Ciel d’enfance…
(Baonghean) - Mon ami a étudié la photographie. Après avoir obtenu son diplôme, il a exercé toutes sortes de métiers pour gagner sa vie, allant de la photographie pour des magazines à la photographie de mariages et d'enterrements. Après plusieurs années sans nous voir, j'ai reçu un jour une invitation à son exposition, ce qui m'a surpris. En entrant dans la galerie, j'ai eu l'impression d'être immergé dans l'espace de la campagne scintillant des couleurs de mon enfance. J'ai revu les yeux innocents des enfants, le veau pleurant sur les feuilles de jacquier, chaque cerf-volant voletant dans le ciel d'été, la scène de la pêche au tilapia après la pluie… Mon ami a souri joyeusement, disant que c'était le cadeau qu'il voulait me faire, offrir à ces belles années naïves. J'ai réalisé que je n'étais pas le seul à garder en moi un recoin de mon enfance, là où nous nous allongions dans l'herbe au bord de la route, à rire et à parler de la petite amie aux cheveux blonds bouclés qui pleurait souvent à côté…
Parfois, nous retournions au village, en short, torse nu, fusils à la main, houes à la main, dans la forêt de cajeputiers pour tirer. Un jour, nous nous sommes invités à aller attraper des escargots, et lorsqu'il pleuvait à minuit, nous nous appelions pour aller chasser les grenouilles. On aurait dit que nous ne rentrions jamais sans nous être amusés, l'odeur de terre boueuse qui nous habitait ne s'était jamais dissipée. Quand nous allions chez un ami pendant la saison des anones, nous mettions la main dans le tas de paille devant le portail et nous en trouvions toujours quelques-unes bien mûres. Quand nous apercevions un tas de fumée parfumée dans le jardin, nous étions certains d'apprécier du manioc rôti ou du maïs et des patates douces grillés. Nos amis disaient que c'étaient des spécialités locales, rien au monde n'était plus nostalgique que le goût du temps où nos yeux étaient bleus. Nous n'étions toujours pas différents des enfants de dix ans ; aussi loin que nous allions, nous trouvions toujours la joie dans les champs et les chaumes.
Aujourd'hui, la campagne a bien changé. La forêt où nous rampions autrefois pour trouver des châtaignes et cueillir des mûres est devenue une usine de transformation du thé. Les champs devant chez nous abritent désormais une cimenterie, de hautes cheminées et, de temps en temps, le grondement des carrières en haute montagne… De retour au village, on voit les enfants enfouis dans les cybercafés en train de jouer à des jeux vidéo et on secoue la tête tristement. Où sont les « que moi que mai, nu na nu nong », le coup de foudre… Je vous vois surpris et tristes, et je ne peux m'empêcher d'être désolé. Un pan de notre enfance n'existe que dans nos souvenirs…
Puis tu retournais moins souvent dans ta ville natale, alors nous avions rarement l'occasion de nous asseoir ensemble pour bavarder et nous remémorer des souvenirs. Tu étais occupé à errer à la recherche de beaux moments dans une certaine campagne. J'espère aussi que tu trouveras un endroit paisible où te reposer, où ancrer ton âme quand tu seras fatigué. Quant à moi, chaque fois que je vois des enfants sans endroit où jouer, je plains la comptine qui résonne dans le bruit des machines et des véhicules qui grondent jour et nuit. Les enfants manquent désormais d'herbe verte pour s'allonger et murmurer leurs merveilleux rêves. La berceuse s'écrase aussi sur les maisons et les magasins voisins et se brise en morceaux. Oui, même la berceuse n'est pas assez longue, je plains la cigogne de la chanson folklorique qui s'est arrêtée à mi-chemin… Et c'est étrange, les enfants s'habituent peu à peu à la vie industrielle et ne se sentent plus privés, alors pourquoi m'inquiéter toujours de leur manque et ensuite avoir pitié d'eux…
Vu Thi Huyen Trang