Échos de l'esprit soviétique
Après la fondation du Parti communiste vietnamien le 3 février 1930, l'accent fut mis sur la propagande, jetant les bases d'une activité de presse et de la diffusion de tracts. Ces derniers constituèrent une arme redoutable pour attiser la flamme de la lutte révolutionnaire au sein du mouvement des Soviets de Nghệ Tĩnh. 94 ans plus tard, ces tracts conservent toute leur valeur, témoignant du patriotisme et de l'indomptable esprit révolutionnaire d'une période historique glorieuse.

Défi sacré et sublime
«… C’était la première fois de ma vie que l’on me demandait de distribuer des tracts. Comment oublier ce jour, celui où j’ai vu le drapeau rouge à l’étoile jaune imprimé sur le tract ? Nerveux, je me tenais près de la fenêtre et murmurais quelques mots : « Parti communiste indochinois… ». Cette nuit-là, la lune brillait de mille feux, l’espace était aussi vaste que mon âme lorsque j’ai perçu la lumière du Parti à travers les livres, les journaux et les tracts… »
Ces souvenirs émouvants sont ceux d'un membre du Parti en 1930, M. Duong Phuc Tua, originaire du village de Phu Van, commune de Thuan Son, district de Do Luong, au moment solennel où il tenait entre ses mains le tract du Parti. Ces souvenirs précieux ont été consignés intacts dans le livre « Sous le drapeau rouge », conservé aujourd'hui au Musée soviétique de Nghe Tinh. Ainsi, chaque fois que les visiteurs viennent ici et lisent ces mots à haute voix, ils ressentent l'atmosphère d'une période historique difficile mais héroïque. Son émotion est aussi celle de tant d'autres lorsqu'ils posent entre leurs mains ce petit morceau de papier porteur de la foi et d'un désir ardent de liberté et d'indépendance.

Pour les soldats révolutionnaires de l'époque, la distribution de tracts était une tâche très noble et sacrée. Cette tâche fut clairement illustrée par la vie révolutionnaire du camarade Tran Nguyen (né en 1910), soldat révolutionnaire et membre du parti en 1930 au pays de Duc Tho (Ha Tinh).
Dans ses mémoires, « Le Chemin de la Révolution », il raconte être né dans une famille pauvre et avoir perdu son père très jeune. Dès son enfance, il étudie le chinois et le vietnamien auprès de deux professeurs, Dao Nhat Lam et Nguyen Nhu Cuong. Ces derniers lui transmettent un patriotisme ardent. Plus tard, à l'adolescence, c'est M. Lam qui le guide sur la voie révolutionnaire.

La première mission confiée à Tran Nguyen consistait à distribuer des tracts dans des endroits déserts et bondés… Pour accomplir cette tâche particulière, il devait se déguiser en vendeur de poteries, un vendeur de médecine chinoise, afin de dissimuler des tracts dans chaque sachet de médicaments, tout en menant à bien sa mission sous la surveillance et l'enquête étroite de l'ennemi.
Dans ses mémoires, « Le Chemin de la Révolution », publiés dans le recueil « Sous le Drapeau Rouge », il écrit : « Les camarades Dong et Dao Nhat Lam se sont rendus à l'église Phan Thiet pour annoncer mon adhésion au Parti. Le camarade Lam a déclaré : Le Parti met mon engagement à l'épreuve par des rassemblements, des manifestations et la distribution de tracts. J'ai rempli mes obligations. Au nom du Parti, je certifie être membre du Parti. » Ces mémoires, empreints d'émotion et de gratitude, témoignent de la foi inébranlable et du patriotisme profond des soldats révolutionnaires.

Le musée du Soviet de Nghe Tinh conserve encore de nombreux tracts du Parti datant du mouvement du Soviet de Nghe Tinh. Rédigés avec simplicité et sincérité, ces tracts, tantôt comme des messages d'encouragement chaleureux, tantôt comme de fermes exhortations, ont profondément marqué les esprits.
« Vous tous, soldats : soldats en uniforme rouge, soldats en uniforme bleu, soldats de patrouille et conscrits ! N'oubliez jamais que les impérialistes français vous ont forcés à quitter vos villages, vos parents, vos femmes et vos enfants, vous ont forcés à verser votre sang pour le profit des impérialistes. »
Frères ! Avez-vous subi l'humiliation ou la douleur ? Vous êtes issus de la classe ouvrière et paysanne, vous devez donc défendre la classe ouvrière et les paysans dans la révolution. Ce n'est que par la révolution que nous pourrons survivre…
Extrait des tracts du Parti dans le mouvement Soviet de Nghe Tinh
« Ces tracts étaient dissimulés par les soldats dans leurs sacs ou au bas de leurs bretelles, recouverts de fruits et légumes, pour se faire passer pour des gens se rendant au marché. Arrivés dans les lieux fréquentés, les routes et ruelles des villages, une fois les espions semés, ils les dispersaient astucieusement. À chaque fois qu'un tract était ramassé, la population le lisait en secret et se le transmettait. Ce mouvement de mobilisation a permis une transformation idéologique progressive des masses et une ascension fulgurante du Parti », nous a expliqué Mme Tran Thi Hong Nhung, directrice adjointe du Musée soviétique de Nghe Tinh, en nous montrant les tracts à l'écriture intacte. Témoignage du temps, témoignage historique d'une période héroïque inoubliable !
Preuve du temps
Dans des conditions aussi difficiles et précaires, comment ces tracts ont-ils été créés ? Le musée soviétique Nghe Tinh conserve et expose encore de nombreux objets, nous aidant à comprendre le processus de création de ces tracts percutants.
Tables en pierre, pots à gelée, disques à broyer l'encre, papier… sont des outils et matériaux courants pour deux méthodes d'impression de tracts : l'impression lithographique sur tables en pierre et l'impression lithographique. Pour cette dernière, les soldats utilisent des pots à gelée et des objets du quotidien, comme des plateaux à thé, des plateaux en cuivre ou en bois, des bougies en cire, des moules en argile… pour fabriquer les matrices d'impression. Cette méthode a l'avantage d'être simple, facile à mettre en œuvre et difficile à détecter pour l'ennemi.
La lithographie (impression sur pierre) était certes plus esthétique et productive, mais aussi extrêmement laborieuse. Les soldats révolutionnaires devaient graver secrètement les documents sur la pierre, une opération complexe et facilement repérable. L'impression des tracts était donc un processus extrêmement pénible et dangereux. Nombre de nos soldats furent emprisonnés, battus et interrogés lorsque l'ennemi les soupçonnait d'y participer.
Mme Pham Kim Lan, directrice adjointe du département des expositions du musée soviétique de Nghe Tinh, a déclaré qu'en ce qui concerne la distribution de tracts, elle se souvenait toujours de l'histoire d'un soldat loyal, le camarade Nguyen Trong Cu (né en 1906). Il est né dans le village de Ngoc Son, commune de Xuan Lam, aujourd'hui commune de Ngoc Son, district de Thanh Chuong.
Ayant grandi dans un pays dévasté, il nourrissait le désir de lutter pour offrir une vie prospère à son peuple. Début 1928, le camarade Nguyen Trong Cu fut chargé de distribuer des tracts dans deux villages (Van Lam et Ngoc Son). Cette nuit-là, il continua de planter clandestinement des drapeaux sur le toit de la maison communale de Ngoc Son. Le lendemain matin, les rues des deux villages étaient couvertes de tracts, les drapeaux à la faucille et au marteau flottaient au vent, semant la joie parmi les habitants, tandis que les colonialistes et les féodaux étaient profondément troublés et inquiets.

Après de nombreuses actions contre l'ennemi, et notamment une distribution active de tracts, le camarade Nguyen Trong Cu et ses camarades furent capturés par l'ennemi un matin d'octobre 1931. Ils furent emmenés à la prison de Phuc Xa. Là, le camarade Nguyen Trong Cu et plusieurs autres camarades furent brutalement torturés, puis condamnés à seize années de travaux forcés.

Tout au long d'une longue lutte, dès l'instant où il découvrit les tracts du Parti et fut éclairé par la révolution, le camarade Nguyen Trong Cu et d'innombrables révolutionnaires suivirent le Parti de tout leur cœur, sans la moindre hésitation. Les mots inscrits sur ces tracts résonnent encore aujourd'hui, profondément gravés dans le cœur de leurs lecteurs. Ils ne sont pas seulement un appel, mais aussi la voix sincère de soldats révolutionnaires inébranlables.
Par la propagande, le Parti a progressivement renforcé son rôle dirigeant, mobilisé les masses révolutionnaires, bâti une solide alliance ouvrière-paysanne et encouragé la foi et l'esprit combatif du peuple, contribuant ainsi à l'apogée révolutionnaire de 1930-1931, dont le point culminant fut le Soviet de Nghệ Tĩnh. Les vieux tracts, décolorés par le temps, conservaient une force intacte, une force que le temps ne peut ébranler et qui résonne encore aujourd'hui.


