Khanh Ly : « Je n'ai jamais pleuré devant Trinh Cong Son »
Le défunt musicien a écrit la chanson « Rợi Lệ Lu người » pour le célèbre chanteur, mais dans la vraie vie, tous deux ont caché leurs larmes lorsqu'ils se sont rencontrés.
Début décembre, Khanh Ly prévoit de se produire en concert au Théâtre Hoa Binh de Hô-Chi-Minh-Ville. C'est la première fois en 41 ans que la célèbre chanteuse retrouve le public de Saïgon lors d'un concert privé. Elle a évoqué ses souvenirs de cette ville.
- Autrefois, Khanh Ly chantait pieds nus à Saïgon, avec Trinh Cong Son à la guitare. Lors du concert prévu en décembre, qui jouera la guitare à côté de Khanh Ly ?
Tout le monde peut jouer de la guitare, car sans M. Son, tout le monde est pareil. Je ne peux pas exiger autre chose que d'accepter le fait que M. Son n'est plus là. Pour moi, il est toujours là, quelque part, partout à Saïgon. Ici, partout, j'ai l'impression que ses pas ont passé, que son souffle est toujours celui de Saïgon. Autrefois, j'ai vécu et chanté à Saïgon, suivant également le rêve de M. Son, mais à l'époque, je ne savais pas ce qu'était un rêve. M. Son a toujours rêvé de vivre éternellement ici.
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Khanh Ly a partagé avec elle l'image du regretté musicien Trinh Cong Son associé à Saigon. Photo : Gia Tien. |
- Chaque fois que vous revenez à Saigon, en dehors du travail, où allez-vous ?
J'ai pensé retourner sur la vieille route, à l'ancien endroit, mais je n'y suis pas retourné. Car je savais que tout avait changé. Pendant plus de 40 ans, j'avais moi-même changé, sans parler de l'herbe, des arbres, du bois et de la pierre… Les gens que je cherchais n'étaient plus là, alors je n'ai pas cherché. De retour à Saïgon, je ne me souvenais que de M. Trinh Cong Son. Et ce n'était pas tout : outre M. Son, il y avait aussi le cœur des Saïgonnais, qui était précieux pour moi. Pour moi, c'était suffisant.
- Pourquoi, pour vous, Saigon n'a que Trinh Cong Son, alors qu'ici vous êtes encore célèbre grâce aux œuvres d'autres musiciens ?
- Bien sûr, je me suis aussi fait un nom grâce à la musique d'autres compositeurs, mais il y a des choses dans la vie qui sont incomparables. C'est comme l'amour. L'amour n'est pas un livre dont on peut tourner la page pour en découvrir une toute nouvelle.
- Tu as dit un jour que tu n'aimais pas M. Son pendant que vous étiez tous les deux à Da Lat, alors qu'en est-il de la période où vous étiez tous les deux à Saigon ?
- Monsieur Son à Da Lat, Hanoï ou Saigon est toujours Monsieur Trinh Cong Son. Que Monsieur Son soit vivant ou parti dans un autre monde, il est toujours Monsieur Son. Mon amour pour lui ne change pas, qu'il soit ici ou non. C'est un seul amour.
- Mais vous avez partagé une fois que l'époque à Da Lat était celle où vous et Trinh Cong Son entreteniez votre amour pour la poésie et la musique, et à Saigon, c'est l'époque où vous êtes devenus un couple de musiciens, mangeant et chantant ensemble... Alors comment pouvons-nous comprendre le changement dans cette relation ?
Rien n'a changé, cette relation est marquée depuis le début. Si je pense que c'est le destin, alors dès notre rencontre, cela a marqué ma vie. Cette relation n'a pas changé, où que soit M. Son, même s'il a cinq ou sept épouses, il reste mon M. Son.
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Khanh Ly et Trinh Cong Son à Quan Van. |
- En 1967, lorsque vous êtes revenu à Saigon depuis Da Lat, comment avez-vous rencontré à nouveau Trinh Cong Son ?
Nous nous sommes rencontrés en marchant dans la rue, un peu par hasard, même si ce n'était peut-être pas le cas. La première fois que nous nous sommes revus, c'était rue Le Thanh Ton. À ce moment-là, nous étions tous les deux très heureux. M. Son m'a tout de suite invité à chanter. À Saïgon, le premier soir, j'ai chanté avec lui devant des milliers de personnes à Quan Van.
- Est-ce que vous et Trinh Cong Son avez déjà confié que l'un avait des sentiments pour l'autre ?
Jamais. Nous n'en avons jamais parlé, ni de près ni de loin. Notre relation peut être comprise comme on veut. Parce qu'il n'y a rien, alors pourquoi demander ? S'il y en avait eu, elle aurait été là tout de suite. L'amour est étrange, l'amour est amour dès le premier instant.
- Depuis que vous connaissez le musicien Trinh Cong Son, avez-vous déjà versé des larmes à cause de ce musicien ?
- (Long silence) Non. Il y a des choses que je garde cachées dans mon cœur, il y a des larmes que je garde cachées, mais l'important est que je me souvienne où que je sois. Je n'ai pas besoin d'attendre l'anniversaire de la mort de mon grand-père pour me souvenir, si je me souviens, je peux me souvenir du matin, de midi, de l'après-midi et du soir. C'est comme ça que je vis, je ne le montre pas extérieurement, ce que je garde dans mon cœur, c'est mon amour. L'amour, c'est le cacher pour que ce que je dis ne fasse de mal à personne, les choses que je garde dans mon cœur sont celles que je chéris le plus. Il y a des joies que je ne peux savourer que seule. Parfois, tard le soir, assise seule, me remémorant de vieilles histoires, je ris soudain toute seule. Parce que ma joie n'est pas forcément celle de tout le monde, il en va de même pour ma tristesse. Maintenant, quand M. Son ou mon mari me manquent, je la garde souvent pour moi.
- Tu n'as jamais pleuré à cause de Monsieur Fils, alors devant Monsieur Fils, as-tu déjà pleuré à cause de quelque chose ?
- Non. Jamais. Même quand la vie a mal tourné, je n'ai jamais pleuré devant Monsieur Fils. Je n'ai jamais pleuré pour ma mère ou mon mari. Même dans les situations les plus difficiles et les plus douloureuses, même si je pouvais mourir, je ne pleurerais pas. Pleurer serait inutile. C'est moi, personne ne peut prendre soin de moi.
- Est-ce parce que tu peux t'exprimer en chanson que tu n'as plus besoin de pleurer ?
Écoutez-moi chanter et vous comprendrez. Je ne peux pas dire ça. Quand les gens m'entendent chanter, ils pleurent. Quiconque comprend comprend. Je ne peux pas me plaindre, comprenez-moi.
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Khanh Ly chante à Hô-Chi-Minh-Ville lors du concert caritatif « Cercle de compassion » réunissant de nombreux chanteurs en septembre. Photo : Gia Tien. |
- Combien de chansons Trinh Cong Son a-t-il écrites pour elle ?
Je sais qu'il n'a écrit qu'une seule chanson pour moi : « Roi Le Lu Nguoi ». Il me l'a dit. Quant à moi, je pense que chaque chanson qu'il a composée a été écrite pour moi. De la même manière, quand les gens écoutent sa musique, ils peuvent aussi penser qu'elle a été écrite pour eux, car ils s'y retrouvent.
- Si vous aimez tant M. Trinh Cong Son, pourquoi n'êtes-vous pas venu à ses funérailles il y a 15 ans ?
J'ai acheté un billet d'avion pour les funérailles de M. Son, mais je ne suis pas revenu pour ne pas perturber l'enterrement. Malgré tout le respect que les gens portent à M. Son, ils veulent toujours savoir qui est Khanh Ly. C'est un vrai gâchis. Toute la gloire lui appartient. Je ne suis qu'une ombre à côté de la gloire.
Depuis mon départ du Vietnam jusqu'au décès du musicien Trinh Cong Son, nous nous sommes rencontrés quatre fois. La première fois, en 1988, à Paris. La seconde fois, en 1992, au Canada, où M. Son s'est rendu pour des soins médicaux après le décès de sa mère. En 1997, je suis retourné le voir à Saïgon. En 2000, quelques mois avant son décès, je lui ai rendu visite. Ce jour-là, je suis retourné à Saïgon pour rendre visite à M. Son, car je n'avais presque plus de famille ici.
Selon VNE
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