Le Kazakhstan, un nouveau facteur dans le jeu d'échecs syrien
(Baonghean) - Le président russe Vladimir Poutine et le président turc Tayyip Erdogan viennent de s'entretenir pour la troisième fois en une semaine afin de promouvoir un nouveau cycle de négociations de paix pour la Syrie, à Astana, la capitale du Kazakhstan. Depuis la victoire du gouvernement syrien à Alep, la Russie a de plus en plus éclipsé les États-Unis pour démontrer son rôle de « maître du jeu » au Moyen-Orient. Choisir le Kazakhstan comme médiateur relève également d'un calcul stratégique de la Russie.
L'avenir de la Syrie pour les Syriens
L'idée d'organiser des pourparlers de paix à Astana, la capitale du Kazakhstan, a été évoquée par le président russe Vladimir Poutine le 16 décembre. Les ministres des Affaires étrangères de Russie, de Turquie et d'Iran ont ensuite annoncé que les trois pays étaient prêts à se porter garants des négociations. Cette idée a également reçu le soutien du président syrien Bachar el-Assad.
Selon le président Poutine, ce cycle de négociations ne verra la participation ni des États-Unis ni des Nations Unies, mais uniquement des parties actuellement en guerre en Syrie, y compris des représentants du gouvernement syrien et des forces d'opposition – qualifiées par la Russie de « forces d'opposition modérées ». La composition des participants aux négociations illustrerait clairement la position de principe de la Russie : le peuple syrien devra dialoguer pour parvenir à un accord sur un plan – un plan auquel toutes les parties, malgré leurs intérêts divergents, devront adhérer.
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Alep – un champ de bataille crucial pour la situation en Syrie. Photo : Reuters |
Après la prise d'Alep, les forces gouvernementales syriennes se concentreront sur la prise de leurs bases autour de la ville, puis lanceront une campagne pour reprendre Palmyre et Idlib. Les experts affirment qu'après avoir été chassée de l'important champ de bataille d'Alep, l'opposition s'est affaiblie et dispersée. Parallèlement, la détermination à soutenir les forces d'opposition des États-Unis, des pays occidentaux et de certains alliés arabes s'est considérablement affaiblie. Par conséquent, les analystes estiment que les forces d'opposition en Syrie n'auront d'autre choix que de se rendre à Astana, comme le prévoient la Russie, la Turquie et l'Iran.
Pourquoi le Kazakhstan ?
La promotion par la Russie d'un nouveau cycle de négociations de paix pour la Syrie a prouvé sa maîtrise totale du champ de bataille. Le choix du Kazakhstan comme médiateur est un calcul stratégique de M. Poutine visant à maintenir l'influence russe au Moyen-Orient, même si, en théorie, la Russie n'est pas encore directement impliquée dans le processus de négociation. Le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev a publié une déclaration affirmant son soutien sans réserve à l'initiative du président Poutine.
Officiellement, le gouvernement kazakh est resté neutre dans le conflit syrien pendant près de six ans et a invité 30 membres de l'opposition syrienne à Astana en 2015. Cependant, le Kazakhstan entretient un lien stratégique essentiel avec le régime du président syrien Bachar el-Assad. L'étroite coopération énergétique et sécuritaire du Kazakhstan avec la Syrie est le fruit d'une visite du président kazakh Noursoultan Nazarbaïev en Syrie en novembre 2007. Malgré l'état du conflit en Syrie, cette visite a contribué à façonner l'approche du Kazakhstan face à la crise syrienne.
Par ailleurs, Noursoultan Nazarbaïev a exprimé à plusieurs reprises sa ferme volonté de respecter la souveraineté nationale de la Syrie, condamnant par exemple l'occupation du plateau du Golan par Israël, la qualifiant de violation de la souveraineté syrienne. En associant le Kazakhstan à la médiation du nouveau cycle de négociations, le président Poutine espère que le Kazakhstan s'opposera aux tentatives de renversement du régime syrien par des forces extérieures – une approche actuellement suivie par la Russie. De plus, le Kazakhstan sera prêt à mettre en œuvre des solutions qui n'affecteront pas le rôle de la Russie en Syrie.
La Turquie a également de solides raisons de soutenir le choix du Kazakhstan comme médiateur dans le conflit syrien. Le président kazakh Nazarbaïev est reconnu pour avoir joué un rôle majeur dans l'apaisement des tensions entre la Russie et la Turquie après que celle-ci a abattu un avion de guerre russe en 2015. Il n'y a donc aucune raison pour que la Turquie ne fasse pas à nouveau confiance à Nazarbaïev comme négociateur, conciliant ainsi les positions russes et turques sur la question syrienne.
Les États-Unis vont-ils céder sur la Syrie ?
Déplacer le nouveau cycle de négociations de paix pour la Syrie au Kazakhstan est une manière indirecte de « discréditer » le rôle des États-Unis dans ce dossier. Jusqu'à présent, les États-Unis n'ont pas officiellement répondu à la proposition de la Russie, de la Turquie et de l'Iran. Mais selon les analystes, à l'instar des forces d'opposition en Syrie, les États-Unis n'ont actuellement que peu d'options. Depuis que la Russie a fait preuve d'une intervention efficace sur le champ de bataille syrien, l'administration du président Barack Obama a affiché un « désavantage ». Les États-Unis ont été accusés à plusieurs reprises d'avoir « abandonné » les forces d'opposition, cédant le contrôle de la situation en Syrie à la Russie.
Lorsque la passation de pouvoir à la Maison Blanche aura lieu en janvier prochain et que Donald Trump deviendra officiellement président des États-Unis, la Russie bénéficiera de conditions plus favorables pour négocier avec les États-Unis un scénario conforme à ses souhaits. Bien sûr, il sera difficile pour les États-Unis – même sous la direction d'un président « sympathique à M. Poutine » comme M. Trump – d'abandonner tous les calculs qu'ils ont menés en Syrie ces derniers temps, mais peut-être devront-ils faire des concessions sur certaines demandes s'ils veulent clore le dossier syrien.
En réalité, l'enlisement dans le conflit syrien ces derniers temps a entraîné de lourdes pertes pour les parties impliquées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. L'opinion publique attend donc avec impatience la victoire de l'armée gouvernementale syrienne à Alep pour mettre un terme à la guerre brutale dans ce pays du Moyen-Orient.
Thuy Ngoc