La déclaration audacieuse de la sœur de Kim Jong-un laisse-t-elle présager de mauvaises nouvelles pour les relations intercoréennes ?

Kim Yo-jong à l'aéroport international de Pyongyang en septembre 2018. Photo : Yonhap

Selon l'analyse des experts, la déclaration de Kim Yo-jong - qui occupe actuellement le poste de première directrice adjointe du Comité central du Parti des travailleurs de Corée - pourrait également indiquer que la perspective d'une percée dans les relations intercoréennes actuellement stagnantes reste sombre.

Plus tôt, dans la nuit du 3 mars, Mme Kim Yo-jong a publié sa première déclaration officielle, condamnant fermement le bureau présidentiel sud-coréen (Maison Bleue) pour s'être plaint des récents lancements de projectiles à courte portée de la Corée du Nord, affirmant qu'il ne s'agissait que d'actes de légitime défense.

Elle n'a pas directement critiqué le président sud-coréen Moon Jae-in, mais a vivement critiqué et méprisé le comportement « inconscient » et « stupide » de la Maison Bleue, affirmant que la Corée du Sud exigeait la fin de l'entraînement de routine de la Corée du Nord tout en faisant pression pour ses propres exercices militaires avec les États-Unis.

Le 2 mars, la Corée du Nord a tiré deux projectiles, vraisemblablement des missiles balistiques à courte portée, son premier tir de ce type en trois mois. Les médias nord-coréens ont ensuite affirmé qu'il s'agissait d'un exercice d'artillerie à longue portée supervisé par le dirigeant Kim Jong-un.

La Maison Bleue a immédiatement convoqué une réunion des ministres chargés de la sécurité, exprimant ses profonds regrets face aux récents tirs et exhortant Pyongyang à mettre fin à ces actions qui aggravent les tensions. « La Corée du Nord semble en colère contre ce qu'elle considère comme une réponse automatique de la Maison Bleue et son exigence d'arrêter les exercices, malgré les exercices défensifs de la Corée du Sud, qui ont été réduits en raison des inquiétudes liées au coronavirus », a déclaré Lim Eul-chul, professeur à l'Institut d'études extrême-orientales de l'Université Kyungnam. « La déclaration initiale de Kim Yo-jong, membre de la famille Kim, doit également être interprétée comme la plus vive plainte et les plus profonds regrets du dirigeant Kim Jong-un envers le gouvernement sud-coréen. »

Les lancements du 3 mars ont marqué la première fois que la Corée du Nord a tiré de tels objets depuis que le dirigeant Kim Jong-un a menacé plus tôt cette année de montrer une « nouvelle arme stratégique » et une « action réelle choquante » dans un avenir proche, affirmant qu'il ne se sentait pas lié par son moratoire auto-imposé sur les tests de missiles balistiques à longue portée et d'engins nucléaires.

Cette évolution intervient malgré le report par la Corée du Sud et les États-Unis de leurs exercices d'entraînement conjoints de printemps en raison des craintes croissantes liées au coronavirus. Kim Yo-jong a souligné que ce report était dû aux inquiétudes liées au virus, et non à un geste de paix.

La Corée du Nord a procédé à 13 essais d'armes majeurs l'année dernière, mais est restée relativement discrète sur ses opérations militaires ces derniers mois dans le contexte de l'épidémie mondiale de Covid-19. La Corée du Nord n'a pas divulgué les détails de l'arme testée cette semaine, mais des photos publiées par les médias nord-coréens montrent une roquette semblant avoir été tirée par un lance-roquettes multiple de très grande taille, similaire à ceux testés l'année dernière.

Mme Kim a accueilli le président sud-coréen au village de la trêve de Panmunjom en mai 2018, avant le deuxième sommet intercoréen. Photo : Yonhap

Hong Min, chercheur à l'Institut coréen pour l'unification nationale, a déclaré que la Corée du Nord semblait irritée par la réponse sensible de Séoul, même si les lancements du 2 mars faisaient partie d'un exercice saisonnier mais à échelle réduite.

« Il semble que la Corée du Nord ait procédé à des essais à échelle considérablement réduite », a-t-il déclaré. « Les projectiles, soupçonnés d'être des missiles, semblent avoir été tirés depuis un lance-roquettes multiple géant, dans la continuité des essais menés par le pays depuis septembre dernier, et aucune nouvelle arme n'a été annoncée. »

« Ce qui est intéressant, c'est la manière dont les médias nord-coréens ont rapporté ces lancements. Par le passé, ces reportages visaient la Corée du Sud et les États-Unis, mais cette fois, ils ont simplement donné une explication assez simple, comme la supervision et la satisfaction de Kim », a-t-il ajouté. Il a ajouté que, du point de vue de la Corée du Nord, la réponse de Séoul était totalement dénuée de sens.

Les experts estiment que la déclaration de Kim Yo-jong pourrait également révéler le mécontentement de longue date de la Corée du Nord à l'égard de ce qu'ils considèrent comme l'attitude passive de Séoul envers l'amélioration des relations intercoréennes par crainte de l'opposition de Washington.

Kim Yo-jong est une figure emblématique, étroitement liée au réchauffement des relations intercoréennes qui a conduit à trois sommets historiques entre son frère et le président Moon en 2018. Elle a également envoyé des condoléances et des fleurs lors du décès de la mère de Moon en octobre dernier.

Alors que les négociations sur la dénucléarisation sont dans l'impasse, les échanges intercoréens sont également au point mort, Pyongyang restant insensible aux offres de dialogue et de coopération de Séoul, notamment à ses efforts pour des voyages individuels en Corée du Nord et des efforts conjoints pour lutter contre le nouveau coronavirus.

Pyongyang a critiqué Séoul pour sa lenteur à mettre en œuvre les accords conclus par leurs dirigeants lors de trois sommets en 2018, craignant les objections de Washington. « Depuis 2018, les accords ont été peu appliqués… Aucun accord ni aucune proposition n'ayant été mis en œuvre, la colère de la Corée du Nord semble avoir débordé », a déclaré Hong. « Il ne s'agit pas d'une explosion de colère soudaine, mais plutôt de l'expression de sentiments profonds envers la Corée du Sud. »

M. Hong a noté que les dernières critiques de la Corée du Nord pourraient indiquer une impasse à long terme dans les relations transfrontalières entre les deux pays, car Pyongyang semble croire que la Corée du Sud n'est pas disposée à coopérer.