La Russie se tourne activement vers l’Asie : une situation gagnant-gagnant !
(Baonghean) - Pour la première fois depuis qu'elle est devenue membre officiel du Sommet de l'Asie de l'Est (EAS) dans le cadre du Sommet de l'ASEAN et des conférences connexes, la Russie a attiré cette année l'attention avec la présence du président russe Vladimir Poutine.
La présence de M. Poutine en personne à cet événement, en lieu et place du Premier ministre Medvedev comme d'habitude, a suscité une attention particulière de la part du public. Cependant, si l'on considère l'ensemble des récentes initiatives du gouvernement moscovite, notamment à l'occasion de la Semaine Asie-Pacifique, le public reconnaîtra sans difficulté les efforts du président Poutine pour promouvoir un « pivot » vers cette région géostratégique.
La Russie se distingue à la « Semaine de l'Asie »
Avec une série d'événements majeurs cette année, comme le sommet de l'ASEAN, les conférences connexes à Singapour et la semaine du sommet de l'APEC en Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'opinion publique a qualifié cette année de « Semaine du sommet Asie-Pacifique ». Parmi ces activités, les participants constatent également des initiatives très positives de la part de la délégation russe.
La Russie s'est inscrite pour participer à tous les forums importants, tels que le Sommet Russie-ASEAN, et a tenu de nombreux entretiens bilatéraux avec des dirigeants asiatiques tels que le président indonésien Joko Widodo, le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong, le président sud-coréen Moon Jae-in, le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le Premier ministre Li Keqiang et le Premier ministre thaïlandais Prayut Chan-o-cha. Le président russe Poutine s'est notamment rendu personnellement à Singapour pour la première fois afin d'assister au Sommet de l'Asie de l'Est (EAS).
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Le président russe Vladimir Poutine passe en revue la garde d'honneur lors de sa visite à Singapour. Photo : TASS |
Il convient de rappeler que l'EAS est une conférence annuelle entre les pays membres de l'ASEAN et huit partenaires de dialogue, dont l'Australie, le Japon, l'Inde, la Chine, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis. Il est d'autant plus remarquable que ce sommet de l'EAS soit absent des présidences américaine, Donald Trump, et chinoise, Xi Jinping. Cela signifie également que le président russe, Vladimir Poutine, est devenu, par accident, la principale préoccupation de cette importante conférence. La Russie devrait saisir cette occasion pour promouvoir des initiatives de dialogue à tous les niveaux sur la sécurité régionale, au sein desquelles elle apportera bien sûr une contribution significative.
En réalité, ce n'est que maintenant que l'administration du président russe Poutine a manifesté son intérêt pour la région asiatique. Rappelons qu'en 2010, la Russie a lancé sa politique « Regard vers l'Est ». Mais depuis, elle n'a pas véritablement investi ni pris de mesures concrètes pour mettre en œuvre cette politique. Il est donc nécessaire pour elle de réajuster sa stratégie régionale.
Selon les observateurs, il s'agit également pour la Russie d'un moyen de combler les lacunes de ses relations avec les pays de la région Asie-Pacifique. Auparavant, la Russie n'accordait de valeur qu'aux relations avec les pays européens, partenaires traditionnels de Moscou. Mais tout a changé lorsque les relations entre la Russie et l'Europe ont sombré dans la crise après l'annexion de la Crimée à la Russie en 2014. Depuis, la Russie est devenue la cible de lourdes sanctions imposées par les États-Unis et l'Europe. L'économie russe est depuis entrée dans une spirale de crise, marquée par une croissance ralentie, une dévaluation de la monnaie et une interruption, voire une rupture, des relations de coopération économique.
Réchauffer la « politique de l'Orient »
La recherche de nouveaux partenaires potentiels est devenue inévitablement l'axe central de la politique étrangère russe depuis la montée des tensions avec l'Occident. L'Afrique, le Moyen-Orient et désormais la région Asie-Pacifique, notamment l'Asie du Sud-Est (pays de l'ASEAN aux économies en plein développement) constituent un marché potentiel pour la Russie, lui permettant de rétablir ses circuits d'approvisionnement en import-export, de réduire sa dépendance aux exportations pétrolières vers l'Europe, d'ouvrir des perspectives de coopération avec de nouveaux partenaires et d'atténuer la pression des sanctions occidentales sur l'économie russe.
La stratégie russe axée sur l'Asie s'est reflétée dans de nombreux domaines, de l'économie à la politique, en passant par la sécurité et la défense. Sur le plan économique, la Russie a créé depuis 2015 un nouveau forum économique, le « Forum économique oriental » (EEF), similaire au Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF) en Extrême-Orient.
Cela a ouvert de nouvelles perspectives de coopération entre les entreprises russes et la dynamique région asiatique. En 2018, le Forum EEF organisé par la Russie a également attiré des dirigeants asiatiques de premier plan comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud. La coopération énergétique est également l'un des axes prioritaires de la Russie dans ses relations avec les pays asiatiques, notamment l'ASEAN.
Il est clair que les pays d'Asie du Sud-Est en pleine croissance constituent des marchés potentiels pour les exportations russes de pétrole et de gaz, ainsi que pour l'énergie nucléaire. Par exemple, l'entreprise nucléaire russe Rosatom négocie actuellement avec l'Indonésie et les Philippines la construction de centrales nucléaires.
Au-delà des aspects économiques, la Russie promeut également la coopération en matière de défense avec la région, comme en témoigne son statut de principal fournisseur militaire de la région Asie-Pacifique. Plus de 60 % des armes russes sont exportées vers des pays asiatiques, dont l'Asie du Sud-Est représente une part importante.
En août dernier, l'Indonésie a annoncé l'achat de 11 avions de combat Sukhoi à la Russie, pour une valeur de 1,14 milliard de dollars. La Russie a également signé un accord avec les Philippines afin d'ouvrir la voie à l'entrée de ses armes sur ce marché, partenaire traditionnel des États-Unis. Par ailleurs, la Russie continue d'entretenir d'étroites relations de sécurité avec ses principaux partenaires, l'Inde et la Chine, bien que ces deux pays soient rivaux dans la région.
La Russie n'en est pas restée là, démontrant activement sa puissance militaire dans la région, notamment lors de l'exercice Vostok 2018, auquel ont participé des milliers de soldats chinois. Cet événement a même suscité des interrogations quant à une nouvelle alliance militaire entre la Russie et la Chine. Par ailleurs, l'armée russe a également mené un exercice conjoint avec le Pakistan en octobre dernier.
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Le président russe Poutine et le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong lors du sommet Russie-ASEAN 2016 à Sotchi, en Russie. Source : StraitTimes |
Il existe de nombreux obstacles
Les récents efforts de la Russie pour se tourner vers l'Asie se sont également traduits par une série de visites du président Poutine et la signature d'accords de coopération économique et politique, notamment avec la Chine, l'Inde et même le Japon. Sur la question de la Corée du Nord, la Russie a toujours été très discrète, mais une rencontre entre le président russe Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, prévue ce mois-ci, a marqué un réel changement d'intérêt de la Russie pour la région.
Les experts affirment qu'il s'agit simplement d'une politique « bénéfique à tous » du président russe Poutine, visant à influencer et à renforcer le rôle et la position du pays dans différentes régions du monde, notamment en Asie-Pacifique. On pensait que cette stratégie de « la paix est précieuse » serait facile à mettre en œuvre, mais la réalité est moins favorable que le gouvernement moscovite l'avait anticipé.
Un exemple typique est la relation avec le Japon. Ces derniers temps, les deux dirigeants ont eu plusieurs rencontres, mais n'ont pas réussi à résoudre le principal obstacle à leurs relations : le conflit des îles Kouriles, territoire septentrional contrôlé par la Russie. De plus, ce changement de cap de la Russie suscitera certainement des réactions de la part des États-Unis, qui concentrent également leur attention sur cette région. Ce malaise s'est accru de manière exponentielle, Washington se montrant récemment « inférieur » à Moscou sur le champ de bataille syrien au Moyen-Orient.
En ce qui concerne la question de la Corée du Nord, toute expression de la position de la Russie sur ce dossier sera surveillée de près par les États-Unis et la Chine.
Par ailleurs, les habitudes commerciales et les barrières géographiques freinent également l'essor de la coopération entre les entreprises russes et les pays asiatiques. De plus, les marchés européens demeurent des partenaires traditionnels importants et difficiles à remplacer.
Par conséquent, selon les analystes, bien qu'il soit possible de diversifier ses relations avec la région asiatique, la Russie ne compromettra probablement pas ses relations actuelles avec les pays occidentaux. Au contraire, elle privilégiera une stratégie visant à équilibrer habilement les relations entre les parties, sans privilégier l'une ou l'autre, comme scénario actuel.