La politique canadienne et la fuite intempestive d'une photo
(Baonghean) - En milieu de semaine, le magazine Time a publié une photo prise en 2001, dont le personnage principal est l'actuel Premier ministre canadien Justin Trudeau. L'enseignant de 29 ans, Trudeau, était alors déguisé en homme noir lors d'une soirée sur le thème des « Mille et Une Nuits ».
Cette affaire apparemment anodine peut néanmoins être exagérée, car cette photo sensible est apparue à un moment tout aussi sensible, alors qu’un dirigeant connu pour son soutien au multiculturalisme et à la multiethnicité lutte pour surmonter les vagues et maintenir son avenir politique.
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M. Trudeau sur une photo récente, « déterrée ». Photo : Times |
La photo a été « déterrée »
Tout le monde a connu une période de jeunesse marquée par des actions impulsives et irréfléchies, mais peut-être que peu de gens ont eu à goûter au « fruit amer » comme le Premier ministre du « pays de la feuille d'érable » ces derniers jours, lorsque sa photo d'il y a 18 ans a été soudainement « déterrée » par les médias et diffusée à une vitesse vertigineuse.
Sur la photo de Trudeau figurant dans l'album de fin d'année de l'école privée où il enseignait le français, on le voit poser avec quatre femmes. Il est à noter que Trudeau est le seul à porter du maquillage noir sur la photo, et il semble avoir les deux bras autour de la femme debout à côté de lui. Après l'annonce de la nouvelle, le premier ministre canadien a immédiatement tenu une conférence de presse dans son avion, alors qu'il était en campagne électorale. Trudeau, le visage pâle, a déclaré être « désolé » et « en colère contre moi-même », et a confirmé que la femme sur la photo était une « amie proche ».
L'histoire ne s'arrête pas là. Que ce soit planifié ou sous la pression de la presse, Trudeau a révélé qu'il s'était habillé de manière inappropriée à d'autres occasions, comme au lycée, où il s'était également maquillé en noir pour interpréter la chanson « Day O ». Selon Michael Bociurkiw, analyste des affaires internationales, cet « aveu » fera certainement sensation au sein des partis d'opposition et incitera les journalistes à approfondir le passé de Trudeau.
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Le Premier ministre canadien se trouve dans une situation délicate, alors qu'il ne reste qu'un mois aux électeurs pour se rendre aux urnes. Photo : AFP |
La photo blackface pourrait être perçue comme un coup dur pour la campagne de M. Trudeau, dans le contexte des élections générales d’octobre qui approchent à grands pas, surtout quand l’une des tactiques que cette équipe électorale utilise souvent est de déterrer sur les réseaux sociaux des informations compromettantes sur ses adversaires – dont la plupart sont jeunes et ont des « traces numériques » depuis leur naissance !
Cette stratégie a déjà fait dérailler plusieurs partis rivaux, forçant certains à démissionner pour des raisons raciales. Aujourd'hui, le recours à la tactique de « recherche sur l'opposition » pourrait exposer les libéraux du premier ministre Trudeau à des accusations de deux poids, deux mesures.
Selon CNN, l'incident récent a certainement contribué à renforcer l'image du Parti conservateur d'opposition selon laquelle M. Trudeau n'est pas le modèle de vertu progressiste que l'on croit. En effet, le fils de l'ancien premier ministre Pierre Trudeau cultive depuis longtemps l'image d'un défenseur des droits des minorités et du multiculturalisme.
Mais ses opposants affirment que l’homme politique qui a promis des « voies ensoleillées » lors de sa campagne de 2015 et de faire de la politique différemment n’est pas digne de confiance, surtout après avoir été récemment accusé d’avoir violé les directives sur les conflits d’intérêts.
Activer le mode « crise »
Cela dit, les élections canadiennes auront lieu le 21 octobre, et la course promet d'être serrée et tendue. Trudeau ne souhaite certainement pas être perçu comme un homme insensible ou hypocrite – un « escroc », comme l'a qualifié un grand magazine canadien plus tôt cette année.
À l'approche de la campagne électorale fédérale, ses adversaires l'ont critiqué pour son manque de sincérité, notamment après sa gestion de l'affaire SNC-Lavalin. Aujourd'hui, le dernier scandale a propulsé le chef sur le devant de la scène. Jagmeet Singh, du Nouveau Parti démocratique, a qualifié le comportement de Trudeau de « troublant » et « offensant ».
« La déclaration de Trudeau manquait de sincérité », a déclaré Rachel Curran, directrice des politiques de l'ancien premier ministre Stephen Harper. « Il a présenté des excuses très brèves, qui semblaient tout à fait écrites, et n'a fait aucune mention de l'impact de ses actions sur les communautés minoritaires. »
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Le colistier de Trudeau est Andrew Scheer, chef du Parti conservateur du Canada. Photo AFP. |
Le premier ministre Trudeau abordera probablement cet aspect dans les prochains jours : le risque de nuire aux communautés minoritaires, qui représentent une part importante de l’électorat dans les circonscriptions clés du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Il reste encore plus de 30 jours avant que les Canadiens se rendent aux urnes. Jusqu’à présent, les libéraux se sont concentrés sur l’amélioration de la vie de la classe moyenne du pays, et Trudeau a effectué une tournée nationale.
Ces derniers jours, le parti de Trudeau a été au bord d'un gouvernement minoritaire - perdant sa majorité actuelle au milieu de scandales allant de la découverte de la violation par Trudeau des règles de conflit d'intérêts dans une affaire criminelle impliquant la société SNC-Lavalin à sa visite d'État controversée en Inde en 2018. Il a également été attaqué pour avoir accumulé le déficit et ne pas avoir tenu ses promesses de campagne, comme sa promesse de réformer les lois électorales.
De nombreux analystes ont soulevé une grande question : pourquoi le Parti libéral a-t-il laissé la situation empirer à ce point ? Trudeau aurait pu atténuer l’impact du scandale des photos de blackface s’il l’avait rendu public lui-même, car ce politicien devait bien comprendre les conséquences auxquelles d’autres s’exposaient en commettant des erreurs similaires.
Bien sûr, ce qui semble être un scandale inimaginable aujourd'hui pourrait bien se transformer en un « petit lapin » demain. Mais pour l'instant, une chose est sûre : la campagne libérale au pays sera forcée d'adopter une stratégie qui n'intéresse aucune équipe de campagne : le mode crise.
Et Trudeau devra consacrer beaucoup d’efforts et de temps à expliquer et à s’excuser, dans l’espoir d’éviter à son gouvernement d’être jeté sur les bancs de l’opposition au Parlement !