La flèche multi-cibles du Premier ministre japonais
(Baonghean) - Le plan de relance économique massif du Japon, d'un montant de plus de 28 000 milliards de yens (soit 266 milliards de dollars), devrait aider le pays du Soleil-Levant à faire face aux conséquences du Brexit. Mais pour le Premier ministre Shinzo Abe, la valeur de ce plan est encore plus importante.
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Les trois objectifs de la politique Abenomics du Premier ministre Abe sont : une économie forte, un soutien aux familles avec enfants pour augmenter le taux de natalité et la sécurité sociale. Photo : Telegraph. |
Facteurs externes
Le statut de « valeur refuge » que les investisseurs ont accordé au yen depuis que les électeurs britanniques ont voté pour quitter l’Union européenne (UE) suscite la consternation au sein du gouvernement japonais.
La raison en est que les investisseurs délaissent les actifs risqués comme les actions pour investir dans des actifs stables comme l'or, le yen et le dollar américain, ce qui entraîne une appréciation du yen. Or, il s'agit d'un point crucial du plan triennal de relance économique mis en œuvre par la Banque du Japon (BoJ) et le Premier ministre Shinzo Abe. Le succès de la relance de l'économie par un ensemble de mesures dépend fortement du soutien apporté par le faible niveau du yen aux entreprises implantées et ayant des sources de revenus à l'étranger.
C'est une tâche à laquelle Tokyo se heurte depuis un certain temps. Le yen s'est maintenu bien au-dessus de 80 yens pour un dollar, mais il a progressé de plus de 18 % cette année, malgré l'introduction par la Banque du Japon de taux d'intérêt négatifs pour la première fois en janvier.
Il s'agit d'un défi majeur pour le programme « Abenomics » du Premier ministre Abe, qui vise à stimuler la croissance et l'inflation. Cependant, la décision britannique n'est qu'un des nombreux événements extérieurs au Japon qui ont un impact important sur ce pays. Le projet de la Réserve fédérale américaine de relever ses taux d'intérêt cette année contribue également à la hausse du yen face au billet vert.
De nombreux économistes estiment que la politique actuelle de la Banque du Japon a atteint ses limites et ne peut guère endiguer la hausse du yen face aux turbulences des marchés mondiaux. Malgré les avertissements, les capitaux continuent d'affluer vers des valeurs refuges comme le yen, ce qui en est un parfait exemple. Le gouvernement japonais devrait donc désormais intervenir davantage.
Lors de l'annonce du plan de relance le 27 juillet, le Premier ministre Abe a affirmé que l'objectif du Japon, avec ces dépenses colossales, était de minimiser les conséquences du départ du Royaume-Uni. Dans le cadre de ce plan de soutien, le gouvernement japonais prévoit d'augmenter les dépenses publiques de 13 000 milliards de yens, principalement en investissant dans des projets de construction et de modernisation des infrastructures, et en stimulant les exportations de produits agricoles et touristiques.
La Banque japonaise pour la coopération internationale recevra un financement supplémentaire pour accorder davantage de prêts à faible taux d'intérêt aux entreprises japonaises afin de faire face aux conséquences du Brexit. Tokyo prévoit également d'accroître son soutien aux entreprises japonaises souhaitant construire des infrastructures à l'étranger.
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Le plan de relance économique est une nouvelle mesure visant à consolider les acquis politiques du Premier ministre Abe. Photo : Nikkei. |
Relancer les Abenomics
Le Brexit offre au Japon une excellente occasion de chercher une solution radicale à son économie morose et à son avenir sombre. Mais force est de constater que ce plan de relance vise un objectif plus vaste : continuer à consolider les fondements de la stratégie économique appelée « Abenomics » mise en œuvre par le Premier ministre Abe. Il s'inscrit dans un contexte où l'économie japonaise n'a montré que peu de signes encourageants, ce qui prouve que les « Abenomics » ont failli échouer.
Par exemple, depuis début 2016, lorsque le Premier ministre Abe a clairement exprimé sa détermination à mettre en œuvre les trois axes de cette politique économique, les indicateurs de croissance économique sont restés peu positifs. Les indices de consommation et d'exportation du Japon ont diminué en avril ; l'activité manufacturière a enregistré sa plus forte baisse depuis plus de trois ans. L'appréciation continue du yen due au Brexit a encore impacté les activités de promotion des exportations, l'un des objectifs importants des Abenomics. Les plans de relance économique se sont succédé, mais l'économie n'est pas très brillante, en particulier le pouvoir d'achat des consommateurs ne s'est pas amélioré.
Ce résultat a contraint l'administration Abe, début juin, à reporter pour la deuxième fois de deux ans et demi l'augmentation prévue de la taxe à la consommation, au lieu d'avril 2017 comme prévu initialement. Ce report vise à éviter d'alourdir la charge pesant sur les consommateurs et de freiner la croissance économique. De nombreux experts affirment que cette décision témoigne de l'échec des Abenomics.
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La vigueur du yen constitue un obstacle aux Abenomics, ainsi qu'à la reprise économique du Japon. Photo : NPR. |
« Levier » politique
Le lancement d'un vaste plan de relance économique, ainsi que le report de l'augmentation des impôts il y a deux mois, semblent être une mesure temporaire, car l'économie japonaise ne fonctionne toujours pas comme prévu.
Cependant, de nombreux experts estiment que tout cela correspond aux attentes du Premier ministre Abe, et qu'il s'agit même d'une solution pour maintenir l'équilibre politique. Par exemple, les députés du parti Komeito, partenaire de la coalition au pouvoir de M. Abe, estiment que la proposition de reporter la hausse des impôts de deux ans et demi est motivée par des considérations politiques. Si le projet de hausse des impôts est reporté à octobre 2019, date à laquelle auront eu lieu les élections législatives et locales à l'échelle nationale, M. Abe n'aura pas à craindre que la hausse des impôts affecte les résultats des élections.
Certaines spéculations suggèrent que M. Abe pourrait même convoquer des élections anticipées pour la Chambre basse du Parlement afin de gagner le soutien des électeurs et de faciliter les politiques économiques, ainsi que d'autres questions controversées de l'administration.
Mais les optimistes estiment que le plan de relance devrait être vu positivement, parallèlement aux 73 000 milliards de yens de dépenses de sécurité sociale que le gouvernement japonais a allouées pour l'exercice 2016. Cela comprend un soutien accru aux ménages à faibles revenus, des services de garde d'enfants élargis et d'autres programmes de soins de santé qui s'attaquent au déclin du taux de natalité.
Ces priorités contribuent à résoudre les problèmes urgents de la société japonaise actuelle. Et, bien sûr, elles reflètent et promeuvent l'efficacité globale des solutions proposées par les Abenomics.
Thanh Son