Élections anticipées en Turquie : la victoire ne suffit pas
(Baonghean) - La victoire aux élections anticipées du 1er novembre en Turquie a donné un avantage considérable au Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir. Mais une majorité à l'Assemblée nationale ne suffira pas à résoudre les problèmes actuels du « pays des tapis volants ».
Changer pour gagner
Près de cinq mois après sa défaite aux élections législatives de juin et l'échec de sa tentative de former un gouvernement de coalition, le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir remporte une victoire. Ce résultat de près de 49,7 % des voix pour l'AKP peut être considéré comme une surprise, car les prévisions précédentes indiquaient qu'aucun parti ne pourrait remporter la majorité des 550 sièges du Parlement turc. Parallèlement, le principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple, n'a obtenu que 23 %, ce qui est insuffisant pour concurrencer l'AKP.
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L'AKP du président Recep Tayyip Erdogan a gagné grâce à un engagement en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. |
En réalité, la récente victoire était tout à fait inévitable, ce qui est compréhensible si l'on sait que l'AKP a adopté une stratégie différente après sa défaite de juin. L'AKP et son chef, le président Recep Tayyip Erdogan, ont temporairement mis en suspens le projet de modification de la Constitution, qui transformerait la Turquie d'un système parlementaire en un système présidentiel et renforcerait les pouvoirs du Guide suprême.
Il s'agit de l'une des principales priorités de l'AKP et d'un sujet controversé dans le pays. Lors des précédentes campagnes électorales, le président Erdogan a souvent prononcé des discours prônant la nécessité de modifier la Constitution, convainquant les électeurs de voter pour l'AKP afin que le parti puisse atteindre les 400 sièges requis à l'Assemblée nationale.
Lors des dernières élections, la propagande de l'AKP s'est concentrée sur les questions brûlantes auxquelles la société turque est confrontée aujourd'hui, comme la sécurité et les ennemis qui détruisent le pays, comme l'État islamique (EI). Le message de l'AKP était que le parti avait de nombreux projets de sécurité inachevés et qu'il fallait donc lui donner la possibilité de mener à bien les projets restants pour le bien de la population. L'AKP a également modifié son approche auprès des électeurs, réduisant la fréquence des apparitions publiques de ses dirigeants.
La stratégie de l'AKP, qui consiste à exploiter le climat de tension dans le pays et à convaincre la population de choisir entre l'instabilité et un règlement pacifique du conflit, a porté ses fruits. Une grande partie de l'électorat turc semble partager l'idée que l'instabilité persistante affectera le développement et souhaite un retour à une période de parti unique, afin que le gouvernement puisse facilement réagir avec détermination au terrorisme.
Des défis qui ne sont pas faciles à résoudre
Les efforts récents ont apporté des résultats clairs pour l’AKP, mais l’avenir n’est pas rose et de nombreux défis l’attendent.
Tout d'abord, la crise économique constitue un véritable casse-tête pour les dirigeants de l'AKP depuis le précédent mandat. La politique de « main de fer » appliquée sans relâche par l'AKP au cours des treize dernières années au pouvoir ne parvient plus à relancer l'économie turque. Celle-ci est en déclin constant, ce qui a entraîné une baisse de confiance de la population. Le taux de croissance économique du pays, initialement prévu entre 6 et 7 % par an, est désormais ramené à 4-5 % pour au moins les trois prochaines années.
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Les électeurs turcs attendent de l’AKP qu’il contribue à résoudre les problèmes économiques et sécuritaires. |
Dans un tel contexte, le poids de l'immigration en provenance des pays voisins a encore aggravé la situation sociale en Turquie. Selon les chiffres officiels, 1,9 million de Syriens fuyant la guerre civile se réfugient en Turquie, mais seul un petit nombre (environ 250 000) sont hébergés dans 25 camps de réfugiés construits par le gouvernement. La majorité des réfugiés restants sont dispersés à travers le pays, ce qui alimente le ressentiment des communautés locales.
Les réfugiés non contrôlés sont accusés d'être à l'origine de la hausse de la criminalité, de l'augmentation du coût de la vie, notamment du logement, et d'imposer une lourde charge aux systèmes de santé et aux réseaux de sécurité sociale locaux. Parallèlement, le montant de l'aide européenne consacrée à la construction de centres d'accueil pour réfugiés reste une question ouverte, l'Europe et la Turquie attendant une solution définitive.
En outre, les plans de sécurité et de lutte contre le terrorisme constitueront également un défi pour le nouveau gouvernement, qui devra répondre aux attentes de la population lors des récentes élections. Le choix de la Turquie de participer à la campagne militaire conjointe menée par les États-Unis contre l'EI aura certainement des effets mitigés.
Si la Turquie hésite dans sa lutte contre l'EI, elle pourrait devenir un terreau fertile pour le développement du groupe. Mais mener des opérations de sécurité contre l'EI transforme également le pays en un nouveau foyer du terrorisme, comme en témoignent les deux attentats sanglants qui ont fait 102 morts dans la capitale Ankara au début du mois dernier. Un regain de violence et de terrorisme créera des conditions favorables au développement de la communauté séparatiste kurde en Turquie, qui ambitionne de se séparer et d'établir un État indépendant.
Thanh Son
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