La mission de renseignement israélienne de 1969 visant à voler cinq bateaux lance-missiles français

December 22, 2017 09:59

Les services de renseignement israéliens ont mené une opération audacieuse pour déjouer les forces de sécurité françaises et ramener cinq bateaux lance-missiles détenus par le pays.

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Deux des cinq navires retenus par la France au port de Cherbourg. Photo : Cimsec.

Au début des années 1960, Israël décida d'acheter à la France douze patrouilleurs non armés de classe Sa'ar 3, dans l'intention de les transformer en vedettes lance-missiles afin de moderniser sa marine et d'assurer sa sécurité nationale. Cependant, après avoir reçu sept de ces patrouilleurs, Israël fut soumis à un embargo total sur les armes imposé par la France en raison du raid sur l'aéroport de Beyrouth lors de la campagne contre l'Organisation de libération de la Palestine. Les cinq patrouilleurs Sa'ar 3 restants furent conservés par la France et ne furent pas transférés à Israël.

L'acquisition de bateaux lance-missiles soviétiques par les rivaux égyptiens et syriens, alors que la flotte obsolète d'Israël subissait des pertes lors de la guerre d'usure (1967-1970), a conduit les dirigeants du pays à lancer l'opération Noa pour voler les cinq bateaux Sa'ar 3 restants aux Français, selon la Bibliothèque juive.

Le père de l'opération Noa était le contre-amiral Mordechai « Mokka » Limon, ancien commandant de la marine israélienne et attaché militaire israélien à Paris. Il entretenait de nombreux liens avec les gouvernements français et européens par l'intermédiaire de la famille Rothschild.

Grâce aux relations de Limon, Israël a créé une société écran appelée Starboat, enregistrée au Panama mais déguisée en société de forage pétrolier norvégienne. Les employés de cette société étaient tous des agents du Mossad, l'agence nationale de renseignement israélienne. Starboat était dirigée par Benyamin Vered, l'un des plus hauts gradés du Mossad.

Starboat a négocié avec la partie française, exprimant son désir de racheter cinq navires de guerre Sa'ar 3 pour les transformer en navires de recherche pétrolière, affirmant que leurs spécifications techniques répondaient à leurs exigences. Pour gagner la confiance de la partie française, les représentants de Limon et de Starboat ont feint une vive dispute durant les négociations.

Les deux parties ont convenu que les cinq navires seraient livrés au port de Starboat et équipés par des marins de la marine israélienne. Le contrat d'achat entre le gouvernement israélien et Starboat a été approuvé avec l'accord du ministre français de la Défense, Michel Debré.

L'étape suivante de l'opération consistait à établir une routine quotidienne pour tromper les Français à Cherbourg, où cinq Sa'ar 3 étaient ancrés. Des marins israéliens équipaient régulièrement ces navires lors de courtes traversées vers l'Atlantique.

L'équipage fut secrètement renforcé par 80 officiers israéliens, déguisés en civils et divisés en deux groupes, se faisant passer pour des touristes à différents endroits en Europe avant d'arriver à Cherbourg. Les deux groupes devaient changer constamment d'hébergement, ne jamais séjourner plus d'une nuit dans le même hôtel, et être munis de passeports israéliens pour éviter d'être accusés de faux documents en cas d'arrestation. Le 23 décembre, les 80 officiers israéliens arrivèrent à Cherbourg et se dispersèrent dans la ville.

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La route de la France vers Israël du groupe de navires Sa'ar 3. Graphique : Wikipédia.

Le directeur du Mossad, Meir Amit, a qualifié l'opération d'extrêmement risquée. « Si un seul policier français avait eu des soupçons sur la présence d'autant de Juifs à Cherbourg pendant Noël, l'opération aurait été complètement ruinée », a rappelé M. Amit.

Avant de partir, les navires avaient besoin de grandes quantités de carburant et de nourriture pour le voyage de huit jours. Les équipages devaient stocker progressivement du carburant et des provisions en petites quantités pour éviter d'éveiller les soupçons. Le 24 décembre, les cinq navires disposaient de suffisamment de carburant et de nourriture pour le voyage vers Israël.

Le démarrage soudain des moteurs du navire de guerre la nuit aurait alerté les autorités françaises. Le colonel Hadar Kimhi, commandant de l'opération, a donc ordonné aux marins israéliens de démarrer les moteurs chaque nuit afin d'habituer les Cherbourgeois au bruit. La partie israélienne a également pris des dispositions pour que des navires de ravitaillement supplémentaires soient déployés auprès de l'escadre Sa'ar 3 à Gibraltar et dans le golfe de Gascogne.

S'échapper

Dans la nuit du 24 décembre 1969, l'équipage continua d'entretenir le navire, tandis que 80 officiers supplémentaires se réfugièrent dans la cale. Craignant que les navires ne coulent lors de la traversée du golfe de Gascogne par mauvais temps, la marine israélienne désigna un météorologue pour surveiller tous les bulletins météorologiques en provenance de Grande-Bretagne, de France et d'Espagne.

La flotte devait partir à 20 h 30, mais le mauvais temps retarda sans cesse le départ. Malgré les ordres israéliens de partir quel que soit le temps, le colonel Kimhi décida de continuer à attendre. À minuit, le météorologue entendit un bulletin météorologique britannique annonçant que la tempête s'affaiblirait d'ici deux heures. À 2 h 30 du matin, le 25 décembre, la flotte quitta Cherbourg et prit le large.

Les autorités françaises n'étaient pas au courant de l'incident jusqu'à ce qu'un journaliste britannique se rende au port 12 heures plus tard.et ont découvert que les cinq navires de guerre Sa'ar 3 avaient disparu. Les navires israéliens ont traversé le golfe de Gascogne avant de bifurquer vers le sud, en Méditerranée, pour rejoindre la flotte de ravitaillement.

Alors que les navires franchissaient le détroit de Gibraltar pour entrer en Méditerranée, la station de surveillance britannique leur a demandé par radio de s'identifier, mais n'a reçu aucune réponse. Un hélicoptère britannique a repéré le groupe de navires, sans pavillon ni numéro d'identification, mais les a identifiés comme des navires israéliens. La station de surveillance britannique a alors donné un signal radio pour que les navires de guerre israéliens puissent continuer leur route.

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Un navire Sa'ar 3 après sa conversion par Israël. Photo : Wikipédia.

La flotte a été repérée par les médias internationaux alors qu'elle longeait la côte nord-africaine pour rentrer chez elle. À son arrivée sur la côte crétoise, des avions de chasse israéliens F-4 ont commencé à apparaître à basse altitude pour escorter les cinq navires de guerre.

Le ministre français de la Défense, Michel Debré, ordonna une frappe aérienne pour couler les navires volés, mais le chef d'état-major de l'armée française refusa d'exécuter l'ordre, et le Premier ministre Jacques Chaban Delmas s'opposa également à l'attaque, craignant une escalade. Malgré la colère, le gouvernement français savait qu'il ne pouvait intervenir, les navires se trouvant déjà dans les eaux internationales.

Le groupe de navires de guerre arriva à Haïfa le 31 décembre, après un périple de 5 825 kilomètres. Après avoir acquis les 12 structures de navires français, Israël entreprit de les transformer en vedettes lance-missiles, développant ainsi une doctrine navale entièrement nouvelle qui permit de couler plusieurs navires de guerre égyptiens et syriens sans en perdre un seul pendant la guerre du Kippour de 1973.

Selon VNE

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