Les prix du pétrole deviennent négatifs : les vendeurs doivent payer les acheteurs
Le prix négatif montre que les vendeurs sont prêts à payer près de 40 $ aux acheteurs pour éviter de détenir du pétrole alors que la demande est en chute libre et que les frais de stockage sont élevés.
Les magasins ne paient presque jamais les clients pour emporter leurs marchandises, sauf dans de rares cas, comme cela s'est produit sur le marché du pétrole brut américain le 20 avril. Le brut WTI pour livraison en mai a connu une journée de volatilité sans précédent, tombant à moins 37,63 dollars le baril – la première fois dans l'histoire qu'il passe en dessous de zéro.
Les contrats à terme expirent généralement à une date fixe. À l'approche de cette date, le prix du contrat à terme tend à se rapprocher du prix réel de la matière première sur le marché, à mesure que les acheteurs arrivent pour en prendre livraison.
De nombreux acheteurs de contrats à terme sur le pétrole spéculent. Ils misent sur les fluctuations de prix pour réaliser un profit, plutôt que d'acheter des barils de pétrole. À l'approche de la date d'expiration, ils se tournent vers le contrat à terme suivant, en l'occurrence celui de juin. Le contrat WTI de juin a chuté de 16 % hier, à 21,04 $ le baril. Cela signifie qu'à l'expiration du contrat de mai aujourd'hui, le prix repassera au-dessus de 20 $.
Les producteurs de pétrole ont désormais du mal à trouver des solutions de stockage pour leurs produits. Photo :Reuters
De plus, dans le contexte actuel de forte baisse des prix, les spéculateurs sont confrontés à deux choix : vendre à perte ou trouver des espaces de stockage et supporter des coûts supplémentaires à l'expiration du contrat. Face à l'offre excédentaire actuelle, les installations de stockage se remplissent de plus en plus, rendant les espaces vides de plus en plus chers.
Le deuxième groupe est constitué d'institutions ayant une demande réelle, comme les raffineries ou les compagnies aériennes. Elles ne vendent pas de contrats à terme à l'avance et attendent généralement leur expiration pour acheter.
Mais avec la pandémie qui entraîne des baisses de demande sans précédent et le remplissage des réservoirs de stockage, l'appétit pour le pétrole se fait rare. Les avions sont cloués au sol, le transport maritime a ralenti et les consommateurs américains, qui consomment 10 % du pétrole mondial pour alimenter leurs voitures, restent chez eux. L'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA) a indiqué la semaine dernière qu'au 10 avril, le stockage de Cushing, dans l'Oklahoma, était rempli à 72 %.
C'est pourquoi les prix du pétrole sont tombés sous zéro hier. Les producteurs de pétrole sont prêts à payer pour se débarrasser de leur brut, car personne n'en veut en ce moment, avec l'économie bloquée. C'est moins cher pour eux que d'arrêter la production ou de trouver un lieu de stockage.
Francisco Blanch, responsable des matières premières chez Bank of America, a déclaré qu'en temps normal, les consommateurs achèteraient lorsque les prix baissent. Mais ce principe ne fonctionne plus actuellement en raison des confinements. « Le monde ne s'est jamais arrêté comme ces dernières semaines. C'est ce qui différencie cette crise de la récession », a-t-il déclaré. « Les compagnies pétrolières sont confrontées aux défis les plus graves. »
Au cours des deux à trois derniers mois, environ 30 millions de barils de pétrole ont été stockés chaque jour en raison de l'effondrement de la demande. Et même lorsque la demande reviendra à ses niveaux d'avant la pandémie, il faudra beaucoup de temps pour que le monde épuise ces réserves.
Les prix du pétrole pour livraison en juin dépassent désormais les 20 dollars le baril, sans être encore négatifs, mais en baisse rapide. « Le marché de l'énergie indique que la demande ne reviendra pas de sitôt. Et l'offre excédentaire est là pour durer », a déclaré à Reuters Kevin Flanagan, directeur de la stratégie obligataire chez Wisdomtree Asset Management.
