L'OTAN envoie des navires de guerre en mer Noire pour « irriter » la Russie

Des navires de la 6e flotte de l'US Navy, dont le navire amiral USS Mount Whitney et le destroyer de classe Arleigh Burke USS Porter, sont arrivés au port de Constanta, en Roumanie, sur la mer Noire, après avoir visité Batoumi, en Géorgie, le 12 novembre. Le commandement américain en Europe a déclaré que les navires opèrent avec les alliés et partenaires de l'OTAN en mer Noire.

Ce déploiement intervient après la visite du secrétaire à la Défense Lloyd Austin dans les pays de la région.

Le navire amiral de l'US Navy, l'USS Mount Whitney, et la frégate roumaine Marasesti en mer Noire le 12 novembre. Photo : US Navy

La Russie est naturellement irritée par ces activités. Lors d'une réunion avec des chefs militaires, le président russe Vladimir Poutine a semblé menacer les navires de guerre américains, affirmant que les forces russes pourraient observer l'USS Mount Whitney « à l'aide de jumelles ou à portée de systèmes de défense ».

Les commentaires de M. Poutine interviennent dans un contexte de tensions croissantes entre la Russie et l’OTAN.

Sept ans après l’annexion de la Crimée par la Russie et dans un contexte de tensions croissantes en Europe de l’Est, la mer Noire reste un « point chaud » et pourrait continuer à « se réchauffer ».

Zone maritime stratégique

La mer Noire occupe une position stratégique, reliant le Caucase à l'Europe par le flanc sud-ouest de la Russie. La région abrite les ports russes en eaux chaudes et offre à la Russie un accès à la Méditerranée et au-delà.

La mer Noire occupe une place importante dans le dispositif de défense et de sécurité de la Russie. Sa domination dans cette région permet à Moscou de contrer les défis de l'OTAN.

« La mer Noire est également un théâtre d’activité [militaire] russe, qui s’est intensifiée au cours des deux dernières décennies », a déclaré Alina Polyakova, directrice du Centre d’analyse des politiques européennes, lors d’une audition au Sénat en octobre.

Ces opérations comprennent des rencontres rapprochées avec les forces de l’OTAN en mer et dans les airs, ainsi que des frappes en Ukraine et en Géorgie – deux pays partenaires qui souhaitent rejoindre l’OTAN.

L’OTAN a renforcé sa présence en mer Noire, mais les contraintes géographiques et les instruments juridiques internationaux font qu’il n’est pas facile de contrer la Russie dans cette région.

Le « terrain natal » de la Russie

Après l'effondrement de l'Union soviétique, la flotte russe de la mer Noire a été réduite. Grâce aux réformes militaires de 2008 et au Programme national d'armement 2011-2020, la flotte de la mer Noire est devenue une force plus flexible, capable d'opérer dans les zones proches des côtes russes et dans les mers environnantes.

Les principaux éléments de la flotte de la mer Noire sont trois frégates lance-missiles de classe Amiral Grigorovich construites depuis 2014, deux frégates lance-missiles de classe Krivak et des croiseurs lance-missiles de classe Slava. On compte également six sous-marins d'attaque diesel-électriques améliorés de classe Kilo et un sous-marin plus ancien de classe Kilo. Ces navires sont appuyés par plusieurs navires plus petits, dont six corvettes lance-missiles, cinq vedettes lance-missiles et des navires de combat littoral.

La flotte de la mer Noire comprend également la 22e division de l'armée récemment créée, 1 unité de défense aérienne et 2 unités d'aviation basées en Crimée et 1 unité de défense aérienne basée à Rostov-sur-le-Don.

Moscou renforce actuellement ses capacités d'interdiction d'accès et de déni de zone en mer Noire, notamment autour de la Crimée, afin de protéger ses navires de guerre et de dissuader les forces ennemies. Les missiles de croisière Kalibr, d'une portée maximale de 2 000 km, renforcent les capacités de frappe à longue portée de la flotte de la mer Noire.

Les membres et partenaires de l'OTAN en mer Noire sont désavantagés militairement par rapport à la Russie. La Roumanie dispose de trois frégates, de sept corvettes, de plusieurs navires de soutien et d'un vieux sous-marin de classe Kilo. La Bulgarie n'est pas loin derrière, avec quatre frégates, trois corvettes et plusieurs autres navires de soutien, principalement des dragueurs de mines.

La Turquie dispose d'une force navale importante en taille et en capacité au sein de l'OTAN, mais ses relations chaleureuses avec la Russie et sa discorde avec l'OTAN ont soulevé des doutes quant à l'engagement d'Ankara envers l'alliance militaire.

L'Ukraine est encore en train de reconstruire sa marine après l'annexion de la Crimée par la Russie, tandis que la Géorgie, le plus petit pays de la mer Noire, ne dispose que d'une garde côtière.

En cas de conflit avec la Russie, ces pays devraient rechercher une aide extérieure, mais les obstacles sont nombreux. La Convention de Montreux de 1936 limite le type et le nombre de navires que les États non riverains de la mer Noire peuvent envoyer dans la région. Leur séjour dans la région ne peut excéder 21 jours, et la Turquie doit être prévenue à l'avance de tout mouvement à destination ou en provenance de la mer Noire.

Ces restrictions favorisent la Russie et limitent l'action des États-Unis dans la région. Seuls trois destroyers de classe Arleigh Burke de la marine américaine sont autorisés à naviguer simultanément en mer Noire. Or, un seul Arleigh Burke constitue une formidable plateforme. Chacun peut emporter 56 missiles Tomahawk, dont la portée est comparable à celle des missiles russes Kalibr.

Les États-Unis ont besoin d’une stratégie plus claire en mer Noire

Les pays de la mer Noire et les membres de l’OTAN coopèrent désormais pour améliorer leurs capacités face à la Russie.

La Roumanie a déployé le système de défense antimissile balistique Aegis sur terre et agrandit d'autres installations pour accueillir davantage de troupes de l'OTAN. La Bulgarie est en pourparlers avec les États-Unis pour accroître ses capacités militaires. L'Ukraine a également pris des mesures pour moderniser et développer son armée.

Ces dernières semaines, depuis la visite du secrétaire à la Défense Austin, des responsables régionaux et des parlementaires américains ont exhorté l'administration Biden à soutenir davantage les pays riverains de la mer Noire, notamment en augmentant les ventes d'armes et les déploiements de troupes. Certains ont plaidé en faveur d'une stratégie plus claire en mer Noire afin de dissuader la Russie.

L'USS Mount Whitney a commencé à quitter la mer Noire le 15 novembre, suivi par l'USS Porter le 16 novembre. De tels déploiements suscitent souvent la colère de la Russie, mais les États-Unis ne montrent aucun signe de recul.

Les États-Unis ont déclaré que la présence de leurs navires de guerre en mer Noire vise à démontrer « leur engagement en faveur de la défense collective dans la région européenne et à renforcer la force de l'alliance de l'OTAN ».