Un choc pour l’ordre établi en Europe

Selon les observateurs, la crise ukrainienne constitue un choc pour l'ordre établi de longue date en Europe, tant au sein de l'Union européenne (UE) que de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Elle renforce également l'influence des pays d'Europe centrale et orientale.

(Rangée du haut, de gauche à droite) Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki s'entretient avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une visite à Kiev avec le président letton Egils Levits en septembre 2022. Photo : NYT

La Pologne et les États baltes ont mis en avant l'argument pro-ukrainien, comblant un vide au début de la guerre, lorsque la France et l'Allemagne, les deux leaders européens de longue date, semblaient paralysés.

Selon le New York Times, la pression intense exercée par l'Europe de l'Est et l'Europe centrale a joué un rôle clé dans la décision de l'Occident de fournir des chars à Kiev, prise cette semaine après des mois de débats et d'hésitations.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a annoncé le 25 janvier qu'il fournirait des chars Leopard 2 de fabrication allemande et autoriserait d'autres pays à transférer ce matériel. Le président américain Joe Biden a également annoncé que Washington enverrait des chars Abrams, ce qui a conforté la décision de Scholz.

Le conflit russo-ukrainien confirme ainsi la déclaration de M. Scholz à Prague en août 2022 selon laquelle « le centre de l’Europe se déplace vers l’est ».

« M. Scholz a raison. Les voix des pays d'Europe centrale et orientale sont davantage entendues et prises en compte au sein des conseils européens. L'élargissement vers l'Est est désormais également à l'ordre du jour », a déclaré Timothy Garton Ash, historien de l'Europe au Saint Antony's College d'Oxford, en Angleterre.

La Pologne développe rapidement son armée. L'année dernière, Varsovie a annoncé son intention de doubler la taille de ses forces armées.

La Pologne a commandé un grand nombre de nouvelles armes modernes, ce qui lui confère une plus grande importance au sein de l'UE et de l'OTAN. Elle est également un lobbyiste clé, tentant de convaincre Berlin d'envoyer des chars à Kiev et de permettre à d'autres pays d'en faire autant.

Selon Jana Puglierin, directrice du Conseil européen des relations étrangères, les pays d'Europe centrale et orientale se considèrent comme des « combattants de la liberté et des défenseurs des valeurs de l'UE ». En apportant un soutien militaire précoce à Kiev et en accueillant des réfugiés ukrainiens, ces pays ont contribué à façonner les opinions européennes, tandis que l'Allemagne et la France semblent surprises et déconcertées par l'extraordinaire campagne militaire de Moscou chez leur voisin.

Ce conflit rend également caduques les ambitions du président français Macron d'une défense européenne « autonome », compte tenu du rôle accru de l'OTAN et des États-Unis au cours de l'année écoulée. Mme Puglierin a souligné que l'Allemagne souhaite également renforcer ses liens transatlantiques et s'appuyer sur Washington, tout en s'efforçant de reconstruire son armée.

Avec leur influence réduite en Europe, l'Allemagne et la France perdront également, du moins pour l'instant, leur influence au sein de l'OTAN. L'alliance militaire devrait s'appuyer davantage sur les armes et le leadership américains qu'avant le conflit, et devrait bientôt intégrer la Suède et la Finlande.

Toutefois, notent les analystes, le pouvoir de Bruxelles repose sur la taille de son économie et de sa population, de sorte que le centre de gravité de l'Europe restera à l'ouest.

De plus, lorsque le conflit russo-ukrainien a éclaté fin février 2022, M. Scholz était au pouvoir en Allemagne depuis moins de trois mois et n'entretenait pas de relations étroites avec le président français. Par conséquent, ces deux grands pays manquaient encore de coordination. Avec le temps, une coopération plus étroite permettra aux deux parties de surmonter leur « faiblesse » temporaire et de retrouver leur position dominante en Europe.