Nicolas Sarkozy : « On a perdu trop de temps »
(Baonghean) - L'ancien président français et président de l'UMP Nicolas Sarkozy a accordé une interview au journal Le Monde, exprimant son point de vue sur la politique de sécurité que la France a mise en œuvre, met en œuvre et mettra en œuvre depuis l'attentat terroriste du 13 novembre.
Etes-vous satisfait du discours de l’actuel président François Hollande devant l’Assemblée nationale le 16 novembre ?
Nous avons assisté à un revirement soudain, sans précédent et radical de la politique étrangère et de sécurité du gouvernement. Je salue personnellement ce changement, car il est cohérent avec ce que nous proposons depuis de nombreux mois.
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M. Nicolas Sarkozy a été président de la République française du 16 mai 2007 au 16 mai 2012. Photo : EPA |
Sur le plan intérieur, la déchéance de la nationalité française des terroristes binationaux nés en France a été jugée nécessaire. Nous avons proposé cette proposition en janvier dernier, sans succès.
En matière de politique étrangère, le président a finalement accepté de s’associer à Vladimir Poutine dans une grande alliance et a admis que la lutte contre Daesh ne serait pas couronnée de succès sans une alliance avec la Russie.
Les propositions républicaines ont été acceptées, le Parti républicain aura-t-il une attitude plus coopérative avec le gouvernement ?
Après ce changement majeur, l'attitude du Parti républicain d'opposition évoluera certainement de manière plus constructive. Mais une question se pose : pourquoi ce changement est-il si lent à se produire ? Pourquoi n'a-t-il pas été entrepris plus tôt ?
L'attentat terroriste contre Charlie Hebdo a eu lieu il y a près d'un an. Immédiatement après, toutes les propositions du parti d'opposition ont été rejetées.
Il reste encore beaucoup à faire, comme interdire et sanctionner ceux qui consultent et suivent des sites web djihadistes. Ou encore mettre en œuvre le projet PNR – un fichier européen de données des passagers aériens.
Que pensez-vous de la proposition du président actuel de modifier la Constitution ?
En théorie, je ne suis pas opposé à une réforme constitutionnelle, mais tout dépend de son contenu. Nous l'examinerons de la manière la plus approfondie et la plus concrète possible.
Si ces réformes devaient améliorer immédiatement la sécurité des Français, nous les soutiendrions. Mais si elles ne visaient qu'à ouvrir un débat juridique, ce seraient nos citoyens qui réagiraient en premier.
S’agit-il d’un « piège » du Président lorsqu’il approuve une série de propositions du parti d’opposition ?
Je ne le pense pas. Car, pour que la proposition de réforme constitutionnelle soit approuvée, elle doit recueillir une majorité de plus des trois cinquièmes du nombre total des membres de la Chambre des représentants et du Sénat. Sans la coopération du parti d'opposition, la réforme constitutionnelle est impossible.
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Le président sortant François Hollande a besoin de la coopération de l'opposition pour faire adopter la réforme constitutionnelle. Photo : MaxPPP |
J’espère donc que le gouvernement continuera d’examiner nos propositions non traitées, qui comprennent deux mesures essentielles : l’assignation à résidence et le port de bracelets électroniques pour les personnes fichées « S » – identifiées par les agences de renseignement comme des menaces potentielles à la sécurité nationale ; et la détention sécurisée prolongée pour les prisonniers terroristes ayant purgé leur peine.
Ces deux mesures sont actuellement bloquées juridiquement et une réforme constitutionnelle est essentielle pour lever les obstacles.
Après avoir évoqué les « failles » du « système de sécurité français », pensez-vous qu’il soit possible d’éviter de telles attaques ?
Avec un nombre de victimes aussi inédit, si nous persistons à affirmer que le système de sécurité est infaillible, combien faudra-t-il de victimes pour que la population accepte cette réalité ? A-t-on tiré les leçons de l'incident de Charlie Hebdo et de la série d'attentats terroristes de janvier ? La réponse est non.
Trop de temps a été perdu. La commission d'enquête du Congrès a publié son rapport en juin et a écrit au président en septembre dernier. Elle formulait des recommandations très précises, mais ses auteurs n'ont jamais reçu de réponse du gouvernement…
Après l'intervention militaire en Syrie, le gouvernement n'a pas encore pleinement pris la mesure des conséquences et des risques pour la sécurité intérieure. Nous aurions dû renforcer le système de sécurité contre le terrorisme à ce moment-là.
Quel est le lien entre la crise migratoire et l’entrée des djihadistes en France ?
Il ne faut pas assimiler les migrants aux djihadistes. Mais la réalité est que la crise syrienne a ouvert les frontières de l'Europe aux terroristes.
Je pense qu'il est nécessaire de convoquer un Conseil des dirigeants européens. L'ancien système Schengen est « mort ». Les contrôles aux frontières doivent être maintenus jusqu'à la mise en place d'un nouveau système. À ce moment-là, les pays devront s'accorder sur une politique d'immigration commune.
Le président actuel a également sous-estimé la situation économique et financière de la France lors des discussions sur les solutions de sécurité et les affaires intérieures et extérieures dans le contexte actuel. Le déficit budgétaire et la dette publique pèsent sur notre indépendance et notre autonomie.
Thuc Anh
(Selon Le Monde)