Pourquoi Xi Jinping et Kim Jong-un se rencontrent-ils à plusieurs reprises ?

Photo d'illustration : Reuters

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a effectué sa troisième visite en Chine à la mi-juin. Sa visite à Pékin, peu après son sommet avec les États-Unis à Singapour, n'a pas été une surprise : on s'attendait à ce que Kim informe Xi du récent sommet, et les deux parties souhaitaient définir leurs stratégies et orientations pour la période à venir.

Mais la prévisibilité de cette visite n'en diminue pas l'importance. Au contraire, elle permet à la Chine d'asseoir son influence en coulisses, de façonner son image sur la scène internationale et de consolider ses objectifs plus larges pour l'avenir de la péninsule coréenne et des relations sino-américaines.

Premièrement, la concurrence géopolitique plus large avec les États-Unis a été au cœur de la récente visite. Xi souhaitait sans doute envoyer un signal clair aux États-Unis : la Chine continue de jouer un rôle important dans l’orientation de Kim. Les médias chinois ont rapporté que le plan de double suspension de la Chine, qui prévoit l’arrêt des exercices militaires américains en échange d’un gel des essais nucléaires nord-coréens, a été approuvé à Singapour. Selon les médias chinois, cela démontre que Pékin est une « superpuissance responsable » et que les progrès sur la question nucléaire nord-coréenne « sont véritablement indissociables des efforts de la Chine ».

Deuxièmement, afin de promouvoir l'image d'une puissance régionale, les déclarations des responsables chinois ont pour effet de promouvoir une image de solidarité avec la Corée du Nord. Les déclarations faites après la rencontre ont souligné que les deux parties partageaient une « compréhension commune » sur « une série de questions d'intérêt commun, notamment les perspectives de dénucléarisation de la péninsule coréenne ». Les médias ont souligné que, malgré les hauts et les bas liés à la question nucléaire, les relations bilatérales sino-nord-coréennes étaient stables et en plein essor, et que ces relations bilatérales auraient un impact important sur l'environnement régional.

Poignée de main entre les dirigeants américain et nord-coréen lors du sommet du 12 juin à Singapour. Photo : USA Today

Enfin, la Chine souhaite consolider les progrès réalisés en vue de réduire la présence militaire américaine dans la péninsule coréenne. La suspension des exercices conjoints par les États-Unis n'est qu'une première étape. Pékin pourrait commencer à faire pression pour un traité de paix, ce qui pourrait remettre en cause la légitimité de la présence américaine continue dans la péninsule. La Chine pourrait même inciter Kim à évoquer le déploiement du système THAAD en Corée du Sud lors du prochain cycle de négociations, plaçant ainsi les États-Unis dans une position délicate.

Les États-Unis devraient s’opposer à de tels efforts, mais malheureusement, la principale préoccupation de Washington semble être que la Chine pourrait faire pression pour un allègement des sanctions contre la Corée du Nord ou que Pékin pourrait utiliser son rôle pour améliorer sa position dans les conflits commerciaux avec les États-Unis.

Cette inquiétude n'est pas totalement infondée, même si la Chine pourrait ne pas réagir initialement au régime de sanctions ni directement aux droits de douane. Mais la Chine finira par revenir à l'allègement des sanctions, car Pékin estime que les réformes internes de la Corée du Nord constituent la seule solution à long terme au problème nucléaire. Depuis des décennies, les dirigeants nord-coréens nourrissent l'espoir chinois que Pyongyang suive sa voie de réforme, déçus à chaque fois. Quelle qu'en soit la raison, les experts chinois estiment que cette fois-ci, Kim « souhaite apprendre à transformer un pays en développement en superpuissance mondiale ». Ils soulignent des signes tels que les visites de Kim à l'Académie chinoise des sciences agricoles et à la Beijing Infrastructure Investment Company lors de sa visite. Si Xi Jinping continue de croire que la Corée du Nord souhaite véritablement s'intégrer à l'Asie du Nord-Est, tant sur le plan diplomatique qu'économique, ce n'est qu'une question de temps avant que la Chine n'intensifie son soutien économique pour aider Pyongyang à atteindre ses objectifs.

En bref, cette visite démontre que la Chine a réussi à maintenir la proximité et l'engagement de la Corée du Nord, utilisant cette relation comme levier pour atteindre ses objectifs primordiaux au-delà de la dénucléarisation. Ces objectifs ne doivent pas nécessairement se faire au détriment des États-Unis : si la Chine parvient à pousser Kim sur la voie des réformes, cela pourrait signifier davantage de liberté et d'ouverture dans la société nord-coréenne. Mais si la Chine se méprend à nouveau sur les intentions de la Corée du Nord, l'octroi d'une aide économique pourrait compromettre la dynamique de dénucléarisation. Par ailleurs, les États-Unis devraient anticiper et se méfier d'autres initiatives chinoises appelant à une réduction des opérations et de la présence militaires américaines dans la péninsule coréenne.