La vérité sur le voyage du groupe de porte-avions américains vers la Corée du Nord

Alors que Trump menace d’utiliser la force contre la Corée du Nord, le groupe aéronaval américain se déplace dans la direction opposée.

Le porte-avions USS Carl Vinson a traversé l'Indonésie le 15 avril. Photo : US Navy

Il y a une semaine, alors que les services de renseignement américains affirmaient qu'il y avait des signes indiquant que la Corée du Nord était prête pour son sixième essai nucléaire, la Maison Blanche a annoncé qu'un groupe d'attaque de porte-avions américain avait reçu l'ordre de se dérouter vers la mer du Japon au lieu de l'Australie comme prévu.

Des responsables de la Maison Blanche ont déclaré qu'ordonner au groupe aéronaval USS Carl Vinson de se rapprocher de la Corée du Nord enverrait un signal dissuasif fort à Pyongyang, offrant au président Donald Trump davantage de moyens pour faire face aux provocations de la Corée du Nord. « Nous envoyons une flotte très puissante », a déclaré M. Trump à Fox News dans l'après-midi du 11 avril.

Le problème était qu'à ce moment-là, le porte-avions USS Carl Vinson et ses trois navires d'escorte se déplaçaient dans la direction opposée pour participer à un exercice conjoint avec la marine australienne dans l'océan Indien, à plus de 5 600 km au sud-ouest de la péninsule coréenne., selonNYTimes.

Mais à cette époque, plusieurs journaux du monde entier citaient M. Trump et le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, au sujet d'un groupe de porte-avions « approchant » la Corée du Nord. Ces nouvelles continues donnaient au public le sentiment que cette puissante flotte navale se trouvait aux portes de la Corée du Nord, faisant craindre que M. Trump envisage une frappe préventive contre les dirigeants de Pyongyang et ses installations nucléaires.

Le groupe aéronaval a également été perçu comme une preuve de l'approche brutale de Trump pour résoudre les problèmes, puisqu'il avait ordonné des frappes de missiles de croisière sur la Syrie quelques jours plus tôt. Le monde semblait retenir son souffle, attendant le risque d'un conflit armé en Asie de l'Est, tandis que les États-Unis semblaient concentrer leurs forces pour assiéger la Corée du Nord. Tous ont poussé un soupir de soulagement lorsque Pyongyang a décidé de ne pas procéder à un essai nucléaire le 15 avril, le « Jour du Soleil ».

Cependant, le 17 avril, la marine américaine a soudainement publié sur son site web une photo du Carl Vinson traversant le détroit de la Sonde, situé entre les îles indonésiennes de Java et de Sumatra, à des milliers de kilomètres de la Corée du Nord. Cette photo a été prise le 15 avril, quatre jours seulement après que le porte-parole de la Maison Blanche, Spicer, eut décrit la mission du groupe aéronaval en mer du Japon visant à « dissuader la Corée du Nord ».

Defense News a découvert cette photo et publié l'information, provoquant la stupeur du public lorsqu'il a découvert que le groupe aéronaval américain était encore trop loin de la zone où il pourrait menacer la Corée du Nord. Cette information montre également que la déclaration de la Maison Blanche est très éloignée de la réalité.

Le Carl Vinson a traversé l'Indonésie le 15 avril, jour où la Corée du Nord organisait un grand défilé militaire. Illustration : NYTimes

En réponse aux demandes de vérification de la presse, des responsables de la Maison-Blanche ont expliqué hier qu'ils se basaient uniquement sur les rapports fournis par le ministère de la Défense. Ils ont également tenté de justifier la différence entre leurs déclarations et les opérations réelles du Carl Vinson, affirmant qu'il s'agissait d'une série d'erreurs de la part de l'armée, et ont demandé aux journalistes de rencontrer des représentants du Pentagone.

La Maison Blanche a imputé au Pentagone de multiples erreurs dans l’incident, du mauvais timing du déploiement du porte-avions par le Commandement du Pacifique à l’explication inadéquate du secrétaire à la Défense James Mattis, qui ont tous créé un faux récit selon lequel une armada se dirigeait à toute vitesse vers les eaux au large de la Corée du Nord.

Tout a commencé le 9 avril, lorsque la Troisième Flotte de l'US Navy a publié un communiqué de presse annonçant que l'amiral Harry Harris, commandant de la Flotte du Pacifique, avait ordonné au porte-avions Carl Vinson et à son escorte, composée de deux destroyers et d'un croiseur, de quitter Singapour et de se diriger vers le Pacifique occidental. Comme à l'accoutumée, l'US Navy ne divulgue ni la destination ni la mission exactes d'un groupe aéronaval afin de préserver le secret militaire.

Ce communiqué de presse a été publié au moment même où M. Trump venait de conclure un sommet avec le président chinois Xi Jinping dans une station balnéaire de Floride, avec un message important selon lequel les États-Unis avaient perdu patience avec la Corée du Nord et que si Pékin n'intervenait pas pour stopper les ambitions nucléaires de Pyongyang, Washington « s'en occuperait » lui-même.

Soudain, le déplacement du groupe aéronaval Carl Vinson est devenu une confirmation des déclarations de Trump. Le même jour, le général H.R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale de Trump, a déclaré que le déploiement de ce porte-avions était une décision « intelligente », visant à donner au président « davantage d'options » pour éliminer la menace nord-coréenne.

Le groupe d'attaque du porte-avions USS Carl Vinson se déplace en mer

Cependant, la marine américaine n'a pas précisé que le Carl Vinson avait une autre mission avant de mettre le cap vers le nord : un exercice conjoint, planifié de longue date avec la marine australienne, dans l'océan Indien. La Maison-Blanche semblait également ignorer ce plan, ce qui a conduit beaucoup à croire à tort que le Carl Vinson se dirigeait « à toute vitesse » vers la Corée du Nord.

S'adressant au NYTimes, de nombreux responsables de la Maison Blanche ont exprimé leur colère face à l'échec du Pentagone à corriger rapidement les informations sur le calendrier d'exploitation du Carl Vinson, en particulier dans le contexte de tensions croissantes dans la région, ainsi qu'au fait que de hauts responsables de l'administration Trump ont fait des déclarations officielles sur son itinéraire.

Le Carl Vinson est enfin en route vers la péninsule coréenne et devrait arriver la semaine prochaine. « Les menaces proférées par Trump et d'autres responsables américains contre la Corée du Nord, fondées sur des informations inexactes, sont non seulement inefficaces, mais aussi préjudiciables aux États-Unis. La Maison-Blanche doit modérer son discours et intensifier ses efforts de vérification des faits », a commenté un lecteur du NYTimes, qui a reçu les réactions les plus positives.

Le duel entre les États-Unis et la Corée du Nord. Cliquez pour plus de détails. Illustration : Viet Chung

Selon VNE