L'art de diviser pour mieux régner de Poutine sur le champ de bataille syrien
L'accord de cessez-le-feu temporaire en Syrie, entré en vigueur la semaine dernière, prouve que la stratégie d'intervention militaire de la Russie dans ce pays du Moyen-Orient fonctionne, ouvrant des opportunités pour rapprocher Washington de Moscou.
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Le président russe Vladimir Poutine. Photo : AFP |
Le plan russe de cessez-le-feu en Syrie a jusqu'à présent largement fonctionné. Yacoub el-Hillo, coordinateur humanitaire des Nations Unies en Syrie, a même déclaré que l'accord de cessation des hostilités entre la Russie et les États-Unis « représente la meilleure chance pour le peuple syrien de progresser vers la paix et la stabilité depuis cinq ans », selon le NZ Herald. Ce cessez-le-feu n'apportera peut-être pas la démocratie ni l'unité totale en Syrie, mais il constitue néanmoins une étape importante pour aider le pays à sortir progressivement de la guerre et de la violence.
Redonner vie à la Syrie telle qu'elle était avant pourrait être une tâche impossible, mais au moins nous n'aurons pas à assister aux massacres quotidiens si la trêve temporaire se transforme en un cessez-le-feu permanent, a déclaré l'observateur Gwynne Dyer.
Lorsque la Russie a commencé à planifier son intervention militaire en Syrie il y a cinq mois, personne ne s'attendait à un cessez-le-feu, même temporaire. Au contraire, la plupart imaginaient un avenir sombre avec l'effondrement du régime du président Bachar el-Assad et la domination de l'État islamique (EI) en Syrie.
Selon Dyer, grâce à ses campagnes militaires, la Russie a grandement contribué à mettre fin au scénario d'« effondrement » de la Syrie. Il s'agit d'un succès immédiat obtenu par le président russe Vladimir Poutine. L'EI peine désormais à remporter une victoire décisive contre l'armée syrienne, toujours soutenue par l'aviation russe. Son ambition d'expansion vers les zones frontalières avec le Liban et la Jordanie est ainsi stoppée.
Pourtant, les stratèges russes n'ont aucune intention de poursuivre une campagne militaire coûteuse et interminable en Syrie. Ce dont ils ont besoin, c'est d'une « stratégie de sortie », et ils disposent de cet atout crucial, a souligné Dyer.
La stratégie de la Russie se décompose en plusieurs étapes, dont la protection du gouvernement du président Assad, l'interruption du transport d'armes et de combattants vers les groupes rebelles syriens via la Turquie, puis la division des liens entre les rebelles musulmans et non musulmans.
L'objectif affiché de la Russie remet directement en cause la stratégie de la coalition menée par les États-Unis, qui bombarde l'EI depuis deux ans. La stratégie américaine vise à renverser le régime d'Assad et à éradiquer l'EI sans troupes terrestres, à l'exception des milices kurdes syriennes, une tâche jugée impossible. Même le Département d'État américain et les responsables du Pentagone considèrent cette voie comme une livraison de la Syrie aux islamistes radicaux.
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Désolation dans la ville stratégique d'Alep, en Syrie. Photo : CNN |
Dyer estime que la campagne militaire russe en Syrie a permis d'éviter ce scénario en apportant un soutien efficace à l'armée gouvernementale pour repousser l'avancée de l'EI, malgré les accusations fréquentes des États-Unis selon lesquelles la Russie aurait « bombardé la mauvaise cible ». Qu'il s'agisse d'une erreur ou non, le soutien aérien de Moscou a effectivement créé des conditions favorables pour que l'armée gouvernementale retrouve l'équilibre, tout en repoussant les rebelles hors de plusieurs villes syriennes clés.
L'armée syrienne, en collaboration avec les milices kurdes, a également coupé une ligne d'approvisionnement vitale des rebelles depuis la Turquie le mois dernier.
Moscou n'a qu'un seul objectif inachevé : rompre les liens entre les groupes rebelles islamistes et non islamistes qui combattent en Syrie. Pour ce faire, la Russie doit trouver un moyen d'établir un cessez-le-feu entre le gouvernement syrien et les rebelles non islamistes.
Le plan est en cours d’exécution et les combattants que les États-Unis appellent les rebelles « modérés » semblent prêts à coopérer, selon Dyer.
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré le 2 mars que le nombre de groupes armés locaux ayant accepté de rejoindre l'accord de « cessation des hostilités » était passé à 38.
Alors que les États-Unis acceptent officiellement la nouvelle définition des « bons et mauvais » rebelles combattant en Syrie, l’étape finale de la stratégie russe « diviser pour régner » est progressivement franchie, toutes les grandes puissances étant du même côté, a souligné Dyer.
À l'avenir, si l'accord temporaire de cessation des hostilités se transforme en cessez-le-feu permanent, les forces hostiles en Syrie seront réduites à trois groupes : l'EI, le Front al-Nosra et son allié Ahrar al-Cham. Dans ce contexte, si les États-Unis acceptent l'idée que le régime d'Assad ne s'effondrera pas et interviennent pour le soutenir, la guerre civile syrienne se transformera en une guerre contre l'islam radical. La Russie et les États-Unis auront ainsi davantage d'occasions de renforcer leurs relations et de se rapprocher, a commenté M. Dyer.
Selon VNE
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