Le conflit libyen va-t-il devenir une « seconde Syrie » ?
(Baonghean) - Les deux parties au conflit en Libye ont convenu d'un cessez-le-feu le 12 janvier, mettant fin à neuf mois d'affrontements prolongés. Cependant, cet accord reste très fragile, car le chef des forces de l'Est, le général Khalifa Haftar, n'a pas signé l'accord de cessez-le-feu du 13 janvier lors des négociations à Moscou, où la Russie a joué le rôle de médiateur.
Cessez-le-feu « fragile »
Les négociations sur les termes d'un cessez-le-feu entre les forces de Haftar et le gouvernement reconnu par l'ONU dirigé par Fayez al-Sarraj ont duré sept heures, mais les deux délégations ne se sont pas rencontrées. Moscou a toutefois souligné que « certains progrès » avaient été réalisés. Le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Sarraj à Tripoli est constamment attaqué par les forces fidèles à Haftar, qui et ses partisans ont pris le contrôle de l'est du pays depuis fin avril. Les deux parties devraient s'entendre sur les termes d'un cessez-le-feu entré en vigueur ce week-end, laissant espérer une fin à la guerre qui ravage ce pays d'Afrique du Nord riche en pétrole.
![]() |
Des combattants fidèles à Haftar à Benghazi, dans l'est de la Libye, en décembre 2019. Photo : AFP |
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que Sarraj et le président du Conseil suprême de l'État à Tripoli, Khaled al-Mechri, avaient signé le document, mais que Haftar et son allié Aguila Saleh avaient « demandé un délai supplémentaire jusqu'au lendemain matin » (14 janvier) pour l'étudier attentivement. Cependant, selon les dernières informations, Haftar aurait quitté Moscou sans signer l'accord. Ces derniers temps, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de Russie et de Turquie ont servi d'intermédiaires, mais les parties directement impliquées dans le conflit ne se sont jamais rencontrées en personne. La chaîne de télévision libyenne al-Ahrar a un jour cité al-Mechri déclarant : « Nous avons refusé toute rencontre avec Haftar. »
On sait que l'initiative de cessez-le-feu a été proposée par le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Après un processus difficile, dimanche dernier à minuit, un cessez-le-feu fragile est officiellement entré en vigueur.
![]() |
Les dirigeants russes et turcs lors d'une réunion la semaine dernière à Istanbul. Photo : Sputnik |
Cependant, le lendemain, le dirigeant d'Ankara a réitéré l'« urgence » d'un accord durable après avoir rencontré le Premier ministre italien Giuseppe Conte. D'autres dirigeants mondiaux ont également exprimé leur intérêt pour l'évolution de la situation à Tripoli. Par exemple, la chancelière allemande Angela Merkel a rendu visite à Poutine le 11 janvier et a reçu le soutien du dirigeant moscovite pour les efforts visant à organiser une conférence de paix sous l'égide de l'ONU, prévue fin janvier. Le président français Emmanuel Macron s'est également exprimé le 13 janvier, appelant à un cessez-le-feu « crédible, durable et vérifiable ».
Les puissances occidentales souhaitent stabiliser la Libye, qui possède les plus grandes réserves de pétrole d'Afrique, et la raison en est sans doute leur crainte que les militants islamistes et les passeurs de migrants, déjà actifs, puissent profiter de l'escalade du chaos.
![]() |
Les forces du GNA ont profité du cessez-le-feu pour se reposer au sud de la capitale Tripoli. Photo : AFP |
Le passé tournera-t-il la page ?
Plus tôt cette semaine, Sarraj a appelé les Libyens à « tourner la page, à mettre de côté leurs divergences et à s'unir pour la stabilité et la paix ». C'est un signe positif, dans une plus ou moins grande mesure, compte tenu de la situation déjà tendue. Depuis le lancement de l'offensive de Haftar sur Tripoli, plus de 280 civils et 2 000 combattants ont été tués, selon l'ONU, sans compter les 146 000 Libyens déplacés.
Dans une situation aussi complexe, la Turquie et la Russie ont lancé conjointement une initiative diplomatique, bien que les deux pays soient réputés soutenir des camps opposés dans le conflit. En janvier, Ankara a envoyé des troupes sous couvert d'entraînement pour soutenir le GNA, une initiative vivement critiquée par les puissances européennes et le président américain Donald Trump. Le GNA a également signé des accords avec Ankara conférant à la Turquie l'autorité sur une vaste zone de la Méditerranée orientale. Cet accord a, sans surprise, également été condamné par la France, la Grèce, l'Égypte et Chypre.
![]() |
Le Premier ministre Fayez al-Sarraj (à gauche) et le général Khalifa Haftar. Photo : AP |
La Russie, quant à elle, a été accusée de soutenir les forces pro-Haftar, elles-mêmes soutenues par les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite et l'Égypte, tous rivaux régionaux de la Turquie. Plusieurs centaines de mercenaires russes se seraient rendus en Libye, rejoignant les forces de Haftar. Cependant, le président Poutine lui-même a nié ces allégations, affirmant que les Russes présents dans ce pays d'Afrique du Nord déchiré par la guerre ne sont pas rémunérés par Moscou.
L'analyste russe de la défense Alexeï Malachenko, cité par l'AFP, a déclaré que la Russie soutenait Haftar en raison de sa puissance militaire supérieure et du soutien de son allié égyptien. Il a ajouté que Moscou souhaitait protéger sa présence en Libye, notamment ses intérêts pétroliers. De là, a-t-il spéculé, la Russie pourrait relancer le commerce d'armes et de blé, et relancer un projet ferroviaire actuellement suspendu.
![]() |
Carte de la guerre en Libye. Rouge : Armée nationale libyenne (ANL) ; vert : Gouvernement d'union nationale. Photo : GNA |
Sur le plan diplomatique, l'Europe et l'Amérique du Nord ont également lancé leur propre « offensive », cherchant à empêcher la Libye, face à l'implication croissante d'acteurs internationaux dans le conflit, de se transformer en ce que Berlin appelle une « seconde Syrie ». Plus récemment, le roi Abdallah de Jordanie a averti que des milliers de combattants quittaient la Syrie pour la Libye. Certes, même si c'est le cas au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cette situation suscitera également l'inquiétude des pays occidentaux, qui peineront à trouver une solution pacifique à ce problème en 2020.