Le vaccin russe contre le Covid-19 met-il la pression sur la course à la présidence américaine de Trump ?

Lorsque le président russe Poutine a annoncé que la Russie avait enregistré le premier vaccin au monde contre le Covid-19, les experts de la santé aux États-Unis craignaient que le président Trump se sente obligé de rivaliser et de se précipiter pour annoncer le vaccin américain avant même que les essais ne soient terminés.

« Je suis sûre que Trump sera motivé à pousser la FDA à agir encore plus vite cette fois-ci. S'il estime que les tests sont à l'origine de l'augmentation des cas aux États-Unis, il pourrait croire que si un vaccin ou un médicament n'est pas testé, ce n'est pas un problème », a déclaré Margaret Hamburg, commissaire de la FDA sous la présidence de Barack Obama.

L’Amérique n’est pas dans une course pour gagner avec la Russie.

En réponse à la nouvelle selon laquelle la Russie avait approuvé le « premier vaccin au monde contre le Covid-19 », le secrétaire américain à la Santé et aux Services sociaux, Alex Azar, a déclaré le 12 août que le développement d’un vaccin contre le Covid-19 n’était pas une course pour voir qui gagnerait.

Il a souligné que deux des six vaccins contre la Covid-19 financés par le gouvernement américain sont entrés en phase 3 d'essais cliniques il y a quelques semaines, tandis que le vaccin russe vient tout juste d'entamer ce processus. Les données relatives aux essais initiaux en Russie n'ont pas non plus été divulguées.

Comparant l'opération Warp Speed, le programme de vaccination contre le Covid-19 du gouvernement américain, à la mission Apollo visant à envoyer des humains sur la Lune, M. Azar a déclaré que cette fois, la mission consistera à produire un vaccin sûr contre le Covid-19 d'ici la fin de cette année.

« Aucun vaccin dans les pays développés n'est jamais passé de la phase 1 à la phase 3 aussi rapidement que celui de Moderna », a déclaré Azar. « Les États-Unis se sont engagés à ce que tout vaccin autorisé à être distribué soit sûr, efficace et conforme aux normes de référence de la Food and Drug Administration (FDA). »

Lors d'une précédente conférence de presse, le président Trump avait également déclaré que son administration avait conclu un accord de plus de 1,5 milliard de dollars avec Moderna pour produire et distribuer 100 millions de doses du vaccin de la société dès qu'il serait approuvé.

Le vaccin à ARNm-1273, développé par Moderna en collaboration avec le gouvernement américain, est actuellement en phase d'essais cliniques. S'il franchit les étapes, le gouvernement pourrait acheter jusqu'à 400 millions de doses supplémentaires.

David J. Kramer, spécialiste des études russes à l'Université internationale de Floride et ancien secrétaire d'État adjoint sous le président George W. Bush, a déclaré qu'en plus du contrôle des armements, la lutte contre le Covid-19 sera un problème sur lequel les États-Unis et la Russie devront coopérer, et non un facteur de concurrence.

Cependant, selon CNN, aux États-Unis, Moderna est l'une des entreprises qui produisent des vaccins de manière « imprudente », ce qui signifie que l'entreprise produit déjà le vaccin contre le Covid-19 avant qu'il ne soit approuvé.

La pression de concourir pour une « victoire politique »

Des scientifiques américains affirment que le vaccin russe, approuvé sans les tests approfondis habituellement exigés par les pays occidentaux, pourrait être efficace. Mais s'il ne l'est pas, la précipitation pourrait représenter un danger non seulement pour les Russes, mais aussi pour de nombreux autres, alors que M. Trump tente de rattraper rapidement son retard.

La recherche d'un vaccin contre le Covid-19 est sous pression pour s'accélérer alors que l'administration Trump cherche à développer un médicament pour lutter contre le virus SARS-CoV-2 qui a tué plus de 167 000 Américains (selon Worldometers dans l'après-midi du 12 août).

Les deux sociétés pharmaceutiques sont entrées dans la phase 3 des essais aux États-Unis, dernière étape des tests avant l'approbation en cas de succès. Cependant, les scientifiques craignent que les essais et le processus d'approbation soient raccourcis, M. Trump cherchant une « victoire politique » avant l'élection du 3 novembre.

La Maison Blanche a déclaré que ce sont les données, et non la politique, qui détermineront la décision d'approuver un vaccin, bien que M. Trump ait à plusieurs reprises lié l'opération Warp Speed, un programme d'approvisionnement en vaccins, au calendrier électoral. Il a également affirmé que les États-Unis pourraient disposer d'un vaccin d'ici le jour de l'élection (le 3 novembre 2020), même si les scientifiques estiment qu'il faudra attendre le début de l'année prochaine pour terminer les essais.

« Nous nous en sortons très bien dans tous les domaines, y compris celui du coronavirus. Mais je dois dire que nous approchons de la fin. Nous aurons un vaccin et il sera prêt. Nous sommes très proches d'un vaccin. Nous sommes prêts à le distribuer », a déclaré Trump lors d'une interview à la radio le 11 août.

Lors d'une conférence de presse plus tard dans la journée, le président n'a pas commenté les affirmations de la Russie, mais a parlé de « progrès énormes » dans un vaccin américain et a affirmé que les États-Unis étaient très proches d'approuver un vaccin.

« L’opération Warp Speed ​​​​est l’opération la plus avancée et la plus vaste au monde et dans l’histoire », a déclaré M. Trump.

Le président Poutine ne voit peut-être pas la nécessité d’attendre des tests approfondis en Russie – où les réglementations en matière de soins de santé sont probablement moins strictes qu’aux États-Unis – mais cela met M. Trump dans une position délicate.

Selon Monica Schoch-Spana, chercheuse principale au Centre Johns Hopkins pour la sécurité sanitaire, désirant personnellement une « victoire politique », le président Trump pourrait également vouloir une « victoire vaccinale » similaire à celle remportée par le président Poutine en Russie.