La vision japonaise d'un ordre de sécurité en Asie de l'Est
(Baonghean.vn) – L’ordre régional en Asie de l’Est est en constante évolution. Le déclin relatif de la puissance américaine en Asie a engendré de nouveaux défis. Les principes, les réglementations, les pratiques et les méthodes de gestion de l’agenda international soulèvent de nombreuses questions.
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| L'amiral Harry B. Harris Jr., commandant des forces américaines dans le Pacifique, s'entretient avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe lors d'une réunion au bureau du Premier ministre le 16 février. Photo : AP. |
L'avenir de la région dépendra de la volonté des États-Unis de maintenir un rôle actif en Asie de l'Est, ainsi que des positions de la Chine et d'organisations clés comme l'ASEAN. La manière dont les principaux acteurs réagiront à l'évolution du contexte sécuritaire sera déterminante pour l'avenir de l'ordre sécuritaire en Asie de l'Est.
Quelles sont donc les conséquences pour le Japon ?
Le Japon est actuellement le plus fervent défenseur de l'ordre régional sous l'égide des États-Unis, tant sur le plan sécuritaire qu'économique. Après le bref mandat de l'ancien Premier ministre Yukio Hatoyama (septembre 2009-juin 2010), le Japon a renoncé à son ambition d'être l'« architecte » de cet ordre. Le pays s'est alors concentré sur l'intégration de sa politique asiatique à sa relation bilatérale avec les États-Unis.
Le Japon n'a pas toujours adhéré à la primauté des États-Unis en Asie. Par le passé, il a mis l'accent sur le rôle des organisations régionales, notamment sur des mécanismes tels que l'ASEAN+3 et l'ASEAN+6. Il a également mené une diplomatie bilatérale active avec les pays d'Asie du Sud-Est dans le cadre de la doctrine Fukuda, introduite en 1977 et axée sur l'établissement de relations pacifiques et de coopération avec les membres de l'ASEAN.
Mais au cours de la dernière décennie, les responsables de la politique étrangère japonaise ont de plus en plus envisagé les relations de leur pays avec l'Asie du Sud-Est à travers le prisme de l'alliance avec les États-Unis. Quel que soit le parti au pouvoir, la politique étrangère du Japon vise clairement à renforcer le leadership américain dans la région.
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| Le Japon s'attache à bâtir des relations pacifiques et coopératives avec les membres de l'ASEAN. Photo : Internet. |
En soutien à l'alliance avec les États-Unis, le Japon a renforcé sa coopération en matière de sécurité avec la plupart des pays de l'ASEAN, améliorant sensiblement ses relations bilatérales et intensifiant les échanges dans le domaine de la défense. Sa position sur les négociations transpacifiques – prioritaires par rapport à ses autres partenariats économiques régionaux – témoigne également de son engagement ferme à garantir la poursuite de l'implication américaine dans la région. Les décideurs japonais estiment qu'un renforcement de la présence américaine dans la région leur apportera des avantages stratégiques supplémentaires. Cette vision est peut-être plus profondément ancrée au Japon qu'ailleurs, y compris en Australie ou même aux États-Unis.
En avril 2015, le Japon et les États-Unis ont publié une déclaration conjointe et actualisé leurs directives relatives à la coopération nippo-américaine en matière de défense, insistant sur la coopération bilatérale et trilatérale dans le renforcement des capacités de sécurité des pays d'Asie du Sud-Est. L'administration Abe a également approfondi avec succès la coopération en matière de sécurité entre les États-Unis et l'Inde, notamment dans les domaines de la défense et du nucléaire civil, illustrant ainsi la « sécurisation » de la diplomatie japonaise en Asie.
Les actions du Japon visent à compléter le prétendu « pivot » ou « rééquilibrage » vers l’Asie opéré par les États-Unis, mais le changement de politique japonaise est en réalité antérieur à la stratégie de pivot américaine. Les premiers signes de cette nouvelle orientation de politique étrangère sont apparus durant le premier mandat de M. Abe, en 2006-2007.
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| L’administration Abe a également réussi à approfondir la coopération sécuritaire entre les États-Unis et l’Inde. Photo : Internet. |
Des tensions persistent entre les approches américaine et japonaise en matière de sécurité en Asie de l'Est. Le Japon s'est montré plus affirmé que ses partenaires, soucieux de contrer l'influence croissante de la Chine et de relever les défis maritimes par le biais de mécanismes fondés sur des règles. Cette position découle de la perception qu'a le Japon de la Chine, perception qui a évolué avec l'essor de son influence politique et les crises liées au différend territorial autour des îles Senkaku/Diaoyu.
Certains aspects de la diplomatie japonaise traditionnelle en Asie subsistent dans les relations bilatérales, mais au cours de la dernière décennie, le pays s'est principalement concentré sur la sécurité. L'importance des préoccupations sécuritaires dans sa politique étrangère a conduit les diplomates japonais à plaider pour une position commune avec l'ASEAN sur les différends maritimes avec la Chine.
Le rôle tant attendu de l'ASEAN dans la vision de la politique étrangère japonaise demeure globalement inchangé. Le Japon souhaite encourager l'ASEAN à se renforcer et à promouvoir la construction d'une communauté commune. Même en dehors des cercles dirigeants, de nombreux experts japonais continuent d'accorder une grande importance au rôle de l'ASEAN dans l'architecture régionale.
Tant que la majorité des pays de l'ASEAN résisteront aux pressions extérieures de toute tierce partie, la promotion de l'ASEAN sera bénéfique au Japon. En effet, l'ASEAN peut aider le Japon à promouvoir le régionalisme tout en poursuivant des mécanismes économiques et de sécurité incluant les États-Unis.
La décision du Japon montre que, dans son réajustement stratégique, le maintien de l'influence américaine est essentiel à la préservation de l'ordre régional. Tokyo reconnaît que sa seule puissance ne suffit pas à façonner cet ordre et doit donc nouer des alliances avec des partenaires régionaux partageant des objectifs politiques similaires, comme l'Australie.
La diplomatie japonaise envers l’Asie de l’Est a connu une transformation profonde. La vision stratégique qui sous-tend l’alliance nippo-américaine s’est étendue à l’ensemble de la diplomatie de Tokyo envers l’Asie de l’Est. Cette extension de la logique de l’alliance nippo-américaine a, de fait, nui à la capacité du Japon de promouvoir un ordre régional véritablement inclusif. Il est temps que sa politique étrangère embrasse les avantages d’un multilatéralisme global.
Thu Giang
(Selon EAF)
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