Médias - Massacre de Paris et 2 000 morts au Nigéria
Alors que le monde se concentre sur le massacre de Paris, qui a fait 12 morts, les attentats qui ont tué plus de 2 000 personnes au Nigeria sont oubliés par les médias internationaux.
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Selon Sputnik, les informations relatives à l'attaque contre les bureaux du magazine Charlie Hebdo et un supermarché en France du 7 au 10 janvier semblent avoir complètement éclipsé l'horrible massacre de la ville de Baga, au nord du Nigeria, qui a coûté la vie à plus de 2 000 personnes aux hommes armés de Boko Haram.
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Des étudiants tués après une attaque contre un collège agricole à Gujba, au Nigeria, par des hommes armés de Boko Haram. |
Boko Haram est un groupe militant islamiste fondé et opérant comme une organisation terroriste au Nigéria. Idéologiquement hostiles à l'Occident, les rebelles de Boko Haram démontrent souvent leur puissance par des enlèvements, des meurtres et des attentats à la bombe contre des écoles et des églises. Boko Haram ambitionne même d'établir un État islamique au Nigéria. Le développement de plus en plus complexe et audacieux de la force islamiste de Boko Haram a eu un impact négatif sur le système de sécurité nigérian.
Plus de 2 000 vies oubliées
La « partialité » dans la diffusion des informations sur les attaques terroristes entre les pays a suscité un débat dans les médias sur le « poids » des différents flux d’informations.
Le premier facteur à mentionner est le système de couverture médiatique. Paris est une ville internationale, où des milliers de reporters et des caméras surveillent en permanence l'actualité, permettant ainsi de transmettre et de mettre à jour facilement toute information fluctuante à tout moment.
Baga, en revanche, est une ville isolée du nord-est du Nigeria. Contrairement à Paris, Baga est une ville instable et dangereuse pour les journalistes. Les militants de Boko Haram sont libres d'attaquer Baga à tout moment, tandis que l'armée nigériane tente toujours de reprendre le contrôle de la zone.
Même le journal israélien Haaretz a un jour appelé le monde à faire preuve de plus de compassion envers les victimes des attentats terroristes au Nigeria. Pourtant, en réalité, même la campagne « Ramenez nos filles » lancée par le Nigeria a été un échec cuisant. Cette campagne a été lancée après l'enlèvement, dans la nuit du 14 avril 2014, de plus de 270 écolières de l'école de Chibok, dans le nord-est du Nigeria, par des hommes armés de Boko Haram.
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La campagne « Ramenez nos filles » a été lancée au Nigeria après que des hommes armés de Boko Haram ont enlevé plus de 270 écolières. |
Malgré l'aide militaire des États-Unis, le gouvernement nigérian n'a pas réussi à résoudre les problèmes liés au groupe terroriste Boko Haram. Cette incapacité s'explique notamment par la corruption et les violations des droits humains qui sévissent dans le pays.
Les critiques à l’encontre du gouvernement nigérian ont été formulées à plusieurs reprises dans les éditoriaux du Guardian, de nombreux Nigérians affirmant que le gouvernement n’a pas suffisamment couvert les massacres.
Le Sydney Morning Herald a également rapporté que le président nigérian a envoyé ses condoléances aux victimes de l'attaque contre le bureau du journal Charlie Hebdo à Paris, mais n'a pas mentionné les citoyens nigérians tués aux mains de l'organisation terroriste Boko Haram.
Motif politique
Il est toutefois injuste de reprocher au gouvernement nigérian de ne pas avoir attiré l'attention de la communauté internationale sur les problèmes auxquels il est confronté. La différence entre le fait d'évoquer le massacre de Paris et le Nigéria tient à un facteur essentiel : la motivation politique.
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Les Parisiens se sont rassemblés pour manifester après le massacre du siège du magazine Charlie Hebdo le 7 janvier. |
Comme l'a souligné CNN, l'accent mis sur l'attaque contre les bureaux du journal Charlie Hebdo et la marche exprimant l'esprit d'unité nationale ont permis au président Hollande de retrouver son avantage politique. Avant l'attaque, M. Hollande ne bénéficiait que de 13 % du soutien populaire. De plus, cela a eu pour effet de « détrôner » l'influence de Marine Le Pen, présidente du Front national (FN), parti d'extrême droite à l'idéologie xénophobe. Le FN s'est concentré uniquement sur l'unité du pays et a oublié les désaccords au sein de la société française. C'est la principale raison pour laquelle des extrémistes armés ont organisé des attaques.
Contrairement à la France, le Nigéria est confronté au défi de réprimer le groupe terroriste islamiste Boko Haram. Selon le Wall Street Journal, le sentiment anti-islamique s'intensifie sous la direction de l'actuel président Goodluck Jonathan, en raison de sa religion chrétienne.
Cependant, la négligence des médias internationaux face à la tragédie nigériane et à la menace posée par Boko Haram demeure condamnable. Après avoir constaté l'élan de soutien et d'unité nationale en France suite à l'attentat terroriste du 7 janvier, l'archevêque Ignatius Kaigama, du diocèse de Jos au Nigeria, a déclaré à la BBC World Service : « Nous devons reproduire cet esprit d'unité. Il ne doit pas se limiter aux attentats en Europe, mais pas au Nigeria, au Niger ou au Cameroun. »
L'impact des médias sociaux
Le dernier point à prendre en compte lorsqu'on aborde la question des biais médiatiques est l'omniprésence des réseaux sociaux. Selon CNN, la campagne française « Je suis Charlie » a connecté des personnes du monde entier et leur a permis de suivre facilement les événements sur leurs téléphones portables et leurs tablettes.
En revanche, les villes reculées du Nigeria n'ont pas accès à internet via les téléphones portables. De ce fait, la campagne « BringBackOurGirls » a été un échec. Les jeunes filles kidnappées n'ont pas été secourues et sont désormais aux mains de Boko Haram.
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La campagne « Je suis Charlie » a suscité l'intérêt de nombreux citoyens et responsables politiques du monde entier. Photo : AP |
En bref, les obstacles à l’accès des journalistes à l’information et l’absence de réseaux sociaux ont fait que le massacre qui a fait plus de 2 000 morts au Nigeria a été complètement éclipsé par l’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo à Paris.
La couverture médiatique massive des attentats de Paris a valu à la France le soutien et la sympathie de la communauté internationale, tandis que l'administration du président Hollande a pris l'avantage sur l'opposition dans l'opinion publique nationale. Parallèlement, le manque d'information sur le chaos et la violence au Nigeria a conduit beaucoup à croire qu'il s'agit d'une guerre menée au profit du président nigérian.
Selon Infonet