Relations Chine-Corée : Le chemin vers « dissiper les nuages »
Après plus d'une décennie, la visite du président chinois Xi Jinping en Corée du Sud a marqué un tournant important dans le paysage diplomatique de l'Asie du Nord-Est.
La diplomatie est essentielle.
On constate qu'après de nombreuses années de stagnation dues à des désaccords stratégiques et à l'influence de la rivalité sino-américaine, les relations entre Pékin et Séoul montrent des signes de réchauffement. Depuis 2024, une série d'échanges diplomatiques, économiques et humains ont contribué à dissiper la froideur qui régnait entre les deux pays depuis la crise du système de défense antimissile THAAD en 2017 (installé par les États-Unis en Corée du Sud). La visite officielle du président chinois Xi Jinping en Corée du Sud pour assister au sommet de l'APEC est la première en onze ans et constitue, de ce fait, une avancée majeure, témoignant clairement de la volonté des deux parties de rétablir la confiance politique et de développer leur coopération stratégique.
La visite de Xi Jinping s'inscrit dans un contexte significatif. Après une longue période marquée par la pandémie, les fluctuations des chaînes d'approvisionnement mondiales et les tensions sino-américaines, Pékin et Séoul doivent impérativement redéfinir leur politique étrangère. Pour la Corée du Sud, maintenir un équilibre entre son allié en matière de sécurité, les États-Unis, et son principal partenaire économique, la Chine, a toujours été un défi de taille. Pour Pékin, le renforcement de relations stables avec Séoul est considéré comme une étape stratégique pour atténuer les pressions géopolitiques en Asie du Nord-Est, notamment dans le contexte de la stratégie indo-pacifique promue par Washington.

La rencontre entre le président Xi Jinping et le président Lee Jae-myung à Gyeongju a démontré que les efforts déployés pour maintenir la stabilité bilatérale ont porté leurs fruits. Les deux parties ont signé de nombreux mémorandums d'entente portant sur la coopération en matière de lutte contre la cybercriminalité, d'échanges de devises et, surtout, sur la promotion de la deuxième phase de l'accord de libre-échange bilatéral. La Chine et la Corée du Sud se sont également engagées à renforcer leur coopération dans des domaines émergents tels que l'intelligence artificielle, les biotechnologies, les énergies vertes et l'économie du vieillissement. Un point saillant a été l'engagement à intensifier les échanges culturels et les relations entre les peuples, jetant ainsi les bases d'un rapprochement psychologique. L'exemption temporaire de visa accordée par Séoul aux groupes de touristes chinois, annoncée quelques semaines seulement avant la visite, témoigne de la volonté de la Corée du Sud de promouvoir la compréhension mutuelle.
Comme l'a déclaré le professeur Hwang Jae-ho, directeur de l'Institut de stratégie et de coopération mondiales (Université Hankuk d'études étrangères), la visite de M. Xi « est un voyage pour dissiper les nuages et voir le soleil ». M. Hwang a ajouté que les relations sino-coréennes avaient connu des fluctuations ces dernières années, mais que cette visite avait contribué à restaurer la confiance politique entre les deux pays, et que c'était là le principal accomplissement de ce déplacement.
Les observateurs estiment également que l'évolution positive des relations sino-coréennes s'explique par leurs intérêts communs en matière d'économie et de sécurité régionale. La Chine est actuellement le premier partenaire commercial de la Corée du Sud, représentant plus de 20 % de ses importations et exportations, tandis que Séoul constitue un maillon essentiel de la chaîne d'approvisionnement de haute technologie de Pékin. Par ailleurs, les deux pays partagent un intérêt commun à maintenir la stabilité dans la péninsule coréenne, condition nécessaire à la croissance et à la coopération régionales.
La concurrence et la coopération
Malgré le ton positif de la visite du président Xi Jinping, les relations sino-sud-coréennes s'inscrivent toujours dans un cadre à la fois coopératif et concurrentiel, reflétant le délicat « équilibre stratégique » que recherchent les deux pays. Avant tout, la Corée du Sud et la Chine reconnaissent leur interdépendance économique. La Chine est le premier partenaire commercial de la Corée du Sud depuis plus de vingt ans, représentant près d'un quart des exportations totales de Séoul. La Corée du Sud, quant à elle, joue un rôle crucial dans la chaîne d'approvisionnement technologique mondiale – notamment dans les semi-conducteurs, les composants électroniques et les batteries – que la Chine s'efforce de localiser afin de réduire sa dépendance à l'égard de l'Occident. Ce sont ces intérêts imbriqués qui incitent les deux pays à maintenir le dialogue, malgré les nombreuses épreuves qu'a connues la confiance politique.

Cependant, derrière ces poignées de main se cache une compétition stratégique complexe. La Corée du Sud se trouve dans une situation délicate, tiraillée entre les deux puissances. Le président Lee Jae-myung l'a d'ailleurs admis sans détour dans une interview accordée à un journal.TempsSéoul « se tiendra aux côtés des États-Unis dans le nouvel ordre mondial et la chaîne d’approvisionnement pilotée par Washington, mais devra veiller à ne pas nuire à ses relations avec la Chine ». Cette déclaration reflète la réalité : Séoul ne peut choisir un camp plutôt que l’autre, car ses intérêts vitaux sont liés aux deux. Les États-Unis sont un allié clé en matière de sécurité, tandis que la Chine demeure son premier partenaire commercial.
Cependant, cette « diplomatie équilibrée » est de plus en plus difficile à maintenir, Washington promouvant sa stratégie indo-pacifique et renforçant des alliances telles que l'AUKUS, le QUAD ou l'alliance de sécurité trilatérale États-Unis-Japon-Corée du Sud. Le feu vert donné par Washington à Séoul pour le développement de sous-marins nucléaires après le récent sommet Lee-Trump témoigne du renforcement de l'alliance américano-sud-coréenne, mais suscite également des doutes chez Pékin. La Chine perçoit cette initiative comme un prolongement de sa stratégie d'encerclement, bien que Séoul insiste sur le fait que ses capacités de défense visent uniquement à dissuader Pyongyang. La Chine s'oppose depuis longtemps fermement à une participation accrue de la Corée du Sud aux structures militaires dirigées par les États-Unis, tandis que Séoul s'inquiète de plus en plus des relations militaires entre Pékin et Pyongyang.
Toutefois, un point positif se dégage : les deux parties ont fait preuve de volonté de gérer leurs différends et de rechercher des intérêts communs, plutôt que de laisser le conflit s'envenimer comme ce fut le cas après le déploiement du système THAAD. Les déclarations des dirigeants des deux pays, telles que « le respect mutuel des voies de développement » et « la promotion de la confiance et des échanges entre les peuples », montrent que les deux gouvernements s'efforcent de redéfinir les relations bilatérales dans le cadre d'une « concurrence maîtrisée », malgré un contexte instable.


