Armes nucléaires tactiques et possibilité de leur apparition en Ukraine

Opérateurs de missiles tactiques russes lors d'un exercice avec des missiles mobiles de classe R-300. Photo : Getty Images

Selon la chaîne Al-Jazeera, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que la Russie utiliserait tous les moyens disponibles pour protéger ses terres, y compris les zones récemment annexées en Ukraine.

Évoquant la possibilité d'une utilisation de l'arme nucléaire par la Russie en Ukraine, le président américain Joe Biden a déclaré qu'il était peu probable que le président Poutine utilise des armes nucléaires tactiques dans le conflit avec l'Ukraine. M. Biden a toutefois précisé que le Pentagone disposait d'un plan d'urgence dans ce cas.

Alors, qu’est-ce qu’une arme nucléaire tactique et pourquoi attire-t-elle autant d’attention ?

Quand les armes nucléaires deviennent-elles « tactiques » ?

Bien qu’il n’existe pas de définition universelle, les armes nucléaires tactiques sont souvent caractérisées par leur taille, leur portée ou leur utilisation (par exemple, à des fins militaires limitées).

Ces armes sont souvent bien plus puissantes que les bombes conventionnelles, provoquant des retombées radioactives et tuant des personnes, et pas seulement lors de l'explosion. Le monde ne s'est pas encore mis d'accord sur l'échelle à laquelle on peut qualifier une arme tactique.

Les armes nucléaires tactiques sont souvent qualifiées d'armes non stratégiques, par opposition aux armes stratégiques. L'armée américaine définit les armes stratégiques comme des armes qui ciblent les capacités guerrières et la volonté de guerre d'un ennemi, notamment ses systèmes de production, ses infrastructures, ses transports et ses communications, ainsi que d'autres cibles.

En revanche, les armes tactiques sont destinées à atteindre des objectifs militaires plus limités et immédiats afin de remporter une bataille. Ce terme est souvent utilisé pour décrire des armes à faible puissance explosive.

Les armes tactiques peuvent être montées sur des missiles, des bombes larguées par voie aérienne ou même des obus d’artillerie ayant une portée relativement courte, bien inférieure à celle des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) qui peuvent parcourir des milliers de kilomètres et atteindre des cibles à travers les océans.

« Les ogives nucléaires tactiques offrent aux commandants militaires une plus grande flexibilité sur le champ de bataille », a déclaré Alex Gatopoulos, analyste de la défense chez Al-Jazeera. « Au milieu des années 1950, alors que le monde construisait et testait des bombes thermonucléaires plus puissantes, les planificateurs militaires pensaient que des armes plus petites et à plus courte portée seraient plus utiles dans les situations « tactiques ». Les ogives modernes ont une puissance variable, ce qui signifie que l'opérateur peut spécifier la puissance explosive, et les armes tactiques peuvent avoir une puissance comprise entre 1 et 50 kilotonnes. À grande échelle, l'arme qui a détruit la ville japonaise d'Hiroshima avait une puissance d'environ 15 kilotonnes. Une kilotonne équivaut à 1 000 tonnes de TNT. »

Quel pays possède des armes nucléaires tactiques ?

De nombreuses puissances nucléaires mondiales disposent d’armes à faible puissance ou les utilisent sur le champ de bataille.

Selon un rapport de mars du Service de recherche du Congrès américain (CRS), la Russie possède entre 1 000 et 2 000 ogives nucléaires non stratégiques dans son inventaire.

Le président Poutine a averti à plusieurs reprises l’Occident que toute attaque contre la Russie pourrait déclencher une réponse nucléaire.

Il a déclaré que les États-Unis avaient créé un précédent en larguant deux bombes atomiques sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945.

Les États-Unis disposent d’environ 230 armes nucléaires non stratégiques, dont une centaine de bombes B61 déployées par des avions en Europe.

Cette semaine, la Corée du Nord a également effectué un test de missile pour simuler le scénario d’un largage d’armes nucléaires tactiques sur la Corée du Sud.

Les experts estiment que si la Corée du Nord reprend ses essais nucléaires, ceux-ci pourraient impliquer des ogives plus petites développées pour le champ de bataille.

Des armes nucléaires tactiques pourraient-elles être utilisées en Ukraine ?

Les armes nucléaires tactiques ne font plus partie de la réflexion stratégique depuis la fin de la guerre froide en 1991.

Mais la plupart des calculs sur la façon dont les États-Unis et la Russie réagiraient à l’utilisation d’armes nucléaires, selon M. Gatopoulos, proviennent de la Guerre froide et du fragile équilibre des pouvoirs qui a maintenu le monde en sécurité mais toujours dans un état de peur.

Les analystes estiment que la possibilité que la Russie utilise des armes nucléaires tactiques pour consolider sa position de grande puissance pourrait augmenter dans certains cas en Ukraine.

De son côté, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a déclaré que la Russie ne menace d'utiliser des armes nucléaires contre aucun pays.

Le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, a déclaré que les commentaires sur la possibilité d'une attaque nucléaire russe en Ukraine n'étaient que de la fantaisie.

Dans une interview accordée le 13 octobre, le secrétaire adjoint du Conseil de sécurité russe, Alexandre Venediktov, a déclaré que les responsables russes n'avaient jamais menacé publiquement d'utiliser des armes nucléaires ou d'autres armes de destruction massive.

Selon la doctrine nucléaire russe, le pays n'utilisera l'arme nucléaire que si un ennemi utilise ces armes ou d'autres armes de destruction massive contre la Russie ou ses alliés. Deuxièmement, si la Russie dispose de preuves crédibles d'un tir de missile balistique contre son territoire ou celui de ses alliés. Troisièmement, si le gouvernement russe ou des bases militaires clés sont attaqués par un ennemi dans le but d'affaiblir les capacités de réaction de ses forces nucléaires. Enfin, la Russie déploiera l'arme nucléaire si elle est confrontée à une menace existentielle résultant d'une attaque conventionnelle.