Laissant de côté leurs vieilles rancunes, la Chine et l’Inde s’unissent pour préparer le monde post-Covid-19 ?
(Baonghean.vn) - Dans le contexte de la pandémie de Covid-19 qui devrait bouleverser l'ordre mondial, certains signes indiquent que la Chine pourrait considérer l'Inde comme son meilleur allié. Les deux pays pourront-ils profiter de la période morose actuelle pour apaiser leurs relations parfois tendues ?
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Les Chinois et les Indiens portent des masques pour prévenir la propagation du coronavirus. Photo : Reuters |
Alors que l'Inde et la Chine célèbrent ce mois-ci le 70e anniversaire de leurs relations diplomatiques officielles, les cérémonies politiques d'usage ont eu lieu. Le président chinois Xi Jinping a félicité le président indien Ram Nath Kovind pour le « développement extraordinaire » accompli par leurs pays depuis que l'Inde est devenue le premier pays non socialiste à reconnaître la Chine de Mao Zedong en 1950.
La colère en Occident
Cette chaleur et cette cordialité, survenues quelques semaines seulement après les critiques publiques du président américain Donald Trump à l'égard de la Chine lors de sa visite très réussie en Inde, ont pu paraître inhabituelles à certains. Mais au-delà des banalités diplomatiques, la référence de Xi Jinping à un « nouveau point de départ » pourrait laisser entrevoir un plan post-Covid-19 pour le gouvernement de Pékin, connu pour son approche « visionnaire ».
Le coronavirus a infecté plus de 1,4 million de personnes dans le monde et en a tué plus de 82 000. La Chine a été largement accusée d'avoir initialement minimisé la menace, ainsi que de ne pas avoir respecté le Règlement sanitaire international de 2005 et d'avoir manqué à ses obligations en matière d'information du monde sur l'épidémie. Avocats et militants ont poursuivi la Chine devant les tribunaux américains, un avocat conservateur du Texas réclamant 20 000 milliards de dollars de dommages et intérêts.
Si le procès intenté au Texas ne fera peut-être que faire la une des journaux, l'ordre mondial post-Covid-19 verra probablement la Chine isolée par l'Occident. Des rumeurs émanant de Downing Street à Londres, par exemple, suggèrent que l'administration du Premier ministre Boris Johnson pourrait traiter la Chine comme un « État paria » une fois la pandémie terminée.
De plus, les déclarations publiques du président Trump qualifiant le Covid-19 de « virus chinois » ont suscité la colère de Pékin. Les diplomates chinois ont depuis mené une campagne mondiale pour dissuader les gouvernements d'utiliser le terme « virus chinois ».
New Delhi a adopté une approche plus équilibrée face au défi de la pandémie et a cherché à collaborer avec la Chine. Lors d'un entretien téléphonique le mois dernier, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré à New Delhi que « la Chine est disposée à partager son expérience, à apporter son soutien dans la mesure de ses capacités et à ouvrir des canaux commerciaux avec l'Inde ». L'Inde a d'ailleurs été parmi les premiers pays à recevoir de la Chine des fournitures médicales essentielles, notamment des équipements de protection, des masques et des respirateurs.
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Panneau à la frontière indo-chinoise à Bumla, dans l'État de l'Arunachal Pradesh, en Inde. Photo : Reuters |
Relation difficile
Ces événements contrastent fortement avec l'histoire conflictuelle entre les deux pays. La Chine revendique un territoire au Cachemire d'une superficie comparable à celle de la Suisse, territoire également revendiqué par l'Inde. Un conflit frontalier dans l'Himalaya a dégénéré en guerre en 1962, et des escarmouches le long de la frontière font rage depuis des décennies.
Plus récemment, en 2017, les forces armées de l’Inde et de la Chine se sont affrontées pendant 75 jours dans la crise de Doklam.
Cependant, les relations bilatérales se sont depuis stabilisées, avec deux sommets informels réussis entre Xi Jinping et le Premier ministre indien Narendra Modi à Wuhan et Mamallapuram en 2018 et 2019, lorsque les deux parties ont choisi de mettre de côté les questions litigieuses et de se concentrer plutôt sur l'augmentation du commerce bilatéral et la promotion de la coopération économique.
Pourtant, la rivalité entre la Chine et l'Inde sur la scène internationale perdure. Par exemple, les efforts de New Delhi pour obtenir le soutien de la Chine en vue de son adhésion au Groupe des fournisseurs nucléaires (GFN) et de l'arrestation du djihadiste pakistanais Masood Azhar, désigné comme terroriste par les Nations Unies, n'ont pas été bien accueillis par Pékin. De plus, la Chine a qualifié d'« inacceptable » la décision de New Delhi, l'an dernier, de révoquer l'autonomie du Cachemire et a publiquement soutenu le Pakistan dans ce conflit.
L'ordre mondial après le Covid-19
La situation pourrait toutefois changer. La semaine dernière, s'écartant radicalement de sa position antérieure, la Chine, alors présidente du Conseil de sécurité de l'ONU, a ignoré la demande du Pakistan d'« examiner d'urgence » ce qu'elle qualifiait de « graves développements au Jammu-et-Cachemire » perpétrés par le gouvernement indien. Pour les observateurs attentifs, l'inaction de la Chine était révélatrice et indiquait que les désaccords passés ne feraient pas obstacle au rétablissement des relations bilatérales.
Bien sûr, Pékin envisage l'avenir avec son propre point de vue. La production industrielle du pays a chuté de 21 %, et les économistes prévoient une division par deux de la croissance chinoise ce trimestre. La croissance de la deuxième économie mondiale ralentit depuis plus d'un an, mais le choc de la Covid-19 pourrait pousser Pékin à chercher des alliés pour aller de l'avant.
La pandémie actuelle devrait avoir un impact majeur, et le monde post-Covid-19 prendra conscience de la perspective de voir des alliés divisés et une UE et des États-Unis économiquement affaiblis. En effet, toutes les grandes économies, à l'exception de l'Inde et de la Chine, devraient entrer en profonde récession.
Pour la Chine, qui fait désormais face à l’hostilité de l’Occident, rétablir ses relations avec l’Inde pourrait être l’option la plus bénéfique dans un ordre mondial post-Covid-19.