Déterminé à défendre l’Arabie saoudite : Trump en subira-t-il les conséquences ?

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (à gauche) et le président américain Donald Trump à la Maison Blanche, le 20 mars 2018. Photo : AFP

Face à une série de critiques et d'objections de la part des législateurs nationaux et internationaux, l'opinion publique se demande si le président Trump ne « parie » pas trop sur cette relation d'alliance houleuse ?

Incompatible

Il y a un ou deux jours à peine, l'opinion publique s'interrogeait encore sur la décision du président américain Donald Trump après que la CIA eut annoncé que le prince héritier Mohammed ben Salmane avait commandité l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. On comprend aisément pourquoi l'attitude du président américain a constamment évolué ces derniers temps face au meurtre choquant de ce journaliste.

Le 13 octobre, M. Trump lui-même a annoncé que l'Arabie saoudite pourrait être derrière la mystérieuse disparition du journaliste Khashoggi, malgré la vive réaction du pays. Et que, si cela se confirmait, les États-Unis imposeraient de lourdes sanctions. Cette déclaration, à l'époque, a refroidi une relation d'alliance déjà tumultueuse et conflictuelle. En réponse, l'Arabie saoudite, alliée, a également manifesté des tensions avec les États-Unis, énumérant jusqu'à 30 contre-mesures si les États-Unis étaient déterminés à les punir.

Mais un peu plus d'un mois plus tard, la situation a radicalement changé. Malgré les accusations directes de la CIA contre le prince héritier saoudien, le président Trump a publié une déclaration soutenant le maintien de l'alliance avec l'Arabie saoudite. Il est à noter que le contenu le plus important attendu par le public, à savoir si M. Trump approuve ou non les conclusions de la CIA, demeure totalement flou.

Prince héritier Mohammed ben Salmane

Le communiqué précise : « Le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane ont nié toute connaissance du complot visant à assassiner le journaliste Jamal Khashoggi. Les services de renseignement américains continuent d’analyser toutes les informations, et il est possible que le prince héritier ait eu connaissance de ce meurtre, mais il est également possible qu’il l’ignore. Cela signifie que nous ne saurons peut-être jamais avec certitude ce qui s’est passé lors du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Quoi qu’il en soit, les États-Unis maintiendront leurs relations avec l’Arabie saoudite. »

Auteur

Avec cette déclaration, le président Trump a complètement changé d’attitude, affirmant clairement son soutien à ses alliés, malgré l’opposition au sein des États-Unis et de la communauté internationale.

Derrière la « tempête »

Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer le changement constant d'attitude de l'administration américaine envers son alliée, l'Arabie saoudite. Parmi elles figurent les contrats économiques, les ventes d'armes ou le rôle de ce pays comme intermédiaire pour aider les États-Unis à mettre en œuvre leurs politiques et leurs objectifs au Moyen-Orient. Ce sont ces liens qui ont consolidé l'alliance entre les deux parties pendant des décennies. Certes, les relations entre les deux parties ont connu des périodes difficiles et conflictuelles, mais cela n'a pas conduit les États-Unis à tourner le dos à cet important allié du Moyen-Orient.

Le journaliste Khashoggi a été assassiné

Jusqu'à présent, le pétrole et le gaz, l'armement, les intérêts géopolitiques, la question iranienne et le dossier israélo-palestinien demeurent les maîtres-mots qui unissent les relations entre les deux pays. C'est pourquoi, dans sa dernière déclaration, le président Trump n'a pas hésité à ignorer l'affaire Khashoggi et a salué les avantages que l'Arabie saoudite apporte aux États-Unis : « Après sa visite en Arabie saoudite l'année dernière, le pays a accepté d'investir 450 milliards de dollars aux États-Unis. Ce montant record créera des emplois pour des centaines de milliers de personnes et davantage de richesses pour le peuple américain. » Il a ajouté : « L'Arabie saoudite est un allié précieux des États-Unis dans la lutte contre l'Iran. Les États-Unis resteront un allié solide de l'Arabie saoudite dans la région… ».

Des observateurs internationaux ont également souligné que les changements constants d'attitude du président Trump sont étroitement liés aux récentes visites et conversations téléphoniques entre les États-Unis et l'Arabie saoudite. Il est fort possible que les « accords » entre les deux parties dans de nombreux domaines, notamment économique, aient été négociés sans heurts par les dirigeants des deux pays. De toute évidence, avec la politique « America First » du président Donald Trump, cette possibilité est tout à fait envisageable. En attendant, l'Arabie saoudite, prise dans le tourbillon Khashoggi, a plus que jamais besoin du soutien de ses alliés américains.

Non seulement le président Trump a affirmé la solidité de ses relations avec l'Arabie saoudite, mais il n'a pas non plus caché sa crainte qu'une dégradation de ces relations ne profite qu'à des rivaux comme la Russie ou la Chine. Il est clair que M. Trump ne souhaite pas une telle situation, alors que la Russie conserve de nombreux atouts au Moyen-Orient.

Bon ou mauvais ?

Les avantages économiques, d'investissement et d'armement sont indéniables lorsque les États-Unis entretiennent des relations avec l'Arabie saoudite. Parmi les exemples notables, citons l'accord d'importation d'armes de 350 milliards de dollars signé l'an dernier ou le projet d'investissement de plusieurs dizaines de milliards de dollars dans les infrastructures américaines. Géopolitiquement, les États-Unis possèdent le plus grand nombre de bases militaires en Arabie saoudite au Moyen-Orient, et les deux pays sont sur le même front dans la guerre contre l'Iran et partagent les mêmes positions sur la question israélo-palestinienne.

Le président américain Donald Trump lors de sa visite en Arabie saoudite, le 21 mai 2017. Photo : Reuters

Cependant, les relations entre les deux parties ont connu de nombreux problèmes et conflits ces derniers temps, notamment lorsque l'Arabie saoudite a pris la tête de la coalition chargée d'intervenir dans la guerre au Yémen en 2015, et lors de la crise du Golfe, lorsque l'Arabie saoudite et ses alliés ont isolé le Qatar économiquement et diplomatiquement en 2017. Suite notamment à l'assassinat du journaliste Khashoggi, les responsables américains ont remis en question l'alliance américano-saoudienne. Ils se demandent alors si les États-Unis devraient risquer leur réputation et leur influence pour protéger les contrats économiques et d'armement conclus avec cet allié controversé.

De plus, les contrats entre les deux pays sont si importants, mais la réalité est loin d'être celle escomptée. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été la critique par les législateurs des deux chambres de la position pro-saoudienne du président Donald Trump. Récemment, Bob Corker, président de la commission des relations étrangères du Sénat américain, et Bob Menendez, membre de la commission, ont adressé une lettre au président, demandant une « décision claire » sur l'implication du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane dans la mort du journaliste Jamal Khashoggi.

De plus, le président Trump s'exposera certainement à de nombreuses réactions de la part de la communauté internationale, notamment de ses alliés européens comme l'Allemagne et la France. Cet incident isolera davantage les États-Unis, après une série de politiques controversées au Moyen-Orient, telles que le retrait de l'accord sur le nucléaire iranien ou le transfert de l'ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.

De toute évidence, les avantages ne sont pas négligeables, tout comme les conséquences, lorsque le président Trump est déterminé à soutenir l'Arabie saoudite. Le problème réside désormais dans la capacité de M. Trump à faire pression sur l'Arabie saoudite pour qu'elle modifie sa politique et son attitude dans un sens plus modéré à l'avenir. Cela permettra aux États-Unis de tirer des avantages économiques de l'Arabie saoudite tout en apaisant l'opinion publique, tant nationale qu'internationale, qui ne fermera pas les yeux sur cet incident choquant !