L'agriculteur écrit pour le journal
(Baonghean.vn) - De nombreux journalistes et rédacteurs du journal Nghe An, ainsi que moi-même, recevons parfois des messages de sa part. Quand…
(Baonghean.vn) -De nombreux journalistes et rédacteurs du journal Nghe An, ainsi que moi-même, recevions parfois des messages de sa part. Il s'agissait toujours de questions sur sa santé, puis de compliments (ou de critiques) concernant un article qu'il venait de lire. Parfois, il informait qu'il se trouvait dans une région isolée et qu'il enverrait l'article au journal à son retour… Il souhaitait alors être guidé dans ses écrits et recueillir des commentaires…
Ses articles, comme toujours, sont écrits à la main, d'une écriture douce, soignée et nette, et envoyés par courrier express. Il lui arrivait d'envoyer des poèmes par courriel, mais il disait alors que c'était gênant car il devait aller attendre au magasin d'informatique du chef-lieu (il avait un ordinateur, mais… n'était pas connecté à internet). Chaque fois que je recevais ses articles, j'y retrouvais tant de saveurs du pays qu'il traversait, souvent imprégnées du souffle des montagnes et des forêts, des pentes froides et brumeuses, des ruisseaux qui réveillent les villages au soleil matinal… Il y avait sa sueur, ses pas mêlés à ceux des Khmu et des Mong sur les routes glissantes, ses mains pressées contre le papier près d'une petite lampe, et il écrivait les lignes avec tant de passion et d'attention…
L'hiver dernier, lors des journées les plus froides, j'ai reçu un message de lui disant : « Demain, je pars à Vinh. J'ai un cadeau à envoyer aux rédacteurs et aux journalistes de la région montagneuse. » J'ai répondu : « Attendons plus tard, quand il fera beau et que le temps sera propice, je viendrai vous voir. » Mais il a insisté : « Non, ne vous inquiétez pas. Je laboure encore les champs alors qu'il fait 7 °C. »
J'ai longtemps hésité, connaissant sa personnalité. Une fois qu'il avait décidé de se lancer, il le faisait, sans craindre les difficultés. Le lendemain matin, alors que j'allais au travail, j'ai reçu un appel de lui : « Je suis devant le portail de la rédaction. Mais comme c'est les heures de travail, je ne peux pas entrer. Allez au portail, on se retrouve tout à l'heure. »
Un petit vieillard m'attendait devant le portail, boitant. Sa Cub de 1981, son sac à dos encore couvert de poussière. Et le froid… Je lui ai demandé : « À quelle heure es-tu descendu ? As-tu fini de travailler ? » Il m'a répondu : « Je viens de descendre, je suis passé à l'Association provinciale des lettres et des arts pour rendre le manuscrit d'un recueil de poésie, je n'ai rien terminé d'autre. Je t'ai apporté du papier de riz local. » Il a ouvert son sac à dos, qui en était rempli.
Il m'a serré la main, la main large et imposante d'un laboureur. Cette main guidait le buffle sur la charrue par 7 degrés Celsius. Cette main a aussi soigneusement écrit chaque trait de la lettre sur les hautes terres difficiles, destinée à la rubrique Montagnes et Ethnies de mon journal. Cette main a aussi écrit des poèmes sincères, des réflexions profondes sur les affaires du monde. Il aurait dû être avocat depuis des décennies. Pourtant, pour de multiples raisons, il a dû retourner dans sa ville natale pour devenir laboureur…
Je l’observais, je regardais ses pas boiteux tandis qu’il poussait sa moto à travers la rue, et je sentais mon cœur se remplir de respect et de pitié… Lui, l’agriculteur qui écrivait pour le journal, signait souvent ses articles d’un simple nom d’une seule ligne : Contributeur Vo Van Vinh.
Thuy Vinh