La Russie, l'Iran et le « gâteau » d'après-guerre
(Baonghean) - Bien que l'Iran et la Russie se soient rapprochés depuis la crise politique en Syrie, à mesure que la guerre touche à sa fin, les deux parties doivent prendre en compte leurs intérêts divergents afin d'éviter un « conflit fratricide ». C'est l'une des principales priorités du dialogue lors de la visite du président russe Vladimir Poutine en Iran, qui débutera le 1er novembre.
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Le président russe Vladimir Poutine (à droite) a rencontré le président Hassan Rohani en mars 2017. Photo : Reuters |
Harmoniser les différences
L'étroite alliance avec l'Iran est désormais considérée comme un pilier de la politique étrangère russe au Moyen-Orient. Ces deux dernières années, les visites bilatérales de haut niveau se sont multipliées et intensifiées. Si en 2015, le président russe Vladimir Poutine s'était rendu à Téhéran pour discuter de mesures visant à coordonner les opérations et à soutenir le gouvernement syrien de Bachar el-Assad, cette fois, l'objectif principal de la visite du chef du Kremlin est de trouver une voix commune avec l'Iran pour résoudre les problèmes de l'après-guerre en Syrie, en aplanissant les divergences entre les deux pays et en évitant un scénario de « conflit fratricide ».
La Russie et l'Iran jouent tous deux un rôle important en Syrie, car ils participent au processus de résolution de la crise dans ce pays du Moyen-Orient. Outre leur soutien à l'armée gouvernementale syrienne pour détruire l'EI et les groupes rebelles, la Russie et l'Iran ont également participé au cycle de négociations d'Astana (Kazakhstan) visant à trouver une solution politique au conflit syrien.
Selon les experts, dans les mois à venir, alors que la crise passera d'un conflit militaire à une solution politique, de nombreuses questions d'après-guerre surgiront. La structure politique du gouvernement syrien et le rôle des parties après cette guerre sont des sujets qui doivent préoccuper toutes les parties impliquées. Par ailleurs, bien que la Russie et l'Iran soient alliés, leurs divergences ne peuvent être évitées.
La Russie considère sa présence en Syrie comme un élément de sa rivalité géopolitique avec les États-Unis. Elle souhaite que la Syrie soit un pays où les différentes minorités ethniques et religieuses jouissent de droits égaux. L'Iran, quant à lui, souhaite établir un gouvernement à Damas qui assurera le pouvoir et l'influence de Téhéran dans la région et au bénéfice de la communauté chiite.
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Le 7e cycle de négociations sur la Syrie à Astana (Kazakhstan) montre des signes positifs. Photo : Reuters |
De toute évidence, la Russie n'apprécie guère les tentatives de l'Iran d'imposer sa volonté à Damas, ni la création par l'Iran d'une base politique et idéologique pour l'expansion de l'influence chiite dans la région. Pour la Russie, les calculs stratégiques de l'Iran pourraient être déstabilisateurs et potentiellement alimenter des conflits entre l'Iran et Israël, ainsi qu'avec d'autres pays arabes. C'est pourquoi le président russe Poutine est actuellement en Iran et la Syrie est la priorité absolue de ses discussions avec les dirigeants iraniens.
Équilibre des pouvoirs
Outre les discussions sur la restructuration de l'État syrien d'après-guerre, la visite du président russe en Iran vise également à affirmer l'amitié entre les deux pays. Cette « amitié » russo-iranienne ne se limite pas à la géopolitique, mais s'étend également à la coopération économique, énergétique et de défense.
Les deux pays sont également confrontés à la difficulté commune d'être soumis au confinement et aux sanctions américaines. La nécessité de se coordonner pour contrer les intentions américaines au Moyen-Orient ainsi que la politique de Washington en Syrie préoccupe tant la Russie que l'Iran. De plus, la Russie doit également rassurer l'Iran face aux récentes actions diplomatiques de Moscou au Moyen-Orient.
Début octobre, la rare visite du roi saoudien en Russie a suscité de nombreuses spéculations quant à un éventuel changement dans les relations cordiales entre Téhéran et Moscou. Au cours de ce voyage, la Russie et l'Arabie saoudite ont signé de nombreux contrats d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, notamment la vente du système de défense aérienne S-400 à l'Arabie saoudite.
Pendant ce temps, l'Iran, pays considéré comme un allié de la Russie, n'a été autorisé à acheter que le système S-300, plus ancien que le S-400. Ces contrats importants, conjugués à l'accueil chaleureux réservé par la Russie au roi saoudien, ont conduit certains commentateurs à y voir une « trahison » du partenariat russo-iranien. Car au Moyen-Orient, l'Arabie saoudite et l'Iran sont des adversaires « irréconciliables ».
Cependant, si l'on examine la présence russe au Moyen-Orient ces dernières années, on constate que Moscou mène une politique étrangère « pragmatique et flexible », collaborant avec tous ses partenaires pour maximiser leurs intérêts. La visite du président Poutine en Iran cette fois-ci est perçue comme un message indiquant que la coopération de la Russie avec d'autres pays du Moyen-Orient, comme l'Arabie saoudite ou Israël, ne menacera pas son alliance avec l'Iran.
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La Russie promet de vendre le système de missiles S-400 à l'Arabie saoudite. Photo : Reuters |
D'un autre point de vue, les analystes affirment que la Russie cherche en réalité à contrôler l'équilibre des forces dans la région. Autrement dit, au lieu de mettre en œuvre la stratégie consistant à « se rapprocher d'un camp pour combattre l'autre », elle cherche à maintenir l'équilibre, en contrôlant les parties afin d'éviter une confrontation inutile. À preuve, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a récemment proposé une médiation entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Des responsables russes se sont également rendus en Israël, pays qui craint que les forces iraniennes ne se renforcent après la fin de la guerre en Syrie.
En bref, la Russie tente de maintenir une forte présence diplomatique dans la région en établissant un équilibre lui permettant d'utiliser un pays pour contrebalancer un autre, de sorte qu'aucun pays n'exerce une influence excessive dans la région. Grâce à cette solution, il est fort possible qu'à l'avenir, la Russie provoque une révolution diplomatique dans la région.
Thanh Huyen
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