L’étincelle qui a déclenché le conflit ou le début de la fin de la crise syrienne ?
(Baonghean) - Le 24 novembre, la Turquie a confirmé que son armée avait abattu un avion russe Su-24 participant à une campagne de frappes aériennes contre l'EI en Syrie pour violation de l'espace aérien turc. L'événement a immédiatement attiré l'attention de l'opinion publique internationale. Le journal Nghe An a interviewé le général de division Le Van Cuong, professeur associé, titulaire d'un doctorat et ancien directeur de l'Institut des sciences et de la stratégie du ministère de la Sécurité publique, à ce sujet.
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Le général de division Le Van Cuong, ancien directeur de l'Institut des sciences et de la stratégie du ministère de la Sécurité publique, a répondu à une interview accordée au journal Nghe An. |
Journaliste:Jusqu'à présent, la Russie et la Turquie ne sont pas parvenues à un accord sur la vérité de l'incident : l'avion russe a-t-il violé l'espace aérien turc lorsqu'il a été abattu ? Pourriez-vous nous donner votre avis sur cette question, général de division ?
Général de division Le Van Cuong :La Turquie a affirmé dès le début que l'avion de chasse russe avait violé son espace aérien. Le 25 novembre, elle a publié un enregistrement audio montrant plusieurs signaux et messages d'avertissement envoyés avant le lancement du missile pour abattre la cible.
Cependant, la Russie a fourni une carte de la route du Su-24 montrant que l'avion de combat n'a pas violé l'espace aérien turc, et le lieu du crash était également situé sur le territoire syrien, à environ 4 km de la frontière turque.
Plus récemment, l'un des deux pilotes russes à bord de l'avion abattu a confirmé qu'il n'avait pas fait voler l'avion dans l'espace aérien turc et n'avait reçu aucun signal d'avertissement.
Personnellement, je suis favorable à la position de la Russie, puisque le président russe Vladimir Poutine a annoncé à la presse à Sotchi que le Su-24 n'avait pas violé l'espace aérien turc. Fort de sa position et de sa voix à la tête d'un grand pays, le président russe a la sagesse de peser ses mots avant de s'adresser au monde.
L'histoire nous apportera une réponse définitive, car les coordonnées et l'emplacement de l'avion ont certainement été enregistrés par les agences de contrôle et de mesure du trafic aérien.
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L'avion Su-24 s'est écrasé en territoire syrien, à 4 km de la frontière turque. Photo : EPA |
Journaliste:Quelle est l’évaluation du général de division sur cet événement ?
Général de division Le Van Cuong :Je considère qu’il s’agit d’un événement inhabituel tant dans le contexte local que dans le contexte politique précédent.
Si le Su-24 russe n'a pas violé l'espace aérien turc, il n'y a aucune raison de tirer un missile pour l'abattre. Même si c'était le cas, il ne s'agirait que d'un incident rare lors de la poursuite de la cible, incapable de pénétrer profondément dans l'espace aérien turc ; un simple signal d'alerte aurait suffi.
Compte tenu du contexte politique antérieur, les relations entre la Russie et la Turquie étaient relativement stables, affichant même une tendance à la hausse après deux années de déclin. Les deux pays ont coopéré non seulement sur les plans diplomatique et économique, mais aussi militaire. Cela a prouvé que leurs relations étaient normales, voire bien meilleures.
Ainsi, les facteurs externes ne concordent pas avec l'action de la Turquie, qui a abattu l'avion russe. Le monde entier a été surpris et s'est interrogé sur les causes de l'incident.
Journaliste:Certains pensent que la Turquie n'est pas « seule » dans cette action. Quel est votre commentaire à ce sujet, Major Général ?
Général de division Le Van Cuong :Je partage également ce point de vue. Car, outre la raison contextuelle mentionnée plus haut, deux autres raisons conduisent à cette conclusion.
Premièrement, l'équilibre des forces entre la Turquie et la Russie est trop inégal. Le gouvernement d'Ankara est suffisamment lucide pour savoir que la Turquie ne peut affronter la Russie.
Deuxièmement, en termes de droit international, le fait d’abattre l’avion d’un pays ami qui ne viole ni ne menace l’espace aérien et la sécurité nationale est inacceptable.
La Turquie n'a donc aucune raison d'agir, et si elle en avait une, elle n'aurait ni la capacité ni la position de provoquer directement la Russie. Il est fort probable que la Turquie ne soit qu'une carte sur l'échiquier !
Journaliste:Selon le général de division, quel est le but de cette action ?
Général de division Le Van Cuong :S’il y a réellement une force derrière les actions de la Turquie cette fois-ci, son objectif n’est pas difficile à deviner.
Premièrement, dissuader la Russie de lutter contre l'EI au Moyen-Orient et de contribuer à la résolution du conflit syrien. Nous savons tous que la campagne aérienne russe au Moyen-Orient n'a commencé que le 30 septembre, mais son efficacité est bien supérieure à celle de l'Occident depuis plus d'un an. Que l'on veuille freiner une Russie en pleine ascension est compréhensible.
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Des Russes ont manifesté et jeté des pierres sur l'ambassade de Turquie à Moscou le 25 novembre. Photo : AFP |
Dans le même temps, ce message d’avertissement pourrait cibler la psychologie du peuple russe, l’incitant à protester contre la politique du Kremlin au Moyen-Orient.
Deuxièmement, rassurer et renforcer la confiance des alliés régionaux tels que l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, la Jordanie, etc. Affirmant ainsi que la position de l’OTAN dans la région ne peut être remplacée par personne, y compris la Russie.
Journaliste:Comment la Russie a-t-elle réagi et réagira-t-elle après que la Turquie a abattu le Su-24 et que les rebelles syriens ont abattu l'hélicoptère venu secourir le pilote ?
Général de division Le Van Cuong :Face à une provocation aussi directe, la Russie ne peut évidemment pas rester les bras croisés. Le Kremlin a immédiatement décidé de réagir sur plusieurs fronts, affichant clairement son attitude envers la Turquie.
Sur le plan diplomatique, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a annulé une visite en Turquie prévue le 25 novembre.
Sur le plan économique, la Russie a annoncé la fin de la coopération économique avec la Turquie, notamment dans le tourisme et le commerce.
Sur le plan social, il est conseillé aux citoyens russes de ne pas se rendre en Turquie et les itinéraires touristiques vers le pays ont été annulés.
Sur le plan militaire, la Russie a déployé le croiseur lance-missiles Moskva et le système de défense aérienne S-400 pour protéger la base aérienne de la province de Lattaquié, en Syrie. Cela témoigne de la détermination de la Russie à poursuivre la guerre au Moyen-Orient et constitue la réponse la plus éloquente aux responsables du récent incident de l'avion Su-24 abattu.
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Le système de missiles antiaériens russe S-400 sera déployé sur une base aérienne en Syrie. Source : defencerussia.wordpress.com |
Journaliste:L'opinion publique mondiale s'inquiète d'un conflit entre la Russie et la Turquie, voire entre la Russie et les États-Unis. Est-ce une possibilité et la destruction du Su-24 aura-t-elle un impact sur le processus de résolution de la crise syrienne ?
Général de division Le Van Cuong :Je pense que le conflit entre la Russie et la Turquie est un scénario inévitable, mais il n’aura lieu qu’à un faible niveau dans un espace et un temps restreints et ne dégénérera pas en guerre.
Par exemple, si la Turquie attaque à nouveau des cibles russes, la Russie ripostera immédiatement. Concernant les relations entre la Russie et les États-Unis, je pense qu'ils se poussent mutuellement à bout, mais qu'ils sauront quand s'arrêter. Aucune des deux parties n'est prête à une guerre pour le moment.
Ce dénouement politique sera l'étincelle nécessaire pour propulser la crise syrienne vers une nouvelle phase décisive. Rappelons que, pendant que la Turquie abattait le Su-24, le président russe était en pourparlers à Téhéran, et l'Occident n'apprécie certainement pas la poignée de main russo-iranienne, quel qu'en soit l'objectif.
Cet événement ne freinera pas la Russie, mais, au contraire, la poussera à intensifier sa campagne aérienne en Syrie, avec le soutien des troupes iraniennes au sol. Grâce à une telle évolution, le gouvernement de Bachar el-Assad pourra étendre les zones libérées et consolider sa position et sa voix dans le pays et dans la région.
Sous la pression d'équilibrer sa position face à la Russie, l'Occident n'aura d'autre choix que d'intensifier ses efforts dans la lutte contre le terrorisme. Ce n'est qu'alors qu'il y aura un espoir de mettre fin à la crise syrienne, en commençant par l'élimination définitive du terrorisme par la coalition internationale.
Journaliste:Merci pour la conversation, Major Général !
Thuc Anh
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