Les avantages indéniables du sommet américano-russe
(Baonghean.vn) - L'histoire des relations entre les États-Unis et la Russie montre que rien ne peut remplacer les liens personnels entre les dirigeants des deux pays.
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Le président russe Poutine et le président américain Trump discutent en marge du sommet de l'APEC au Vietnam. Photo : Reuters |
Les présidents Trump et Poutine semblent prêts à tenir un sommet en juillet. Ce sera leur troisième rencontre en face à face, même si les deux dirigeants ont déclaré que leur relation de travail était positive et qu'ils se parlaient souvent au téléphone.
Le climat politique intérieur américain concernant la Russie est particulièrement tendu. La Maison-Blanche est en désaccord avec l'équipe d'enquête sur la Russie du ministère de la Justice, dirigée par le procureur spécial Robert Mueller, qui aurait cherché à interroger le président Trump. Parallèlement, la dynamique se renforce à l'approche des élections de mi-mandat de novembre, les dirigeants des deux partis mettant en garde contre les dangers d'une nouvelle « ingérence russe ».
En Russie, le scepticisme quant à une éventuelle rencontre Trump-Poutine est renouvelé. Des universitaires et des commentateurs doutent de la capacité de Trump à apporter quelque chose de concret à Moscou. L'opinion dominante est que le président américain reste l'otage de l'establishment antirusse de Washington et que tout accord avec lui pourrait être rejeté par le Congrès américain, voire par sa propre administration.
Ce qui devrait toutefois préoccuper les deux présidents, c’est l’état désastreux des relations entre les États-Unis et la Russie, et ses conséquences sur les intérêts des deux pays et sur la sécurité mondiale.
Depuis la fin de la Guerre froide, et peut-être depuis le début des années 1980, Moscou et Washington n'ont pas été aussi près d'une confrontation militaire directe, grâce à la multiplication des déploiements, exercices et opérations de forces aériennes, navales et terrestres, de la région balte au Moyen-Orient. Dans certains cas, les forces russes et celles de l'OTAN ont frôlé l'instauration de relations hostiles, et l'escalade a été évitée de justesse.
La Russie et les États-Unis prévoient d'investir des milliards de dollars dans la modernisation de leurs arsenaux nucléaires. Bien que positif en termes de sécurité et de fiabilité, ce projet donne l'impression d'une nouvelle « course aux armements », comme les deux présidents l'ont confirmé lors d'un entretien téléphonique en mars. Un aspect particulièrement inquiétant de la menace nucléaire réside dans la possibilité que des cyberattaques, menées par des États ou des acteurs non étatiques, incitent l'une des deux parties à relever son niveau d'alerte nucléaire, déclenchant ainsi une réaction correspondante de l'autre, et enclenchant potentiellement un dangereux cycle d'escalade.
La prochaine rencontre entre Trump et Poutine ne permettra probablement pas de résoudre les problèmes fondamentaux entre Washington et Moscou. Aucun des deux dirigeants ne fera, ni ne devrait faire, de concessions unilatérales sur des questions qu'ils jugent cruciales pour leur sécurité nationale. Cependant, elle pourrait ouvrir la voie à une stabilisation des relations, ce qui, dans le contexte actuel, constituerait en soi un succès significatif.
Une étape simple mais décisive vers une telle désescalade pourrait consister pour les deux présidents à réitérer la position commune des présidents Reagan et Gorbatchev lors du sommet de Reykjavik en 1986 : « Une guerre nucléaire est invincible, elle ne devrait donc jamais avoir lieu. » De fait, il y a 32 ans, les dirigeants américains et soviétiques ont discuté de la possibilité d’éliminer conjointement les armes nucléaires, objectif que les présidents Obama et Medvedev ont approuvé en 2009.
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Rencontre historique entre le président américain Richard Nixon et le dirigeant soviétique Léonid Brejnev. Photo : Internet |
Cependant, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire de 1987 étant caduc en raison de violations présumées de part et d'autre, et le nouveau traité START limitant les arsenaux nucléaires stratégiques globaux étant sous pression, un objectif optimiste à long terme tel que l'élimination totale des armes nucléaires n'est guère à l'ordre du jour pour Moscou ou Washington. Au contraire, les deux parties doivent désormais faire face aux conséquences négatives et urgentes de la cessation du contrôle bilatéral des armements entre les États-Unis et la Russie sur la non-prolifération nucléaire mondiale.
Cela est particulièrement vrai après le retrait des États-Unis du Plan d'action global commun (JGC) sur le programme nucléaire iranien, et compte tenu de la possibilité réelle que l'Iran soit déterminé à développer des armes nucléaires, ce qui déclencherait des explosions nucléaires massives au Moyen-Orient. Pour que la prochaine Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 2020 ne soit pas la goutte d'eau qui fait déborder le vase pour un régime de non-prolifération nucléaire vieux d'un demi-siècle, les présidents Trump et Poutine devront laisser espérer que Washington et Moscou prendront au sérieux leurs responsabilités respectives en matière de réduction et de désarmement au titre du traité.
Les guerres en Syrie et en Ukraine ont fait des centaines de milliers de morts et déplacé des millions de personnes au Moyen-Orient, en Europe et au-delà. Washington et Moscou contrôlent chacun les ressources et les leviers d'influence nécessaires à la gestion et, in fine, à la résolution de ces conflits. Si les responsables ont cherché à négocier des avancées modestes, comme la mise en œuvre des accords de Minsk en Ukraine et la relance des négociations sur la Syrie, la volonté politique fait toujours défaut, et une rencontre entre les présidents américain et russe constitue de loin la meilleure occasion pour chaque partie de manifester son engagement envers le processus.
Enfin, après des années de sanctions et de contre-sanctions, les politiques d'isolement mutuel ont érodé les relations entre les peuples américain et russe à des niveaux inacceptables, contraires aux intérêts des deux parties. Les consulats et ambassades de base ont été fortement limités par les expulsions diplomatiques des deux côtés et par la fermeture des représentations diplomatiques américaines et russes.
En conséquence, le tourisme, le commerce et les échanges scientifiques, culturels et éducatifs ont tous fortement diminué pour la première fois en 50 ans, depuis la signature de l’Accord général sur les activités d’échange au plus fort de la guerre froide en 1958. Même si les sanctions restent en vigueur, les deux présidents devraient envoyer un signal clair : les contacts entre diplomates, législateurs, hommes d’affaires, universitaires et groupes de la société civile sont le fondement de relations pacifiques et productives, et sont donc particulièrement importants lorsque les relations officielles sont tendues.
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La Coupe du monde 2018, qui se déroule en Russie, attire de nombreux supporters américains. Photo : Internet |
Malgré la profonde crise qui règne entre leurs pays, Américains et Russes continuent de se soucier les uns des autres. Les Russes font encore la queue devant l'ambassade des États-Unis à Moscou, impatients d'obtenir des visas pour les États-Unis, et les Américains constituent le plus grand groupe d'étrangers en Russie pour la Coupe du monde ce mois-ci. Faire payer aux citoyens ordinaires le prix des conflits entre gouvernements est tout simplement injuste et à courte vue.
Les divergences entre Moscou et Washington sont profondes, et les deux présidents ne parviendront pas à s'entendre sur de nombreux points. L'objectif de cette rencontre ne devrait pas être de les aborder ou de parvenir à un accord global. Il s'agirait plutôt d'envoyer un message clair et de créer l'espace nécessaire pour que les deux gouvernements renouent une coopération mutuellement bénéfique.
L'histoire des relations américano-russes montre que rien ne remplace les contacts personnels entre les dirigeants des deux pays. Ce fut le cas de Richard Nixon et de Léonid Brejnev, de Ronald Reagan et de Mikhaïl Gorbatchev, de Bill Clinton et de Boris Eltsine. Ces exemples historiques sont particulièrement importants aujourd'hui, alors que les contacts officiels aux échelons inférieurs sont difficiles.
Le conflit actuel n'est pas, et ne deviendra pas, une nouvelle Guerre froide. Mais il convient de se concentrer sur l'enseignement essentiel de ce conflit : la diplomatie au sommet ne se limite pas à célébrer de grandes victoires, mais vise à créer une dynamique propice aux petits pas et aux interactions quotidiennes qui empêchent la situation de s'envenimer.