États-Unis à laisser des troupes en Afghanistan, mais selon certaines sources, l'accord secret entre les États-Unis et les Taliban prévoit un nombre de 8 600 soldats qui resteront sur place. La deuxième annexe s'engage à ne pas poursuivre les Taliban pour des accusations telles que « terrorisme » ou « extrémisme violent ». La troisième annexe prévoit un mécanisme de suivi de la mise en œuvre de l'accord par les parties, parallèlement aux négociations entre les forces intérieures afghanes.

Cependant, selon les analystes, tous les accords conclus jusqu'à présent entre les États-Unis et les talibans présentent encore de nombreux risques d'échec. Certaines sources ont indiqué que le président afghan Ashraf Ghani avait nommé des délégués pour participer aux négociations internes afin de façonner l'avenir du pays, établissant ainsi le rôle officiel des talibans. Cependant, le gouvernement afghan continue de se plaindre que Zalmay Khalilzad ait fait trop de concessions aux talibans en acceptant la demande des forces armées de voir des représentants du gouvernement participer aux négociations internes comme une force politique normale, au même titre que les autres forces, et non comme un gouvernement internationalement reconnu. Par ailleurs, un profond fossé subsiste entre le gouvernement afghan et les talibans quant à l'avenir de l'Afghanistan : si le gouvernement souhaite que l'Afghanistan maintienne la démocratie, les talibans ne cachent pas leur désir de faire de l'Afghanistan un royaume islamique, où les autorités religieuses exerceraient un pouvoir accru.

Talibans armés. Photo : AFP

Par ailleurs, la capacité des talibans à contrôler les factions est également un grand point d'interrogation. En septembre dernier, alors que les États-Unis et les talibans nourrissaient l'espoir de signer un accord lors d'une réunion à Camp David, dans le Maryland, un attentat suicide a eu lieu à Kaboul, la capitale, tuant 12 personnes, dont un soldat américain. Cet attentat a suscité une vive colère chez le président Donald Trump, qui a annoncé l'annulation de cette réunion secrète. Cela témoigne de la fragilité des accords entre les États-Unis et les talibans si ces derniers ne parviennent pas à contrôler les factions lors de leurs attaques violentes.

Zalmay Khalilzad lui-même a dit un jour : « Une leçon que j'ai apprise de ma carrière diplomatique est qu'il faut être très prudent lorsqu'on évoque l'issue des négociations, surtout lorsqu'elles impliquent des luttes majeures et durables entre des forces opposées. » Mais dans un pays comme l'Afghanistan, où le conflit dure depuis une génération, quelle que soit l'issue, Zalmay Khalilzad peut encore être fier d'avoir accompli une tâche difficile que nombre de ses prédécesseurs considéraient comme « impossible ».