La nature – Le grand vide dans l’éducation spécialisée
Peu de gens le savent : pour les enfants atteints de troubles du développement, notamment les enfants autistes, la nature n'est pas seulement un lieu de jeu, mais une méthode éducative et thérapeutique puissante, durable et douce.

Auteur : Mai Duong | Date de publication : 8 avril 2025
Dans le couloir exigu d'un centre d'intervention précoce, une jeune mère observe son enfant courir partout avec anxiété. À quelques mètres de là, une enseignante tente de faire asseoir un autre enfant pour qu'il fasse un exercice. Tous deux – parent et enseignante – poursuivent le même objectif, mais peut-être… au mauvais endroit.
Ce que tout le monde ne sait pas : pour les enfants atteints de troubles du développement, notamment les enfants autistes, la nature n’est pas seulement un lieu de jeu, mais une méthode éducative et thérapeutique puissante, durable et douce.
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Un paradoxe se produit : lorsque les enfants autistes sont jeunes (0-6 ans), de nombreux programmes d’intervention précoce et de soutien sont mis en place. Mais lorsqu’ils atteignent l’âge de l’école primaire et au-delà, tout semble… s’effondrer.

De 6 à moins de 18 ans, de nombreux enfants autistes sont retirés du système scolaire traditionnel, sans qu'il existe d'environnement alternatif adapté. Beaucoup de parents sont contraints de les confier à des structures se limitant à la simple garde d'enfants, sans véritable vocation éducative ni thérapeutique.
Parallèlement, cette tranche d'âge – de 8 à 16 ans – est le stade où les enfants commencent à développer la conscience de soi, ont un besoin accru d'interaction sociale et sont souvent confrontés à des sentiments d'isolement et d'insécurité s'ils ne sont pas correctement encadrés.

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Les enfants autistes plus âgés peuvent ne pas aimer parler, ne pas coopérer en classe, ne pas pouvoir participer à des cours magistraux – mais beaucoup sont disposés à s'asseoir sous un arbre, à arroser attentivement les légumes, à nourrir les poissons ou à se promener avec des adultes dans des rues tranquilles.
La nature est le « langage universel » lorsque les mots font défaut. Nul besoin de trop d'encadrement, ni de surveillance étroite : un espace sûr et familier suffit pour que les enfants puissent s'autoréguler et trouver leur propre rythme émotionnel.
Il ne s’agit pas d’une vision sentimentale. Une étude de 2021 publiée dans Frontiers in Psychology a révélé que les adolescents autistes qui participaient à des programmes d’intervention incluant le jardinage, les soins aux animaux ou des activités de plein air présentaient des scores significativement plus faibles en matière d’anxiété et de comportements d’auto-stimulation, en particulier chez ceux qui avaient cessé de coopérer lors des séances de thérapie en intérieur.

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Nous avons l'habitude de penser : apprendre, c'est apprendre ; vivre, c'est autre chose. Mais pour les enfants présentant des troubles du développement, apprendre, c'est vivre pleinement, acquérir un rythme biologique régulier, des habitudes saines et des réactions adaptées au monde.

Un enfant autiste n'a pas besoin d'apprendre 20 nouveaux mots chaque jour, mais de savoir comment se réveiller, manger, travailler, se détendre et dormir selon une séquence prévisible. La nature, avec son cycle jour-nuit, ses sons réguliers et les activités liées à la terre, à l'eau, aux arbres, au sable… est l'espace idéal pour instaurer ces rythmes de vie.
Lorsque l'environnement d'apprentissage est rythmé, les enfants apprennent.

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Nombreux sont les parents et les enseignants qui attendent de leurs enfants qu'ils parlent, écrivent et comprennent les consignes. Mais avant que ces compétences avancées ne puissent émerger, les enfants ont besoin de restructurer leur système sensoriel – un processus que la musique, le rythme et le mouvement permettent d'accomplir mieux que n'importe quel programme scolaire.
L'expérience internationale a démontré que des chansons simples et répétitives, associées à des gestes (claquer des mains, sauter, tourner en rond, se laver les mains en rythme…), aident les enfants à développer des réflexes solides. C'est pourquoi les programmes d'intervention intégrés actuels intègrent la musique à toutes les activités : des études aux repas, du sommeil aux travaux de groupe.
En associant la musique aux grands espaces, les enfants n'apprennent plus seulement par la mémoire, mais aussi grâce à un sentiment de sécurité et d'amour.

Un bon enseignant spécialisé n'est pas seulement un bon communicateur, mais aussi une personne qui sait observer, patienter et créer des situations propices à la progression autonome des enfants. Cela exige du temps, de l'espace et de la créativité.

Dans une salle de classe fermée, les enseignants sont contraints par le programme scolaire, les tableaux blancs et les comportements contrôlés. Mais dans l'environnement naturel, ils disposent de plus de matière pour « concevoir des expériences » : arroser les enfants, ratisser le jardin ou simplement se promener en silence avec eux.
C'est une véritable salle de classe, sans estrade – mais pleine d'opportunités d'apprentissage.

Si chaque centre d'éducation spécialisée est conçu avec un petit jardin, une pelouse ou un potager, le modèle d'éducation intégrant la nature ne sera plus l'apanage des lieux qui en ont les moyens.
Des règles sont établies, mais chaque enfant est différent. Il faut donc faire preuve de souplesse pour permettre à certains modèles de fonctionner de manière adaptée aux enfants, à condition que leur sécurité soit assurée, que leurs objectifs soient clairs et qu'ils soient encadrés par des professionnels.
L’éducation spécialisée ne peut rester une question négligée. Elle a besoin d’une stratégie nationale, à commencer par des politiques publiques, et nourrie par la confiance.


Nos points de vue, nos méthodes, voire nos situations peuvent différer. Mais si nous considérons l'enfant – non pas comme un « cas difficile », mais comme une vie qui se développe chaque jour – toutes ces différences s'estompent.
Les enfants n’ont pas besoin d’un programme compliqué. Ils ont simplement besoin d’un endroit où ils peuvent vivre à leur propre rythme. Et parfois, cet endroit peut se résumer à un petit potager, un bananier ou le chant d’un oiseau en dehors des heures de classe.
Si quelqu’un demande : « Par où devrait commencer l’éducation spécialisée ? », peut-être devrions-nous répondre :
« De cette reconnaissance : les enfants ayant des besoins spécifiques ont aussi le droit d’apprendre dans la nature, comme tous les autres enfants. »



