Les défis de la « ligne rouge » dans les relations russo-américaines
La Russie et les États-Unis ont passé un an à tester leurs lignes rouges respectives, sans qu'aucune avancée ne soit réalisée dans la normalisation des relations entre les deux parties.
Stratégie de double dissuasion
L'arrivée au pouvoir du président Joe Biden a marqué à la fois la continuité et la nouveauté de la politique de la Maison-Blanche. Les principales priorités de l'administration actuelle sont liées aux problèmes socio-économiques intérieurs auxquels sont confrontés les États-Unis. Washington s'efforce de réduire ses engagements militaires excessifs et a renforcé sa coopération avec ses alliés. Les États-Unis ont mis fin à vingt ans de guerre en Afghanistan et cherchent également à reconstruire l'accord sur le nucléaire iranien.
Les États-Unis continuent également d'augmenter le budget du Pentagone et de mettre en œuvre une stratégie de double endiguement avec la Chine et la Russie. Grâce à cette stratégie de double dissuasion, Washington pousse Moscou et Pékin à former une alliance militaire, bien que les deux pays ne cherchent pas à former une alliance.
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Le président américain Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine. Photo : Getty |
Il convient de noter que de nouveaux aspects sont également apparus dans l'approche américaine à l'égard de la Russie. Biden a immédiatement accepté de prolonger le traité START pour cinq ans, et lors du sommet avec le président russe Vladimir Poutine en juin 2021 à Genève, les deux parties ont entamé des négociations sur la stabilité stratégique et soumis une résolution commune sur la cybersécurité aux Nations Unies. L'administration Biden n'a pas imposé de nouvelles sanctions concernant Nord Stream 2. Au premier semestre de cette année, les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Russie ont augmenté d'environ 50 % par rapport à 2020.
En 2021, le président américain Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine ont tenu deux entretiens de haut niveau, l'un en personne et l'autre en ligne. Ces rencontres ont notamment abouti à la décision des deux parties d'entamer un dialogue sur la stabilité stratégique et la sécurité de l'information, notamment sur la prévention d'une guerre nucléaire. Les discussions sur les armes et la cybersécurité en sont également à leurs débuts.Définir la « ligne rouge »
La crise ukrainienne et l'absence de progrès dans la mise en œuvre des accords de Minsk ont été les principaux points abordés lors des récentes négociations entre les dirigeants russes et américains. Le président américain Joe Biden s'est inquiété de la forte concentration de troupes et d'équipements russes à la frontière avec l'Ukraine et a menacé d'imposer des sanctions sans précédent en cas d'« agression russe contre l'Ukraine ». M. Biden a dévoilé le plan américain en cas d'« invasion » russe de l'Ukraine. En conséquence, Washington déploiera des forces dans les pays d'Europe de l'Est membres de l'OTAN, notamment la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la République tchèque et l'Estonie.
L'Ukraine est un maillon clé du plan de Washington visant à étendre sa sphère d'influence en Europe de l'Est, mais les dirigeants américains insistent sur le fait qu'il n'y a jamais eu de projet d'envoyer des troupes en Ukraine.
Cependant, pour la Russie, la question ukrainienne constitue une « ligne rouge » qu'elle a publiquement déclarée à plusieurs reprises. La Russie a demandé aux États-Unis de ne pas franchir cette « ligne rouge » qu'elle a fixée en fonction de ses intérêts nationaux.
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a noté que l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN deviendrait une « ligne rouge » pour Moscou, soulignant que les tentatives de transformer l'Ukraine en tremplin pour la confrontation avec la Russie sont lourdes de conséquences négatives, arguant que de telles actions de l'OTAN déstabilisent la situation militaro-politique en Europe.
L'expansion de l'OTAN vers l'Est
L'expansion de l'OTAN vers l'Est constitue actuellement l'un des enjeux les plus sérieux des relations bilatérales. La Russie est particulièrement préoccupée par cette question et prévient que les conséquences d'une telle initiative seraient catastrophiques. La Russie estime qu'au cours des dix dernières années, l'OTAN a progressivement élargi l'Alliance, contrairement à son engagement antérieur de ne pas s'étendre vers l'Est.
Le président russe a soulevé la question de la nécessité de garanties juridiques contre l'expansion de l'OTAN vers l'Est, soulignant qu'il s'agit d'un enjeu clé pour assurer la sécurité de la Russie à moyen terme, et même d'un point de vue stratégique. L'expansion de l'OTAN vers l'Est est inacceptable pour Moscou.
Selon M. Poutine, chaque pays a le droit de choisir comment assurer sa sécurité, mais cela doit être fait d'une manière qui ne porte pas atteinte aux intérêts des autres parties et ne porte pas atteinte à la sécurité des autres pays, en l'occurrence la Russie.
Récemment, le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé un projet d'accord avec les États-Unis et l'OTAN sur les garanties de sécurité. Selon ce projet, les pays de l'OTAN doivent s'engager à exclure l'Ukraine de l'alliance et à l'élargir davantage. Les États-Unis doivent s'engager à ne pas étendre l'OTAN plus à l'est et à ne pas y admettre d'anciens membres de l'ex-Union soviétique. L'OTAN ne mène aucune activité militaire sur le territoire de l'Ukraine et des autres pays d'Europe de l'Est, de Transcaucasie et d'Asie centrale.
En outre, la Russie et l'OTAN se sont engagées à ne pas créer de conditions susceptibles d'être perçues comme une menace par l'autre partie. Les parties ont également confirmé qu'elles ne se considèrent pas comme des adversaires. Elles ont convenu de maintenir le dialogue et l'interaction afin d'améliorer les mécanismes de prévention des incidents en mer et dans les airs, principalement dans les régions de la Baltique et de la mer Noire.
Les parties excluent le déploiement de missiles terrestres de courte et moyenne portée dans des zones capables de frapper des cibles sur le territoire d'autres parties au traité. Moscou exige le retrait de la décision du sommet de l'OTAN de 2008 sur l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'alliance.
La Russie menace d’utiliser des mesures sans précédent si les États-Unis et l’OTAN continuent de prendre des mesures provocatrices et d’ignorer les demandes de Moscou.
Les négociations sur les visas dans l'impasse
Les négociations sur les visas avec les États-Unis ne sont pas encore terminées. La Russie estime que les États-Unis ne souhaitent pas prendre une décision claire et simple, à savoir envoyer le personnel nécessaire en Russie dans le cadre de quotas pour rétablir un service normal pour les citoyens russes, mais lancent des accusations absurdes selon lesquelles Moscou entraverait les États-Unis.
La question des visas diplomatiques est également un cercle vicieux. Les deux parties n'ont pas réussi à trouver une voix commune et ont au contraire renforcé les restrictions sur leurs activités respectives. Le 1er décembre, la représentante officielle du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a annoncé qu'un groupe d'employés de la mission diplomatique américaine à Moscou quitterait le territoire de la Fédération de Russie avant le 1er juillet 2022, si les États-Unis ne faisaient pas de concessions pour résoudre la crise diplomatique. Auparavant, l'ambassadeur de Russie aux États-Unis, Anatoli Antonov, avait déclaré que Washington avait annoncé l'expulsion de 27 diplomates russes et de leurs familles, qui devaient rentrer chez eux au plus tard le 30 janvier 2022.
Perspectives imprévisibles
Il est prématuré de conclure à un changement radical dans les relations russo-américaines après les sommets entre les deux parties. Du point de vue russe, les perspectives d'amélioration des relations sont difficiles à prévoir. C'est une triste conclusion, compte tenu du long parcours des relations russo-américaines actuelles, ainsi que sous les anciens présidents Donald Trump et Barack Obama.
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a souligné que cette situation était due à la volonté des États-Unis d'interférer et d'imposer leurs propres approches à la Russie, ainsi qu'à son rejet de la place de ce pays dans la vie internationale. M. Riabkov n'a pas formulé de prévisions optimistes quant à la normalisation des relations, soulignant que, dans la situation actuelle, Moscou était prêt à affronter des scénarios négatifs.
Les récents sommets ne visent clairement pas à redéfinir les relations, comme l'ont fait l'ancien président Barack Obama et le vice-président Joe Biden en 2009 après la guerre russo-géorgienne. Il s'agit plutôt d'une tentative de s'entendre sur les règles du jeu, comme l'ont fait les États-Unis et l'Union soviétique au début des années 1970, en signant un traité de limitation des armements stratégiques et une série de traités visant à prévenir la guerre. Cela soulève des questions sans réponse. On ne sait pas clairement quelle structure les deux parties visent. S'agira-t-il d'un mécanisme bilatéral, d'une structure incluant les cinq principaux pays occidentaux ou le Conseil OTAN-Russie ?
Il n'existe pas non plus de précédent concernant l'obligation légale de l'OTAN de renoncer à son expansion vers l'Est. Théoriquement, de tels engagements pourraient être pris par les États membres de l'OTAN, après ratification par les parlements des 30 nations. Cependant, dans le contexte actuel, un tel scénario est hautement improbable.