Le jeu « risqué » aide les enfants à explorer leurs limites.
Lorsque les parents surprotègent leurs enfants, ces derniers n'ont pas l'occasion d'explorer leurs limites et d'apprendre à gérer les risques.
Mariana Brussoni, professeure agrégée à l'Université de Colombie-Britannique (Canada), partage sur The Conversation les bienfaits de laisser les enfants prendre des risques en jouant.
« Attention ! », « Ne grimpez pas trop haut ! », « Arrêtez-vous là ! »
Les parents inquiets ont souvent tendance à être trop zélés quant à la sécurité de leurs enfants lorsqu'ils jouent. Des recherches récentes suggèrent que cette surprotection dissuade les enfants de prendre des risques en extérieur. Or, lorsqu'ils prennent des risques, les enfants ressentent à la fois de l'appréhension et de l'excitation, et ils explorent leurs limites.
Grimper aux arbres, se promener dans le quartier avec des amis… il est prouvé que cela augmente l’activité physique, les compétences sociales, les aptitudes à gérer les risques, la flexibilité et la confiance en soi.
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Les parents doivent superviser les enfants, mais ne pas les empêcher d'explorer leurs propres limites. Photo :Maman effrayante |
Il est important que les parents et les professionnels n'aient pas à déterminer quels jeux à risque chaque enfant devrait pratiquer. Il faut plutôt laisser aux enfants l'espace physique et mental nécessaire pour découvrir par eux-mêmes le niveau de risque approprié : suffisamment stimulant pour susciter l'enthousiasme, mais pas au point que l'expérience devienne trop effrayante.
Mes années d'expérience en tant que chercheuse en prévention des blessures m'ont permis de comprendre les risques et les moyens de les éviter. Mais, étant titulaire d'un doctorat en psychologie du développement, je crains aussi que nous ne surprotégions nos enfants.
Empêcher les enfants d'explorer l'incertitude peut avoir des conséquences indésirables sur leur santé et leur développement, telles que l'inertie, l'anxiété et les phobies.
Les craintes des parents
De nombreux parents rencontrés dans le cadre de mes recherches reconnaissent l'importance des jeux risqués, mais sont souvent submergés par la peur que leur enfant ne soit gravement blessé ou enlevé. Ils craignent également d'être dénoncés aux autorités pour avoir exposé leur enfant à des risques. Ces inquiétudes peuvent les amener à devenir surprotecteurs.
Ces derniers temps, j'observe une tendance inverse : les parents s'inquiètent de la timidité de leurs enfants et de leur manque d'audace. Ils cherchent à leur apprendre à prendre des risques par le jeu. Cela m'inquiète autant que la surprotection.
Ces deux approches peuvent accroître les risques de blessures et de préjudices pour les enfants, car les parents ignorent leurs aptitudes et leurs intérêts. Comment un enfant peut-il se découvrir et comprendre le monde si les adultes lui disent constamment quoi faire et comment le faire ?
La sécurité des enfants au Canada n'a jamais été aussi bonne. Le risque de décès par blessure est de 0,0059 %. Les accidents de la route et les suicides sont les principales causes de décès, et non les jeux. En fait, les enfants sont plus susceptibles d'avoir besoin de soins médicaux pour des blessures liées à des sports organisés que pour des blessures liées au jeu libre.
De même, le risque d'enlèvement par un inconnu est si faible qu'aucune statistique n'est recueillie. Afin de trouver un juste milieu, les spécialistes de la prévention des blessures privilégient une approche visant à assurer la sécurité maximale des enfants, plutôt qu'une sécurité maximale.
Les enfants possèdent une capacité innée à gérer les risques.
Les jeux à risque occupent une place importante dans les activités de plein air proposées par de nombreuses écoles et garderies canadiennes. Dans les écoles en forêt de plusieurs autres pays, les enfants creusent librement des trous, grimpent aux arbres et utilisent des outils pour faire du feu sous étroite surveillance.
Un directeur d'école en Nouvelle-Zélande a décidé que ses élèves n'avaient besoin d'aucune règle. Ils grimpaient aux arbres, faisaient du vélo, bref, ils faisaient tout ce qui leur plaisait. Son école participait à une étude plus vaste qui a révélé que les élèves autorisés à prendre des risques étaient plus heureux et moins victimes de harcèlement scolaire que leurs camarades d'autres établissements.
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Lorsqu'on leur en donne l'occasion, même les jeunes enfants font preuve de capacité à gérer les risques. Photo :Flickr Open |
Observer des enfants s'adonner à des jeux risqués nous fait prendre conscience de leurs capacités insoupçonnées. Même les plus jeunes, lorsqu'on leur en donne l'occasion, savent gérer les risques et découvrir leurs propres limites. Il suffit d'ouvrir les yeux et d'être prêt à observer ce qui se présente à nous. Laissons-les expérimenter en toute liberté, car leur potentiel d'apprentissage est immense.
Imposer des limites inutiles aux jeux des enfants ou les pousser à bout est une erreur. Notre rôle, en tant que personnes responsables d'enfants, est de leur permettre d'explorer et de jouer librement, tout en les aidant à gérer les dangers majeurs susceptibles de leur causer des blessures graves.
Il convient d'adapter cette approche aux capacités, aux intérêts et au stade de développement de l'enfant. Un enfant d'âge préscolaire peut se cacher dans les buissons et se prendre pour un explorateur de la jungle. Les parents l'observent tout en lui laissant une certaine autonomie.
Les enfants plus âgés peuvent explorer le quartier avec leurs amis. Les parents doivent les aider à acquérir progressivement les compétences nécessaires, comme observer la circulation et traverser la rue en toute sécurité.




