L'ASEAN organise son premier exercice militaire conjoint : se préparer à répondre à une crise ?
(Baonghean.vn) - Selon le Dr Abdul Rahman Yaacob, expert à l'Institut Lowy, la participation de tous les membres de l'ASEAN à cet exercice conjoint est importante, d'autant plus que le bloc des pays d'Asie du Sud-Est n'est pas une alliance militaire.

Tous les membres participent
Le premier exercice militaire conjoint de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), baptisé « ASEAN Solidarity 2023 », vient de s'achever. Organisé du 19 au 23 septembre sous la présidence indonésienne, il s'agit du premier exercice militaire à l'échelle de l'ASEAN sans aucune participation extérieure.
Cet exercice, non combattant, comprend des opérations maritimes et terrestres liées à l'aide humanitaire et aux secours en cas de catastrophe, à la sécurité maritime, à la recherche et au sauvetage, à l'évacuation médicale et à la lutte contre la piraterie. Les dix États membres y participent, tandis que Brunei, l'Indonésie, la Malaisie et Singapour déploient des navires de guerre.
La participation de tous les membres de l'ASEAN est importante, d'autant plus que l'ASEAN n'est pas une alliance militaire. Selon CNA, un certain scepticisme a d'abord été exprimé quant à la tenue de l'exercice, le Cambodge ayant exprimé des inquiétudes quant au lieu proposé en mer de Chine méridionale. Finalement, l'Indonésie, en tant qu'hôte, a déplacé l'exercice à Batam et aux îles Natuna.
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les pays participent à des exercices militaires, notamment pour renforcer la confiance entre les forces militaires et accroître l’interopérabilité.

Signal aux puissances
À quoi sert l’exercice de solidarité de l’ASEAN 2023 ?
Premièrement, cet exercice pourrait être interprété comme un signal adressé aux grandes puissances indiquant que l'ASEAN a intérêt à sécuriser les zones maritimes de la région et qu'elle dispose des pouvoirs nécessaires pour le faire. Compte tenu des tensions entre la Chine et les États-Unis, les responsables de la défense de l'ASEAN craignent qu'un éventuel conflit militaire entre ces deux pays n'affecte les zones maritimes de la région.
De plus, cet exercice intervient à un moment où la Chine s’affirme de plus en plus en mer de Chine méridionale, en harcelant les activités maritimes de certains membres de l’ASEAN dans leurs zones économiques exclusives et en publiant une nouvelle carte revendiquant la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale comme sienne.
En fait, le choix initial de la mer de Chine méridionale pour l'exercice était un signal envoyé par l'Indonésie à la Chine indiquant que la revendication de Pékin sur l'ensemble de la mer de Chine méridionale était contestée.
Deuxièmement, cet exercice permet aux armées de l'ASEAN de renforcer la confiance mutuelle sans recourir à des forces extérieures. Cette confiance favorise une meilleure communication, essentielle si l'ASEAN souhaite exploiter la puissance militaire régionale pour résoudre rapidement une crise majeure.
Il existe actuellement plusieurs accords multilatéraux dans la région visant à renforcer la sécurité maritime. Parmi ceux-ci figurent des patrouilles coordonnées entre la Malaisie, l'Indonésie et les Philippines pour répondre aux problèmes de sécurité en mer de Sulu, ainsi que le Cadre de patrouille du détroit de Malacca impliquant l'Indonésie, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande pour garantir la sécurité des détroits de Malacca et de Singapour.
Toutefois, ces contenus sont limités à des zones géographiques spécifiques de la région et ne concernent pas tous les membres de l’ASEAN.

Troisièmement, l'exercice contribue au renforcement des capacités des marines de l'ASEAN. L'interopérabilité est essentielle à la conduite des missions humanitaires. L'accent mis sur les activités de sécurité non traditionnelles, telles que l'aide humanitaire, les secours en cas de catastrophe et les évacuations médicales, est pertinent compte tenu de la fréquence des catastrophes naturelles en Asie du Sud-Est. En effet, plus de 50 % des décès dus à des catastrophes dans le monde ont eu lieu dans la région entre 2004 et 2014.
Par ailleurs, l'interopérabilité des forces militaires de l'ASEAN pour les missions d'évacuation humanitaire serait cruciale en cas d'urgence à Taïwan. Plus de 730 000 ressortissants de l'ASEAN travaillent à Taïwan et leur évacuation vers un lieu sûr serait primordiale en cas de futur conflit militaire dans le détroit de Taïwan. Aucun membre de l'ASEAN ne dispose des capacités aériennes et maritimes nécessaires pour évacuer ses ressortissants de Taïwan. Une mission humanitaire conjointe de l'ASEAN pourrait s'avérer nécessaire. Par conséquent, l'exercice de solidarité ASEAN 2023 pourrait servir de plateforme pour préparer l'ASEAN à de telles missions conjointes.
La question de savoir si cet exercice constitue un moyen réaliste de se préparer à une éventualité future dépend de deux questions : se poursuivra-t-il sur le long terme, même en cas de changement de présidence de l’ASEAN ? Et, si oui, les membres accepteront-ils d’élargir l’ampleur et la portée des futurs exercices pour s’adapter à l’évolution des menaces sécuritaires ?
Ce sont les questions auxquelles l’ASEAN doit trouver des réponses une fois que la « chaleur » de l’exercice de solidarité de l’ASEAN 2023 se sera progressivement apaisée.