Général Cuong : Les relations russo-américaines passent de la confrontation (absence de dialogue) à la confrontation (dialogue).

Les deux dirigeants se sont serré la main lors de la conférence de presse. M. Trump a continué à tapoter l'épaule de son partenaire, comme à son habitude. Source : Getty Images

PV :Général de division, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le président américain Donald Trump a proposé de rencontrer le président russe Vladimir Poutine à ce moment précis ?

Général de division Le Van Cuong :Bien que les relations américano-russes soient au plus bas depuis 1945, les deux pays se considérant même comme ennemis, ils doivent néanmoins se rencontrer. En effet, pour garantir la sécurité et les intérêts des États-Unis, le président américain est contraint de rencontrer son homologue russe. Réciproquement, afin de protéger ses intérêts et sa sécurité nationale, le président Poutine est également disposé à rencontrer son homologue américain. C'est là la raison principale. Force est de constater que, dans le monde actuel, seule la Russie exerce une influence aussi directe et déterminante sur la sécurité nationale des États-Unis. Ce pays, superpuissance nucléaire, possède une force militaire bien supérieure à celle de la Chine et a la capacité de mettre les États-Unis en danger.

Pour les grands enjeux mondiaux tels que l'interdiction de la prolifération des armes de masse, la guerre en Syrie, la Corée du Nord, les relations entre la Russie et l'Europe, les États-Unis ont besoin de la coopération de la Russie, faute de quoi ils ne pourront certainement pas les résoudre. Réciproquement, la Russie a également besoin de coopérer avec les États-Unis, car seule une relation apaisée entre les deux pays permettra de créer des conditions favorables à leur développement. C'est pourquoi, malgré leurs divergences, les deux pays doivent se rencontrer.

PV :Comment le général de division évalue-t-il les résultats du sommet entre Donald Trump et Poutine ?

Général de division Le Van Cuong :Rappelons qu'avant la rencontre du 16 juillet, les présidents Vladimir Poutine et Donald Trump estimaient tous deux qu'il serait difficile de parvenir à une avancée significative. Or, dans les faits, l'évolution de la situation a été différente des prévisions.

La voiture transportant le président américain Donald Trump et la Première dame Melania en route vers le palais. Source : EPA

Lors du sommet d'Helsinki, en Finlande, la liste des sujets abordés par le président Donald Trump et le président Poutine comprenait dix points, parmi lesquels : l'annexion de la Crimée par la Russie et le conflit dans l'est de l'Ukraine ; la recherche d'une solution politique pour mettre fin au conflit syrien qui dure depuis sept ans ; le programme nucléaire iranien et le maintien de l'accord P5+1 ; le programme d'armement nucléaire et de missiles balistiques de la Corée du Nord ; l'accord de réduction des armements offensifs stratégiques, qui expire ou entre en vigueur en février 2021 ; les questions de sécurité européenne et les relations entre l'OTAN et la Russie ; l'interdiction des armes de destruction massive ; l'énergie, notamment la question de la gestion de l'utilisation de l'Arctique et de l'Antarctique ; les relations bilatérales entre la Russie et les États-Unis, y compris la question de l'ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine de fin 2016 ; la cybersécurité et la lutte contre le terrorisme.

Troupes russes stationnées en Syrie. Photo d'illustration

Bien que de nombreux sujets soient en jeu, il me semble que le président Donald Trump cherche avant tout à persuader le président Poutine de faire des concessions et de mieux coopérer avec les États-Unis pour mettre fin au conflit en Syrie et au programme nucléaire iranien. Par ailleurs, Donald Trump espère également se servir du président Poutine pour inciter l'Iran à retirer ses troupes de Syrie par tous les moyens.

Lors d'une conférence de presse conjointe tenue à l'issue des pourparlers élargis, le président Poutine a déclaré que les deux parties avaient examiné l'état actuel des relations bilatérales et estimé que les discussions, menées dans un esprit de franchise et d'ouverture, avaient été fructueuses et positives, marquant ainsi les premiers pas vers une amélioration des relations bilatérales. Les deux parties ont convenu de créer un Conseil d'experts conjoint chargé de trouver des solutions aux problèmes existants dans leurs relations bilatérales.

Les dirigeants des deux pays se sont déclarés satisfaits des résultats de la réunion. Source : Reuters

Dans le même temps, les deux dirigeants ont également dégagé une vision commune pour trouver des solutions politiques aux questions brûlantes de la politique internationale, telles que la crise en Ukraine, la guerre en Syrie, le dossier nucléaire iranien et la situation dans la péninsule coréenne. Par ailleurs, la question qui préoccupe le plus la communauté internationale est celle de l'ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine de fin 2016. Lors de leur rencontre, les deux dirigeants n'ont pas éludé ce sujet. M. Trump n'a pas accusé le président Poutine. Ce dernier a affirmé que la Russie n'était pas intervenue dans le processus électoral américain et s'est dit prêt à coopérer au sein de groupes de travail conjoints sur la cybersécurité.

On peut dire que le récent sommet n'a pas permis de percée décisive, mais qu'il a ouvert une nouvelle phase dans les relations américano-russes, passant d'une confrontation non dialogique à une confrontation dialogique.

PV :Général de division, pourquoi n'y a-t-il pas eu de déclaration conjointe lors de la rencontre entre les présidents russe et américain ?

Général de division Le Van Cuong :À mon avis, la première raison est que, lors de cette réunion, les deux parties n'ont soulevé que des points à discuter ; il y avait un certain nombre de questions sur lesquelles elles ont convenu de coopérer, ce qui a rendu difficile la publication d'une déclaration commune.

Des délégations russes et américaines ont participé à un déjeuner de travail au palais présidentiel finlandais. Source : Getty Images

Deuxièmement, la situation intérieure américaine est trop complexe et des voix s'élèvent contre la rencontre entre les deux dirigeants. Par ailleurs, l'OTAN est préoccupée : la Corée du Nord n'est qu'un problème régional, tandis que la Russie est un enjeu mondial ayant un impact considérable sur les États-Unis. C'est pourquoi M. Trump ne se précipite pas pour faire des déclarations hâtives. Car toute précipitation de sa part risquerait de compromettre la carrière politique du 45e président des États-Unis.

Sommet entre le président Donald Trump et le président Poutine

PV :Monsieur le Général de Division, quel impact le sommet entre le président Donald Trump et le président Poutine a-t-il sur le Vietnam ?

Général de division Le Van Cuong :La rencontre entre le président américain et le président russe a des répercussions considérables sur le Vietnam. La Russie est un partenaire stratégique global du Vietnam, tout comme les États-Unis. Les tensions et la confrontation entre les États-Unis et la Russie sont extrêmement défavorables au Vietnam et nous placent dans une situation délicate dans nos relations avec ces deux pays, et ce, à tous les niveaux.

Par conséquent, lorsque les États-Unis et la Russie auront apaisé les tensions et entamé un dialogue à l'issue de cette rencontre, je suis convaincu que cela aura un impact très positif, créant un espace de dialogue plus ouvert pour le Vietnam en matière de politique étrangère, notamment sur les plans économique, politique, de défense et de sécurité, avec la Russie, son partenaire stratégique global, et les États-Unis, son partenaire global. Il s'agit là également d'un impact positif de cette rencontre sur le monde et la région.

PV :Merci beaucoup, Général de division !